Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘franchir’

La colline que nous gravissons (Amanda Gorman)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024




    
La colline que nous gravissons

[…]

Quand vient le jour, nous nous demandons :
Où trouver la lumière
Dans cette ombre qui sans fin s’étire ?
Le poids de nos pertes, une mer à franchir.

[…]

Quand vient le jour, nous sortons de l’ombre,
Ardents et vaillants.
L’aube nouvelle s’épanouit à mesure que nous la délivrons,
Car il y a toujours de la lumière,
Pourvu que nous ayons le courage de la voir paraître,
Pourvu que nous ayons le courage de l’être.

***
The hill we climb

[…]

When day comes, we ask ourselves:
Where can we find light
In this never-ending shade?
The loss we carry, a sea we must wade.

[…]

When day comes, we step out of the shade,
Aflame and unafraid.
The new dawn blooms as we free it,
For there is always light,
If only we’re brave enough to see it,
If only we’re brave enough to be it.

(Amanda Gorman)

Recueil: La colline que nous gravissons
Traduction: Lous and the Yakuza
Editions: Fayard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

S’évader (Frankétienne)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2024



    

S’évader
contourner l’obstacle
franchir le mur par la porte du miroir.

(Frankétienne)

Recueil: Anthologie secrète
Editions: Mémoire d’encrier

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , | Leave a Comment »

CHERCHE TA PLACE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



 Illustration: Robert Cattan
    
CHERCHE TA PLACE

Je m’en vais cheminant, cheminant, dans ce monde,
Chaque jour je franchis un nouvel horizon.
Je cherche pour m’asseoir le seuil de ma maison
Et mes frères et soeurs pour entrer dans leur ronde.

Mais las ! J’ai beau descendre et monter les chemins,
Nul toit rêveur ne m’a reconnue au passage,

Et les gens que j’ai vus ont surpris mon visage
Sans s’arrêter, sourire et me tendre les mains.
Va plus loin, va-t’en ! qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place…

J’ai vu sauter dans l’herbe et rire au nez du vent
Des filles pleines d’aise et de force divine

Qui partaient, le soleil sur l’épaule, en avant,
L’air large des pays en fleurs dans la poitrine…
Ah ! pauvre corps frileux même sous le soleil
Qui sans te ranimer te surcharge et te blesse.

Toi qu’un insecte effraye, ô craintive faiblesse,
Honteuse d’être pâle et d’avoir tant sommeil.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Ainsi qu’à la Saint-Jean les roses de jardin,
Fleurs doubles dont le coeur n’est plus qu’une corolle,
J’ai regardé fleurir autour de leur festin
Les reines, les beautés qu’on aime d’amour folle.

Las ! je t’ai vue aussi, toi, gauche laideron,
Mal faite, mal vêtue, âme que son corps gêne,

Herbe sans fleur que le vent sèche avec sa graine
Et que ne goûterait pas même un puceron…
Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

De rien sachant tout faire, ici menant le fil,
Puis là, dessus, dessous, vite, vite, des fées,

Sous leurs doigts réguliers trouvent un point subtil,
Sans avoir l’air de rien, calmes et bien coiffées…
Toi qui pour ton travail uses le temps en vain,
Toi dont l’aiguille borgne, attentive à sa piste,

Pique trop haut, trop bas, choppe, accroche, résiste,
Prise aux pièges du fil tout le long du chemin,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, fermes esprits, têtes pleines de mots,
Connaissent tout : les dieux, les pays, leur langage,
Les causes, les effets, les remèdes, les maux,
Les mondes et leurs lois, les temps et leur ouvrage…

Tête qui fuis, et tel un grès à filtrer l’eau.
Laisse les mots se perdre à travers ta cervelle,
Ignorante qui crois que la terre est nouvelle
Tous les matins, et tous les soirs le ciel nouveau,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres ont pris leur rêve au piège et l’ont tout vif
Enfermé malgré lui dans leur strophe sonore
D’airain vaste, d’or calme ou de cristal plaintif,
Et l’applaudissement des hommes les honore…

Mais toi ! Tes rêves, comme un vol de moucherons,
T’étourdissent, dansant autour de tes prunelles,
Et ta main d’écolier trop lente pour leurs ailes
Sans en saisir un seul s’égare dans leurs ronds.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, se retirant à l’ombre de leurs cils,
Patients, cherchent la vermine de leur âme
Et pèsent dans l’angoisse avec des poids subtils
Son ombre et sa clarté, sa froidure et sa flamme.

Mais toi qui cours à Dieu comme un petit enfant,
Sans réfléchir, toi qui n’as pas d’autre science
Que d’aimer, que d’aimer et d’avoir confiance
Et de te jeter toute en ses bras qu’Il te tend,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Sans beauté ni savoir, sans force ni vertu,
Être qui par hasard ne ressemble à personne,
Je sais bien qui je suis, l’amour ne m’est pas dû
Et ne pas le trouver n’a plus rien qui m’étonne.

Mais malgré moi j’ai mal… De l’hiver à l’hiver,
Je m’en vais et partout je me sens plus lointaine,
Seule, seule, et le coeur qu’en silence je traîne
Me semble un poids trop lourd, sombre, inutile, amer…

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Bah ! c’est au même lieu que les chemins divers
Aboutissent enfin, le mien comme les vôtres.
Bonne à rien que le sort conduisit de travers,
Je ferai mon squelette aussi bien que les autres.

Mais où me mettrez-vous, mon Dieu ?… Pas en enfer ;
Je n’eus pas dans le mal assez de savoir-faire.
Et pas au paradis : je n’ai rien pour vous plaire…
Hélas ! me direz-vous comme le monde hier :

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

N’aurai-je au dernier jour ni feu, ni lieu, ni toit
Où reposer enfin ma longue lassitude ?
Ou m’enfermerez-vous — hélas ! que j’aurai froid ! —
Dans une lune vide avec ma solitude ?…

Mais à quoi bon, Seigneur, chercher la fin de tout ?
Vous arrangerez bien ceci sans que j’y songe.
Je m’en vais, mon chemin dénudé se prolonge…
Vous êtes quelque part pour m’arrêter au bout.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

L’ÉTERNEL RÊVE (Pierre Kara)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2024



Illustration: Etienne Adolphe Piot
    
L’ÉTERNEL RÊVE

Vous êtes jolie, rose de grâce
pétillante de charmes
votre coeur, une harpe
jouant pour l’Indicible

Dans le bouquet de vos vingt ans
se cache la fleur d’innocence
vous porterez bientôt
le plus beau fruit du monde

J’ai franchi depuis longtemps
la cascade des sens
et je longe la Sérénité
sur le cours de l’Harmonie

Jeune fille, je vous regarde
mon rêve d’adolescent
palpite encore, ensoleillé
au creux de votre poitrine

Je souhaite que naisse
à chacun de vos pas
un souffle de bonheur
pour enchanter mon ciel

(Pierre Kara)

Recueil: Sur le cheval de Lumière
Editions: Pierre Kara

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Empreintes (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2023




    
Empreintes

D’où surgissent
Ces empreintes
Qui cisaillent
Le temps?

Où mène
Le signe
Qui rompt
L’encerclement?

Que dévoilent
Ces traces
Qui franchissent
Leurs limites?

Qui invente
D’autres angles
Qui ranime
L’instant?

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Toi Franz Toussaint)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023




    
Toi

Ta chevelure,
qui est l’étendard
de mon amour.

Ton front,
tiède et bombé
comme une cassolette.

Tes yeux,
qui sont couchés
sur ton visage.

Tes lèvres,
cette porte
du Jardin.

Tes dents,
entre tes lèvres,
comme de la neige
sur de la pourpre.

Ta langue,
qui a mûri
pour ma bouche.

Ton cou,
qui est une colonne d’ivoire.

Ton épaule,
lisse
comme la margelle d’un puits.

Tes bras,
qui seront deux flammes
autour de mon corps.

Tes seins,
qui jaillissent
pour se donner.

Ton ventre,
ce parvis de marbre.

Tes jambes,
réunies
comme deux agneaux craintifs.

Tes pieds,
qui ont franchi le seuil de ma demeure
et que je pose sur mon front.

(Franz Toussaint)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Corps mémorable (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Bruno Di Maio
    
Corps mémorable

I

Tes mains pourraient cacher ton corps
Car tes mains sont d’abord pour toi
Cacher ton corps tu fermerais les yeux
Et si tu les ouvrais on n’y verrait plus rien

Et sur ton corps tes mains font un très court chemin
De ton rêve à toi-même elles sont tes maîtresses
Au double de la paume est un miroir profond
Qui sait ce que les doigts composent et défont.

II

Si tes mains sont pour toi tes seins sont pour les autres
Comme ta bouche où tout revient prendre du goût
La voile de tes seins se gonfle avec la vague
De ta bouche qui s’ouvre et joint tous les rivages

Bonté d’être ivre de fatigue quand rougit
Ton visage rigide et que tes mains se vident
Ô mon agile et la plus lente et la plus vive
Tes jambes et tes bras passent la chair compacte

D’aplomb et renversée tu partages tes forces
A tous tu donnes de la joie comme une aurore
Qui se répand au fond du cœur d’un jour d’été
Tu oublies ta naissance et brûles d’exister.

III

Et tu te fends comme un fruit mûr ô savoureuse
Mouvement bien en vue spectacle humide et lisse
Gouffre franchi très bas en volant lourdement
Je suis partout en toi partout où bat ton sang

Limite de tous les voyages tu résonnes
Comme un voyage sans nuages tu frissonnes
Comme une pierre dénudée aux feux d’eau folle
Et ta soif d’être nue éteint toutes les nuits.

(Paul Eluard)

Recueil: Eluard amoureux
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Tout éclipser (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
Tout éclipser

Je ne voudrais plus que de la musique.
Satprem, 7 novembre 1995

Ce qui s’entend là ne s’écoute
Qu’avec un tel abandon
Qu’aucune digue ni remblai ne résiste

Ça part dans la nuit qui se déchire
Des reins jusqu’aux épaules
Précisément où s’arrimaient les ailes

On en garde un soupçon d’arrachement
Cette mémoire d’innocence et d’abîme
Qui n’a pas eu de suite

Tandis que l’on franchissait outre mesure
Ce qui perdurait
De l’haleine des bêtes et des hommes

Jusqu’à tout éclipser

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Ils ont franchi des murmures (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 21 octobre 2023




    
Ils ont franchi des murmures
de lianes et de pierres,
elles ont frôlé des feux
de mousses et de fougères…

souvent les absents, les absentes
sont en route vers la clairière
qui attend tout de leur pouvoir,
celui du silence parlé,

pour couper court à travers chant.

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LE CORPS (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 3 octobre 2023



Illustration: Gunther von Hagens
    
LE CORPS

Ici l’univers est à l’abri dans la profonde température de l’homme
Et les étoiles délicates avancent de leurs pas célestes
Dans l’obscurité qui fait loi dès que la peau est franchie,
Ici tout s’accompagne des pas silencieux de notre sang
Et de secrètes avalanches qui ne font aucun bruit dans nos parages,
Ici le contenu est tellement plus grand
Que le corps à l’étroit, le triste contenant…

Mais cela n’empêche pas nos humbles mains de tous les jours
De toucher les différents points de notre corps qui loge les astres,
Avec les distances interstellaires en nous fidèlement respectées.
Comme des géants infinis réduits à la petitesse par le corps humain,
où il nous faut tenir tant bien que mal,
Nous passons les uns près des autres, cachant mal nos étoiles, nos vertiges,
Qui se reflètent dans nos yeux, seules fêlures de notre peau.

Et nous sommes toujours sous le coup de cette immensité intérieure
Même quand notre monde, frappé de doute,
Recule en nous rapidement jusqu’à devenir minuscule et s’effacer,
Notre coeur ne battant plus que pour sa pelure de chair,
Réduits que nous sommes alors à l’extrême nudité de nos organes,
Ces bêtes à l’abandon dans leur sanglante écurie.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »