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Poésie

Posts Tagged ‘naissance’

INTERVALLE (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




INTERVALLE

Architectures instantanées
sur une pause suspendues,
apparitions non appelées
ni pensées, formes de vent,
insubstantielles comme du temps
et comme du temps dissipées.

Faites de temps, elles ne sont pas le temps;
elles sont la fente, l’interstice,
le vertige bref du entre
où s’ouvre la fleur diaphane :
haute sur la tige d’un reflet
elle s’évanouit pendant qu’elle tourne.

Jamais touchées, clartés
vues avec les yeux fermés :
la naissance transparente
et la chute cristalline
dans cet instant de cet instant,
interminable encore.

Derrière la fenêtre : terrasses
désolées et nuages rapides.
Le jour s’éteint, la ville
s’allume, proche et lointaine.
Heure sans poids. Je respire
l’instant vide, éternel.

(Octavio Paz)

 

 

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Un seul mot d’amour (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Par la caresse nous sortons de notre enfance
Mais un seul mot d’amour et c’est notre naissance

(Paul Eluard)

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Il est des vies (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 11 avril 2024




    
Il est des vies qui durent un instant :
leur naissance.

Il est des vies qui durent deux instants :
leur naissance et leur mort.

Il est des vies qui durent trois instants :
leur naissance, leur mort et une fleur.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Vent (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 6 avril 2024



Illustration: Alexandre Podgorny
    
vent

haute
houle

lumière
déferlante

la mer
est là
où je
suis

sous ta
peau

dans
tes flancs

en amont
de ma
naissance

(Charles Juliet)

Recueil: Ce pays de silence précédé de Trop ardente et L’Inexorable
Editions: P.O.L.

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COLLECTE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
COLLECTE

Mais l’eau va descendre
Laissant apparaître les puits des mines
Telle une plante mystérieuse et tentaculaire
Et l’eau comme l’amour
Avalera tout d’une gorgée —
Pour ramasser les débris
Et enfantera la mer
Nouvelle et vivante
Et donnera naissance aux nouveaux
Non pas les hommes
Qui vogueront comme les poissons
Là où on n’a plus besoin d’hommes

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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CHANT DANS LA NUIT (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



    

CHANT DANS LA NUIT

Le genre humain souffre d’une triple maladie :
la naissance, la vie et la mort.
(Saint Bernard)

Trois peines sont autour de nous :
Naître, vivre, mourir au bout.

Trois misères ouvrent leur bec
Livide pour nous boire avec.

Trois heures attendent, trois nuits,
Pour jeter nos pieds dans leur puits,

Trois gouffres pour tomber dedans…
Pourtant j’ai dans le coeur, pourtant

J’ai dans le coeur un fol chemin
Pour nous enfuir du sort humain.

J’ai dans le coeur — et vous aussi —
Une aile pour sortir d’ici…

J’ai dans le coeur un grand Amour
Qui de la terre fait le tour;

Qui vole au monde, pleure et prend
Le mal du monde au loin souffrant,

Pour le porter entre mes bras
De femme comme mi enfant las;

Pour le porter si je pouvais
À l’abri, hors du temps mauvais;

Le porter pour passer le champ
Qui meurt du levant au couchant;

Le porter pour passer le soir
Sans bornes où crie un mal noir;

Le porter et trouver le pont
Pour passer le destin profond ;

Le porter en volant plus haut
Que le milan, que le gerfaut,

Plus large que l’aigle, plus fort,
Pour passer la Vie et la mort…

***

J’ai dans le coeur un grand Amour…
D’un homme à peine il fait le tour.

J’ai dans le coeur cet amour vain
Qui n’est pas plus grand que ma main.

Cet amour qui n’est long jamais
Aussi long que l’instant mauvais.

Court d’haleine, court d’horizon,
Un amour serré de maison

Qui n’a plus d’yeux pour s’alarmer
Dès que les volets sont fermés…

J’ai dans le coeur une Pitié,
Une servante de quartier

Qui part et va donner ses mains
Aux trois fardeaux de son prochain ;

Qui peine et ne peut faire rien
Que peiner, vaine, et s’en revient,

Les pieds stériles, sans avoir
Déchargé personne le soir…

J’ai dans le coeur ces quatre pas
D’un sentier qui n’arrive pas,

Qui vague dans le mal ardent
De son frère et se perd dedans,

Et l’abandonne à son besoin
Sans pouvoir le guérir plus loin,

Sans pouvoir, ô triste, ô Pitié,
Sauver un homme tout entier…

***

Trois peines sont autour de nous…
J’ai beau pleurer, saigner sur vous,

Gens de douleurs, j’ai beau courir
Pour vous arrêter de mourir,

J’ai beau vous appeler, les bras
Tout grands ouverts, je ne peux pas,

Ô vous tous Ah! — ils sont trop étroits —
Vous donner asile en ma croix,

Je ne peux pas — ils sont trop las,
Trop faibles — vous tirer d’en bas,

Je ne peux pas, gens de douleurs,
Vous soulever hors de malheur…

***

J’ai dans le coeur ce vain amour…
O vous qui périssez autour,

Si le chemin est dans mon coeur,
C’est que le pays est ailleurs;

L’Amour, en mon coeur d’un moment,
S’il souffle, ailleurs est né le vent.

L’Amour, en mon coeur de hasard,
S’il passe, il demeure autre part.

L’Amour que je loge à l’étroit,
Il habite un divin endroit,

Un lieu sans limites, sans murs,
Derrière tous les lieux obscurs.

Et je le vais au loin cherchant
Comme quelqu’un à travers champs,

Quelqu’un qui sera mon Amour
Chargé des pauvres d’alentour;

Quelqu’un qui sera ma Pitié
Qui saigne pour le monde entier;

Quelqu’un qui sera mon coeur gros
De cette terre sans repos ;

Quelqu’un qui sera mon coeur lourd
De cette foule sans secours,

Qui sera mon coeur, mais si grand
Que l’Homme s’y sauve en entrant.

Qui sera mon coeur, mais si fort
Qu’il prendra la Vie et la Mort

Comme deux ailes sur son dos…
Et voleront nos trois fardeaux !

Et voleront nos trois malheurs!
Et naîtront les gens de douleurs,

Et vivront, et mourront, gonflés
D’azur comme le grain de blé

Qui se perd en terre au printemps
Y meurt et pousse au ciel dedans.

….

Quelqu’un… Je crois en Lui, j’attends.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les chants de la Merci suivi de Chants des Quatre-Temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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Toute l’expérience poétique (Joë Bousquet)

Posted by arbrealettres sur 31 décembre 2023



Joë Bousquet
    
Toute l’expérience poétique
tend à restituer au corps l’actualité de sa naissance,
l’instant toujours imminent, toujours prêt à renaître,
où le monde extérieur ne faisait pas échec
à l’unité congénitale de l’extérieur et de l’intérieur.

(Joë Bousquet)

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CHANT DU FEU VAINQUEUR DU FEU (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 décembre 2023



CHANT DU FEU
VAINQUEUR DU FEU

Ce feu prenait dans la chair
Et l’aube était son égale
Ce feu prenait dans les mains
Dans le regard dans la voix
ll me faisait avancer
Et je brûlais le désert
Et je caressais ce feu
Feu de terre et de terreur
Contre les terreurs de la nuit
Contre les terreurs de la cendre
Un feu comme une ligne droite
Un feu fatal dans les ténèbres
Comme un pas dans la poussière
Un feu vocal et capital
Qui criait par-dessus les toits

Au feu la mort

Ce feu prenait dans la chair
Ce feu s’en prenait aux chaînes
Aux chaînes et aux murs aux bâillons aux serrures
Aux aveugles aux larmes
Aux naissances infirmes
À la mort que j’avais méchamment mise au monde
Un feu qui s’attaquait aux étoiles éteintes
Aux ailes chues aux fleurs fanées
Un feu qui s’attaquait aux ruines
Un feu qui réparait les désastres du feu

(Paul Eluard)

 

 

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La fêlure (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2023



La fêlure

au creux oblique
d’une à-peine naissance
la fêlure
qui feule en toi
inonde
la plaie du monde

(Andrée Chedid)

Illustration

 

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