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Poésie

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LA FONTAINE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 17 mars 2024




    
LA FONTAINE

La fontaine est à soi un pompier pyromane.
Arroseur arrosé d’essence accidentelle,
Elle carbure à l’eau (ainsi s’enflamme-t-elle),
Et trouve en son contraire une sorte de manne

Sa lance d’incendie est le fusil en fleur
Qui lui tombe dessus, la malheureuse plante
Qui de subir des coups se relève pimpante.
Le bâton qui la bat lui met du baume au coeur.

Tous les sens en alerte et tous les feux au vert,
L’eau en la submergeant, bouillonne de bon sang
Et la noyant attise un brasier indécent.

Le jet d’eau la tamponne en plein dans les ovaires.
Son haleine tenue comme on tient une traîne,
Brillamment elle agite une queue de sirène.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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JE NE RESTE PAS LONGTEMPS (Cécile Coulon)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    
JE NE RESTE PAS LONGTEMPS

Je ne reste pas longtemps
pour que vous gardiez de moi une image agréable,
pour que chaque parole prononcée ne soit pas perdue,
pour que vous n’ayez pas la possibilité
de trouver sur mon visage une expression de douleur ou d’agacement,
votre présence ne me fait pas mal et j’aime les gestes tendres
simplement il m’arrive d’avoir besoin d’une nuit
sans étoiles et d’un jour sans déclarations.

Je ne reste pas longtemps
pour ne pas peser sur vos épaules nues,
pour ne pas prendre la place qui n’est pas la mienne,
pour ne pas vous voir pleurer,
je ne considère pas les larmes comme des aveux de faiblesse,
il faut du courage pour noyer le regard
et la voix :
elle est impitoyable la révolte des sanglots
elle exige que l’on fasse dans la neige un petit pas de côté.

Je ne reste pas longtemps
pour garder de notre rencontre une belle entaille au coeur,
pour ne pas me sentir irremplaçable,
pour avoir envie de vous revoir :
parfois un simple sourire m’atteint comme une flèche aveugle
et je dois ramasser très vite les morceaux qui tombent de moi-même
par le trou qu’elle a ouvert.

Je ne reste pas longtemps
pour ne jamais être déçue par ce que j’attendais de vous,
pour la promesse d’un retour très bientôt,
pour le baiser qui vient naturellement à ceux qui s’aiment :
je vous écris souvent car j’ose à peine vous toucher,
comment font-ils pour effleurer des mains, et approcher des lèvres,
et frôler des bouches closes
alors que ces mouvements sont pour moi
des actes qui contiennent tout ?

Je ne reste pas longtemps
pour que chaque pas vers vous soit un pas de géant,
pour que chaque étreinte soit une longue histoire,
pour vous comprendre sans vous blesser :
la nuit est belle sur les vallées profondes
quand on sait que bientôt le jour va se lever.
Je ne reste pas longtemps
pour ne rien salir dans la petite chambre sur la Loire,
pour ne pas embêter les fantômes
qui étaient là avant moi,

je ne reste pas longtemps
pour vous aimer encore

(Cécile Coulon)

Recueil: noir volcan
Editions: Le castor astral

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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À MATINES (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024



Illustration: Edvard Munch
    
À MATINES
Donnez-nous aujourd’hui…

Du plus noir de l’abîme où mes sens sont noyés
Je viens ayant jeté le sommeil à mes pieds.

Je balbutie encore et ma prière est lourde.
A peine ai-je au cerveau quelque lumière sourde

Et ma pensée y cherche une issue à tâtons
Parmi des mots épars, aveugles sans bâtons.

Ô Père, il en est temps, les étoiles sont mortes,
Des cieux fermés encore entrebâille les portes.

Laisse échapper le jour à travers comme un fil
Pour conduire au soleil mes yeux pleins de péril…

Vêts-moi, Père ! Je n’ai ni chaussures, ni bourse.
Donne-moi ce qu’il faut pour reprendre ma course.

Baigne mon âme en l’innocence du matin,
Dans le bruit de la source et dans l’odeur du thym ;

Fais couler sur mes mains le ciel rose et l’arôme
Tendre du jeune jour pour que mon oeuvre embaume ;

Donne à ma voix le son transparent des ruisseaux ;
Dorme à mon coeur l’essor ingénu des oiseaux ;

Verse le calme ailé des brises sur ma face,
En mes yeux la candeur immense de l’espace ;

À mes pieds nus parmi les herbes en émoi
Prête un pas large et pur pour m’en aller vers Toi.

Et par les prés flottants voilés de mousselines,
Par le recueillement limpide des collines,

Mène-moi dans le haut du lumineux versant,
Aux cimes d’où l’eau vive éternelle descend.

Conduis-moi lentement seul à travers les choses
Le long des heures tour à tour brunes et roses,

Seul avec Toi, du ciel aspirant tout l’espoir,
De la paix du matin jusqu’à la paix du soir.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Editions: Gallimard

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CHANT DE NOURRICE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024



Illustration: Edouard Manet
    
CHANT DE NOURRICE
Pour endormir Madeleine.

Dors mon petit pour qu’aujourd’hui finisse,
Si tu ne dors pas, si c’est un caprice,
Aujourd’hui, ce vieux long jour,
Ce soir durera toujours.

Dors mon petit pour que demain arrive.
Si tu ne dors pas, petite âme vive,
Demain, le jour le plus gai,
Demain ne viendra jamais.

Dors mon petit afin que l’herbe pousse,
Ferme les yeux : les herbes et la mousse
N’aiment pas dans le fossé
Qu’on les regarde pousser.

Dors mon petit pour que les fleurs fleurissent.
Les fleurs qui la nuit se parent, se lissent,
Si l’enfant reste éveillé,
N’oseront pas s’habiller.

Mais s’il dort, les fleurs en la nuit profonde
N’entendant plus du tout bouger le monde,
Tout doucement à tâtons,
Sortiront de leurs boutons,

Quand il dormira, toutes les racines
Descendront sous terre au fond de leurs mines
Chercher pour toutes les fleurs
Des parfums et des couleurs.

Les roses alors et les églantines
Vite fronceront avec leurs épines
Leurs beaux jupons à volants
Rouges, roses, jaunes, blancs.

Les nielles feront en secret des pinces
À leur jupe étroite et les bleuets minces
Serreront leur vert corset
Avec un petit lacet.

Les lys du jardin, si nul ne les gêne,
Iront laver leur robe à la fontaine
Et le lin qui fit un voeu
Passera la sienne au bleu.

Les gueules de loup et les clématites
Monteront leur coiffe et les marguerites
Habiles repasseront
Leurs bonnets et leur col rond.

Et quand à la fin toutes seront prêtes
En robes de noce, en habits de fête,
Alors, d’un pays lointain,
Arrivera le matin.

Et saluant toute la confrérie,
Le matin pour voir la terre fleurie,
Du bout de son doigt vermeil
Rallumera le soleil.

Et pour que l’enfant, mon bel enfant sage,
Voie aussi la terre et son bel ouvrage,
Il enverra le soleil
Le chercher dans son sommeil.

Viens, mon petit, viens voir, chère prunelle,
Pendant ton somme, écoute la nouvelle,
Notre jardin s’est levé…
Aujourd’hui est arrivé !

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Editions: Gallimard

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Délires (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2023




    
Délires

J’ai noyé mes délires
Dans les eaux certaines

Depuis je traîne
Un visage de plomb.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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C’est l’amour (Rûmi)

Posted by arbrealettres sur 10 novembre 2023




    
C’est l’amour qui détient la pierre philosophale de la Lumière
C’est un nuage porteur de cent mille éclairs.
Dans le secret de mon être, se trouve la mer de sa gloire :
Toutes les créatures sont noyées dans cette mer.

(Rûmi)

Recueil: Rubâi’yât
Traduction: du Persan par Eva de Vitray-Meyerovitch et Djamchid Mortazavi
Editions: Albin-Michel

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Revers (Germain Droogenbroodt)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Wendy Hide
    
REVERS

“Il y a des revers dans la vie, si féroces, je ne sais plus!”
César Vallejo

Revers

Dans la vie il y a des jours
sans abri et si gris
qu’ils menacent de se noyer
dans leur propre tristesse.
Bien que quelque part
– comment et où que ce soit
doit exister lumière et refuge
mais pas toujours en vue.

(Germain Droogenbroodt)

Traduction de Elisabeth Gerlache

de “La Voie de l’Être”

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Recueil: ITHACA 772
Editions: POINT
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J’ai ouvert le coffret de fer (Marina Tsvetaeva)

Posted by arbrealettres sur 1 octobre 2023




    
Les oiseaux du paradis chantent
Et nous empêchent d’y entrer

J’ai ouvert le coffret de fer,
J’ai tiré un cadeau de larmes,
La petite bague à grosse perle
Une grosse perle !

Sortie, furtive comme un chat, sur le perron
J’ai tourné mon visage au vent,
Les vents soufflaient, les oiseaux volaient,
Cygnes à droite, à gauche — des corbeaux !
Nos chemins sont à l’opposé :
Tu t’en iras avec les premiers nuages,
Tu passeras par d’épaisses forêts, des déserts secs,

Tu appelleras en vain ton âme,
Tes yeux seront noyés de larmes
Moi, j’entendrai en haut, la chouette,
Et sur moi — le bruissement de l’herbe…

(Marina Tsvetaeva)

Recueil: Poèmes de Russie (1912-1920) suivi de La Porte arrachée par Marina
Traduction: Véronique Lossky & Georges Nivat
Editions: Des Syrthes

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Le paon triste annonce la pluie (Cécile Sauvage)

Posted by arbrealettres sur 26 août 2023




    
Le paon triste annonce la pluie :
Ce soir encor tu pleureras,
Ô mon ciel de mélancolie ;
Un voile gris te couvrira,
Noyé d’une averse infinie ;
Puis l’arc-en-ciel s’arrondira
D’un bout à l’autre des collines,
Sa lueur rose éclairera
Les feuilles humides et fines
De mon jardin et s’éteindra.

(Cécile Sauvage)

Recueil: Oeuvres complètes
Editions: La Table Ronde

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