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Poésie

Posts Tagged ‘délire’

À peine descendu sur la berge (Pier Paolo Pasolini)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2024




    
À peine descendu sur la berge, j’écoute
les grillons en déire, dispersés, qui disent
que rien ne se réjouit de mon retour.
Et je m’en vais seul. Alors de sa secrète solitude
la lune immobile me rejoint et ravive un peu
mes cheveux, ma joue, mon flanc vigoureux.
Où aller maintenant? À quoi bon
le vieux foin sous la première gelée
les mornes étoiles; il n’y a plus qu’un désert
horrible, sans fin…

***

Riascolto, appena sceso giù dall’argine,
grilli in delirio, radi, corne a dirmi
che niente si rallegra al mio ritorno.
E m’incammino solo. Da nascoste
solitudini intanto mi raggiunge
l’immota luna, e appena mi riaccende
i capelli, la gota, il vivo fianco.
Dove m’inoltro? Ahi, non ha più senso
sotto la prima brina il vecchio fieno,
e le squallide stelle, ed è un deserto
orribile, inesteso…

(Pier Paolo Pasolini)

 

Recueil: Je suis vivant
Traduction: Olivier Apert et Ivan Messac
Editions: NOUS

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Les digues (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2023



 

Illustration: ArbreaPhotos
    
Les digues

Quand on a bu sa mort
Qu’on a cloué la gravité entre ses deux yeux
Quand on porte l’île d’airain

Le monde
Avec ses jeux de paille
Masquent l’arête du parcours

Alors les mots ternissent comme les rosaires
Les forêts rappellent les liturgies
La digue est une ombre sur les mers
La feuille perd sa danse
Et la branche son fruit

Alors le vent échoue
La pierre tombe sur les rires
Un enfant aux lèvres de délire
Rencontre la parole

Que les sources sont étrangères
Au fond de chaque grange
Une récolte guette sa fin

Tout est conforme au monde
Les jeux de paille
Bouchent nos chemins.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Délires (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2023




    
Délires

J’ai noyé mes délires
Dans les eaux certaines

Depuis je traîne
Un visage de plomb.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Prendre corps (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023



    

Illustration: Pascal Renoux

Prendre corps
(extrait)

je te flore
tu me faune

je te peau
je te porte
et te fenêtre
tu m’os
tu m’océan
tu m’audace
tu me météorite

je te clé d’or
je t’extraordinaire
tu me paroxysme

Tu me paroxysme
et me paradoxe
je te clavecin
tu me silencieusement
tu me miroir
je te montre

tu me mirage
tu m’oasis
tu m’oiseau
tu m’insecte
tu me cataracte

je te lune
tu me nuage
tu me marée haute
je te transparente
tu me pénombre
tu me translucide
tu me château vide
et me labyrinthe
tu me parallaxes
et me parabole
tu me debout
et couché
tu m’oblique

je t’équinoxe
je te poète
tu me danse
je te particulier
tu me perpendiculaire
et soupente

tu me visible
tu me silhouette
tu m’infiniment
tu m’indivisible
tu m’ironie

je te fragile
je t’ardente
je te phonétiquement
tu me hiéroglyphe
tu m’espace
tu me cascade
je te cascade
à mon tour mais toi

tu me fluide
tu m’étoile filante
tu me volcanique

nous nous pulvérisable
Nous nous scandaleusement
jour et nuit
nous nous aujourd’hui même
tu me tangente
je te concentrique

tu me soluble
tu m’insoluble
en m’asphyxiant
et me libératrice
tu me pulsatrice
pulsatrice
tu me vertige
tu m’extase
tu me passionnément
tu m’absolu

je t’absente

tu m’absurde

je te marine
je te chevelure
je te hanche

tu me hantes

je te poitrine
je buste ta poitrine
puis ton visage
je te corsage

tu m’odeur
tu me vertige
tu glisses

je te cuisse
je te caresse
je te frissonne

tu m’enjambes
tu m’insupportable

je t’amazone
je te gorge
je te ventre
je te jupe
je te jarretelle
je te peins
je te bach
pour clavecin
sein
et flûte
je te tremblante

tu m’as séduit
tu m’absorbes

je te dispute
je te risque
je te grimpe

tu me frôles
je te nage
mais toi

tu me tourbillonnes
tu m’effleures
tu me cerne
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerine rouge
et quand tu ne haut talon pas mes sens
tu es crocodile
tu es phoque
tu es fascine
tu me couvres

et je te découvre
je t’invente
parfois
tu te livres

tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dent je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine
je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues je te veines

je te main
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps je te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris

je t’écris
tu me penses

(Ghérasim Luca)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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Les biches (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 17 septembre 2023



Illustration: Diane de Bournazel
    
Les biches aux jambes comme de grands yeux
parcourent les bois qui sont l’expression
de leur délicatesse infinie mais furieuse
dans leur agilité elles semblent peindre
le gracile au sein du fouillis
trouver le fragile au milieu des forêts
et délier tout le délire des arbres
du craquement de la branche cassée
elles tirent le grand voile du craquement
dont elles saisissent les coins de leurs dents décisives
et qu’elles emmènent jusqu’aux orées
travailleuses infatigables du mystère
ravaudeuses de beauté
elles réparent les bruits inquiétants
dont elles font le souffle de leur passage.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Fabulaux
Editions: AL MANAR

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Danseuse (Andrée Sodenkamp)

Posted by arbrealettres sur 19 juillet 2023



Quitte du bout du pied ta charnelle présence…
Déjà tremble sur toi le plaisir de la danse.

Délie tes bras légers comme de faibles branches.
Perds au feu des clartés tes pas, ces roses blanches.

Tu sembles née du jeu de ton heureux délire.
Une herbe sous le vent, la terre qui respire.

Tu parais t’enrouler mille fois sur toi-même.
Tu t’inventes, renais et te perds et te sèmes.
Le monde autour de toi croule en murailles d’or.
Tu reviens doucement au bord de ton haleine
Et tu refais, serré, le bouquet de ton corps…

(Andrée Sodenkamp)


Illustration: Edgar Degas

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ANDALOUSIE (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 Mai 2023




    
ANDALOUSIE

Cette terre a l’écorce de ses vieux sycomores,
La rudesse de ses pins, la douceur des lavandes,
Le parfum tourmenté des roseaux sur la lande,
Et dans son sang chrétien le fantôme des Mores.

Les oliviers crochus s’y tordent infiniment,
Cloués à des collines qui n’en finissent pas,
Et crucifiés d’ardeur sur leur brun Golgotha,
Ils languissent la pluie en verts tressaillements.

Quand le soir décadent incendie les remparts,
A l’heure où la montagne tourne fantomatique,
On peut voir indécise, sereine et famélique,
Quelque chèvre accrochée aux rochers du hasard.

Cette terre porte ses villes comme autant de diadèmes,
Cordoba la gitane et Séville la mauresque,
Et Granada la rouge et Cadiz l’arabesque,
Cette terre bâtit ses villes comme autant de poèmes.

Partout sont les mosquées et les blanches cathédrales,
Les minarets de fièvre et les clochers d’orgueil,
Les villages andalous assoupis sur le seuil,
Et la lourde torpeur de la mer orientale.

Ce pays est un rêve, un délire céramique,
Une harmonie bleutée de soleil et de mer,
Avec dans son âme le reproche doux-amer
D’une guitare flamenco sanglotant sa musique.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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VISAGE (Adonis)

Posted by arbrealettres sur 13 octobre 2021




    
VISAGE

J’ai habité le visage d’une femme
Qui habite une vague
Jetée par le flux contre un rivage
Au port perdu parmi ses coquillages

J’ai habité le visage d’une femme
qui me fait mourir
Phare éteint, elle veut rester
dans mon sang qui navigue
Jusqu’aux confins du délire

(Adonis)

 

Recueil: Mémoire du vent
Traduction: André Velter
Editions: Gallimard

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Sur le rivage (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 18 juillet 2021



Sur le rivage

L’air tremble au-dessus du rivage
Au milieu d’un délire de mâts
Je respire l’odeur des vagues

La terre presse ses lèvres
Sur la gorge nue de la mer
Entre nuage et écume
Entre vol et immobilité
Un cormoran plane
A ras des flots que rythme
Le diapason du vent

Sous un ciel engrossé de nuages
Nous rêvons sur un tapis de sable
Incrusté de coquillages
Où tu te couvres d’algues
Pour couvrir ta nudité
Au regard des passants
Qui longent les plages
A la recherche de coups d’oeil
Tandis que la mer noie ses poissons

Au bout de nos mains
La mer berce la baie.

(Jean-Baptiste Besnard)


Illustration: William Bouguereau

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La Vie c’est quoi ? (Aldebert)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2020




    
La Vie c’est quoi ?

C’est quoi la musique? C’est du son qui se parfume
C’est quoi l’émotion? C’est l’âme qui s’allume
C’est quoi un compliment? Un baiser invisible
Et la nostalgie? Du passé comestible
C’est quoi l’insouciance? C’est du temps que l’on sème
C’est quoi le bon temps? C’est ta main dans la mienne
C’est quoi l’enthousiasme? C’est des rêves qui militent
Et la bienveillance? les anges qui s’invitent
Et c’est quoi l’espoir? Du bonheur qui attend
Et un arc-en-ciel? Un monument aux vivants
C’est quoi grandir? C’est fabriquer des premières fois
Et c’est quoi l’enfance? De la tendresse en pyjama

Mais dis, papa
La vie c’est quoi?

Petite, tu vois
La vie, c’est un peu de tout ça, mais surtout c’est toi
C’est toi
C’est quoi le remord? C’est un fantôme qui flâne
Et la routine? Les envies qui se fanent
C’est quoi l’essentiel? C’est de toujours y croire
Et un souvenir? Un dessin sur la mémoire
C’est quoi un sourire? C’est du vent dans les voiles
Et la poésie? Une épuisette à étoiles
C’est quoi l’indifférence? C’est la vie sans les couleurs
Et c’est quoi le racisme? Une infirmité du cœur
C’est quoi l’amitié? C’est une île au trésor
Et l’école buissonnière? Un croche-patte à Pythagore
C’est quoi la sagesse? C’est Tintin au Tibet
Et c’est quoi le bonheur? C’est maintenant ou jamais

Mais dis, papa
La vie c’est quoi?

Petite, tu vois
La vie, c’est un peu de tout ça, mais surtout c’est toi
C’est toi
Dans tes histoires, dans tes délires, dans la fanfare de tes fous rires
La vie est là, la vie est là
Dans notre armoire à souvenirs, dans l’espoir de te voir vieillir
La vie est là, la vie est là

(Aldebert)

 

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