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Posts Tagged ‘rivage’

LE CAFÉ (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



 


   
LE CAFÉ

D’où remonte que noir est le café en tasse,
Profond dès sa surface ? Et que peut-il vouloir,
Que veut-il que je fasse autre chose que boire
Ce breuvage de choix rallongé d’eau fadasse ?

Hé ! il vient de la nuit qui affleure au matin,
Tel un miroir sans tain où la ténèbre luit.
À sept heures moins vingt un relent de minuit.
Tout l’obscur s’amenuise au clair du kaolin.

Le vieux fond de mystère en fumée se dissipe.
Le principe s’éclaire aux abords de la lippe.
Les lointains amenés sur les rivages sus

Délaissent l’ambigu pour la clarté donnée
À travers le feuillu d’un coeur acuminé.
Attaquons la journée maintenant que c’est bu.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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BALLADE POUR UN VIEUX CAPITAINE (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



Jacques Higelin
    
BALLADE POUR UN VIEUX CAPITAINE

Surgissant du fond des nuits
assoiffé de lumière

Entravé du lourd boulet
des croyances éteintes

Ballottant au gré des vents
mes passions incertaines

J’écumais les marécages
où l’on côtoie la mort

Où le souffle des ombres
vous étrangle le coeur

Où les esprits gluants
vous plongent dans les fosses

Équilibriste en feu
sur l’arête des abîmes

J’avais traqué la peur
et juré par ma mère

Lié aux épaves
quand un cyclone décochant

Une lame m’a cloué
sur le bord du rivage

Et j’ai pleuré,
hurlé en implorant du Diable

Une trêve,
tant le temps était lourd

Et le Jour
enfoui sous la ténèbre

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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Les écrits s’en vont (André Breton)

Posted by arbrealettres sur 8 janvier 2024



Illustration: Max Ernst et Marie-Berthe Aurenche
    
Les écrits s’en vont

Le satin des pages qu’on tourne dans les livres moule une femme si belle
Que lorsqu’on ne lit pas on contemple cette femme avec tristesse
Sans oser lui parler sans oser lui dire qu’elle est si belle
Que ce qu’on va savoir n’a pas de prix
Cette femme passe imperceptiblement dans un bruit de fleurs
Parfois elle se retourne dans les saisons imprimées
Et demande l’heure ou bien encore elle fait mine de regarder des bijoux bien en face
Comme les créatures réelles ne font pas
Et le monde se meurt, une rupture se produit dans les anneaux d’air
Un accroc à l’endroit du coeur
Les journaux du matin apportent des chanteuses dont la voix a la couleur
du sable sur des rivages tendres et dangereux
Et parfois ceux du soir livrent passage à de toutes jeunes filles qui mènent des bêtes enchaînées
Mais le plus beau c’est dans l’intervalle de certaines lettres
Où des mains plus blanches que la corne des étoiles à midi
Ravagent un nid d’hirondelles blanches
Pour qu’il pleuve toujours
Si bas si bas que les ailes ne s’en peuvent plus mêler
Des mains d’où l’on remonte à des bras si légers que la vapeur des prés dans ses gracieux entrelacs au-dessus des étangs est leur imparfait miroir
Des bras qui ne s’articulent à rien d’autre qu’au danger exceptionnel d’un corps fait pour l’amour
Dont le ventre appelle les soupirs détachés des buissons pleins de voiles
Et qui n’a de terrestre que l’immense vérité glacée des traîneaux de regards
sur l’étendue toute blanche
De ce que je ne reverrai plus
A cause d’un bandeau merveilleux
Qui est le mien dans le colin-maillard des blessures.

(André Breton)

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Mer matinale (Constantin Cavafis)

Posted by arbrealettres sur 30 décembre 2023



Illustration: Edvard Munch
    
Mer matinale

Qu’ici je m’arrête.
Et qu’à mon tour je regarde un peu la nature.
D’une mer matinale et d’un ciel sans nuages
les bleus resplendissants ; le jaune rivage.
Tout cela beau et baigné de lumière.

Qu’ici je m’arrête, pour me donner à croire
que je les vois, ces choses (ne les ai-je pas vues en arrivant ?),
elles, et non plus mes chimères,
mes souvenirs, les fantômes du plaisir.

(Constantin Cavafis)

Recueil: Poèmes anciens ou retrouvés
Traduction: Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Editions: Seghers

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Le temps-tisserand (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2023



Illustration: Patricia Blondel
    
Le temps-tisserand

Par à-coups et par glissements
Par envols et piétinements
Par chemins et par chimères
Par rythmes et par remous
Par avenir et par souvenirs

Nous creusons nos sillages
Nos brassons nos destins

Tandis qu’à la dérobée
Le Temps
Nous entraîne
Vers les rivages de l’éveil
Où l’océan d’oubli

Ce temps
Tisserand d’un rébus
Sans fil et sans trame
Dont nous ignorons
Le dessein et l’issue.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Visage à la fenêtre (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2023



Illustration
    
Visage à la fenêtre

Derrière la haute fenêtre
un visage se maintient
Le métronome des heures
fouette les saisons.

Derrière la haute fenêtre
un visage se souvient
Entre la gangue du ciel
et l’étalement d’une ville

Derrière la haute fenêtre
un visage s’éteint
Ses soleils ont rejoint
le chenal des siècles

Imprégnant ses traits
le bref rivage des jours
Derrière la haute fenêtre
un autre visage se tient

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Visions marines (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2023




Visions marines

La mer s’assoupit près du rivage las
L’île s’étire avant de s’endormir
et bercée par le bruit des vagues échevelées
fait le rêve de flotter jusqu’au rivage
pour l’étreindre

Tandis que le sable sec meurt de soif
l’horizon se baigne dans la mer

J’entends hurler la meute des vents
qui accourent du large et poursuit
le troupeau effrayé des flots
qui bêle lamentablement

Les mouettes couvrent le ciel
comme des marguerites dans un pré
et leurs ailes protègent la plage
d’un soleil trop ardent
dans l’ombre de leur vol

La plage ourle le rivage
d’une marge de sable
sous un ciel ponctué d’oiseaux
et la vague pétille
comme une mousse joyeuse

Un cormoran rase la vague
d’une mer hirsute
alors qu’une barbe d’écume
cache le menton de l’îlot

Un navire efface l’horizon
qui disparaît dans son sillage

(Jean-Baptiste Besnard)

Illustration: ArbreaPhotos

 

 

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Un rondeau (Christina Rossetti)

Posted by arbrealettres sur 24 novembre 2023




    
Un rondeau semble convenir à la ronde des jours
Qu’ils soient les jours d’un honnête homme ou d’un escroc :
Permets-moi alors d’édifier à ta louange
Un rondeau.

[Cette fleur d’esprit s’avère être une mauvaise herbe comme le séneçon :
Mais daigne la recevoir, comme les plus nobles baies
Poussant sur le rivage de Girvan, de la lame la moisson.]

Accepte l’amour qui sous-tend ces lais ;
Pardonne les rimes barbares qui sonneront faux
Mais construisent, à la surprise de tous les Poètes,
Un rondeau.

(Published posthumously : The Complete Poems of Christina Rossetti, Rebecca W. Crump (ed.), vol. 3, p.871)

(Christina Rossetti)

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Par delà (Jeanne Dortzal)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2023




    
Par delà

Donne… Élargis tes yeux jusqu’à sentir le vide
S’engouffrer sous ta peau.
Perçois-tu le rivage où le temps se dévide ?
Cette grappe d’air chaud,

Cette odeur magnétique et ce bouclier d’ombre,
Cet antre velouté cachant dans ses replis
Les soleils que j’enfourne et ce ciel en décombre,
N’ont-ils pas, sous ta lèvre, un goût de paradis ?

Allongé comme un dieu sur la stèle qui bouge,
Tes deux bras soulevant ce calice entr’ouvert,
N’as-tu pas déployé, comme une voile rouge,
Mon désir dont l’essor a dépassé ma chair ?

Ah! que ma volupté te soit comme une amphore,
Où ton front viendra boire et buter ton cerveau;
Ce ciel qui nous enserre et que l’instant redore,
D’un bond nous a remis, ce soir, à son niveau.

Je t’ai voulu semblable à ces bêtes qui ploient,
Et dont les reins puissants maintiennent sur le sol
La lumière et l’odeur des saisons qu’on déploie,
Comme si l’univers tirait sur leur licol.

Et cependant nous serons tels que cet abîme,
Les astres flotteront un jour entre nous deux;
Chacun se dressera pour toucher l’autre cime,
Le torse balafré de larmes et d’adieux.

Viens, la nuit qui descend s’élargit comme une île
Rien de nous ne saurait mourir; ferme tes bras
Sur la chambre qui plane et dont l’orbe immobile
Concentre l’infini des cieux qu’on n’atteint pas.

En me donnant à toi de toute ma tristesse,
T’aurais-je donc courbé vers ma gorge, ô bonheur
Suis-je un rayon brisé de quelque astre en détresse
Pour sentir ruisseler ces larmes dans mon coeur ?

Comme tu m’apparais lumineux et profane,
Avec ta chevelure où ma bouche a roulé.
Golfe du souvenir où cinglent des tartanes,
Dans une odeur de miel et de raisin foulé!

Ah! dussé-je engloutir ma force et disparaître
Dans cette houle où mon baiser s’est suspendu,
J’irai, léchant la trace où s’imprime ton être,
Pour te sentir peser sur mon torse étendu.

J’aurai joui de toi jusqu’à sentir mon rêve
Éclater sous ma tempe.
À chaque battement,
Projetée au-delà des saisons qu’on soulève,

J’apercevais notre âme et son aile en suspens.
Mais plus battait le soir, plus je croyais entendre,
Dans un chaos de fleurs, de musique et d’encens,
Nos fronts briser cette ombre où nous allons descendre

Et cette plainte allait toujours s’élargissant.
Étreignons-nous! Le temps a besoin de pâture.
En lui jetant nos corps, puissions-nous contempler
Un halo formidable autour d’une ossature,
Et ciel qui sur nous semble avoir débordé.

(Jeanne Dortzal)

La croix de sable 1927

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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Corps mémorable (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Bruno Di Maio
    
Corps mémorable

I

Tes mains pourraient cacher ton corps
Car tes mains sont d’abord pour toi
Cacher ton corps tu fermerais les yeux
Et si tu les ouvrais on n’y verrait plus rien

Et sur ton corps tes mains font un très court chemin
De ton rêve à toi-même elles sont tes maîtresses
Au double de la paume est un miroir profond
Qui sait ce que les doigts composent et défont.

II

Si tes mains sont pour toi tes seins sont pour les autres
Comme ta bouche où tout revient prendre du goût
La voile de tes seins se gonfle avec la vague
De ta bouche qui s’ouvre et joint tous les rivages

Bonté d’être ivre de fatigue quand rougit
Ton visage rigide et que tes mains se vident
Ô mon agile et la plus lente et la plus vive
Tes jambes et tes bras passent la chair compacte

D’aplomb et renversée tu partages tes forces
A tous tu donnes de la joie comme une aurore
Qui se répand au fond du cœur d’un jour d’été
Tu oublies ta naissance et brûles d’exister.

III

Et tu te fends comme un fruit mûr ô savoureuse
Mouvement bien en vue spectacle humide et lisse
Gouffre franchi très bas en volant lourdement
Je suis partout en toi partout où bat ton sang

Limite de tous les voyages tu résonnes
Comme un voyage sans nuages tu frissonnes
Comme une pierre dénudée aux feux d’eau folle
Et ta soif d’être nue éteint toutes les nuits.

(Paul Eluard)

Recueil: Eluard amoureux
Editions: Bruno Doucey

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