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Poésie

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AVEC CE QUI COMMENCE (Marc Alyn)

Posted by arbrealettres sur 1 février 2024



Illustration: Hans Zatzka
    
AVEC CE QUI COMMENCE

Dans cette ville où tout se vend je suis le vent
je suis la marge.
Je vais où m’entraîne le chant. Oiseau libre je
prends le large.

Le verbe est semblable à la mer.
Il a le goût salé des larmes.
Je suis la bouche qui profère au nom des dieux
le sens du drame.

J’ai charge des mots solennels qui aident l’âme
à s’élever.
J’invente s’il le faut le ciel. Je donne à vivre
et à rêver.

Hors ma voix qui vient les fouetter les sons se suivent se ressemblent :
Sans fin il faut ressusciter ces mots de Panurge qui tremblent.

Je dis l’amour avec mon sang. L’enfance est un fruit
que je cueille
Parmi les astres éclatants qui la nuit nichent
dans les feuilles.

Tel un changeur les monnaies d’or je pèse et compte
les paroles.
En songe je vais chez les morts chercher mon Eurydice
folle.

Comprenez-vous que dans mon chant ce qui chante c’est le silence ?
Je n’existe pas à plein temps. Je suis avec ce qui
commence.

Comme un sablier renversé le ciel a glissé dans ma tête.
Je fais la fête avec les fées. Laissez s’envoler le
poète !

(Marc Alyn)

Recueil: Anthologie Poèmes ouverts
Editions: POINTS

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CHANSON DES SEPT JOURS (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2024



    

CHANSON DES SEPT JOURS

Dimanche, ayant l’eau passée,
Suis entrée après midi
Dans le coeur et la pensée
Du roi qui m’a l’amour dit.

Ah ! Dieu! comme il m’a bercée
En son doux coeur du lundi!
Mais dans son coeur du mardi
Son amour s’est renversée.

Dans son coeur du mercredi,
Une autre m’a remplacée.
J’ai, de son coeur du jeudi,
Trouvé la porte glacée.

En vain, comme trépassée
Dont le pas est peu hardi,
Je reviens, toujours chassée,
A son coeur du vendredi.

Dans son coeur du samedi
Le vent m’a toute effacée…
Jamais ne serai placée
En son coeur du Paradis.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les chants de la Merci suivi de Chants des Quatre-Temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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SEPARATION (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2024



Illustration: Edvard Munch
    
SEPARATION

Un homme contemple du seuil
L’intérieur, immobile.
Elle est partie en un clin d’oeil.
Partout, c’est le désastre.

Partout, c’est un chaos confus.
Il le remarque à peine,
Car les larmes brouillent sa vue,
Et il a la migraine.

Sous son front il entend un bruit.
Réalité ou rêve ?
Mais pourquoi voit-il devant lui
La mer battant la grève ?

Quand le givre empêche de voir
Dehors le vaste monde,
A ce moment le désespoir
Est une mer profonde.

Il chérissait les moindres traits
De son corps, de son être,
Comme la mer chérit les baies
Où ses eaux vont renaître.

Comme roseaux qu’au fond de l’eau
Engloutit la tempête,
Gît en son coeur, sacré dépôt,
Toute sa silhouette.

Durant les temps des grands tourments,
Temps cruels et sauvages,
La vague d’un sort violent
La poussa vers sa plage.

Parmi d’innombrables dangers,
Renversant les obstacles,
Jusqu’à lui elle fut poussée
Sur la crête des vagues.

La voici partie à présent
Par contrainte peut-être,
L’éloignement, d’un mal rongeant,
Lentement les pénètre.

Et l’homme à ces objets épars,
A ces robes jetées,
Comprend qu’au moment du départ
Elle était affolée.

Il va, il vient et jusqu’au soir,
Dans les tiroirs, il range
Et des chiffons et des mouchoirs,
Et des châles à franges.

Quand dans l’ouvrage resté là,
Il se pique à l’aiguille
Alors soudain il la revoit,
Et il pleure en silence.

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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LES CORBEAUX (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
LES CORBEAUX

Vous qui faites le ciel plus blanc que la douleur
dans les yeux renversés du rieur public,
ô mes corbeaux de poix et de plumes,
de quelle chair parlez-vous ? De quelle

chair perdue qu’il en frissonne jusqu’à l’âme
celui qui va montrant à tous l’éclat
de ses dents comme une bête de cirque
— et l’herbe, elle aussi plus bleue

que la mer avant de sombrer dans la nuit,
frissonne. De quelle chair, dites, brûlez-vous
avant l’automne, qu’il ne lui reste
après l’aveu de l’éteule noircie

qu’un goût de cendre dans la bouche ?

(Guy Goffette)

 

Recueil: Le pêcheur d’eau
Editions: Gallimard

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SOIF (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    

SOIF

I
Le jour où un semeur invisible arracha
les racines des fourmilières
avec tout le blé caché dedans
et les jeta dans le ciel,
le disque du soleil ternit
et je compris soudain
que je n’étais plus la fille de personne.

L’absence a la capacité
de dilater les espaces orphelins,
de soulever les plafonds,
d’élargir les escaliers.
La maison où je suis née grandit,
et je ne sais que faire
avec ce vide.

Et pendant que je reste sur le seuil
un cadenas dans la main
pareille à une étrangère
qui ne se souvient pas
des mots d’adieu,
un rayon de soleil se faufile tel un voleur
parmi les orties au fond du jardin
et dépose une clé brûlante
sur la carcasse de la tortue :
la nouvelle hôtesse de la maison.

II
Une autre saison est venue,
le disque du soleil a émergé
vert par les blés drus.
Il a mûri longtemps
et quand il est devenu pain rituel
au-dessus de la colline
les invités se sont assis
autour de la table sous la treille.

Soudain un tourbillon est descendu,
a soulevé la nappe
et renversé les verres
jusqu’à la dernière goutte.
La fiancée de Dieu est revenue,
a dit quelqu’un tout bas,
et elle a très soif.
Ou bien elle cherche son trousseau,
a ajouté un autre
qui fait vite le signe de la croix
en montrant la table nue.

Et puis le calme.

Seule la poule, ayant pondu un œuf d’or,
a caqueté longtemps dans l’après-midi figé.
Un souffle chaud a remué
les fleurs du fenouil,
une charrette vide
a résonné dans la rue.
Et tout était comme jadis,
avant que maman soit devenue
une hirondelle.

Si ce n’était les fourmilières
dans mes yeux
qui continuent à prendre racine
dans une direction inverse
de celle des larmes.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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LA BATELIÈRE ÉVANOUIE (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023



Illustration

    

LA BATELIÈRE ÉVANOUIE

1

Sur le bord de la rivière
Un jour m’allant promener
J’aperçus une batelière
De moi elle s’est approchée,
En me disant d’un air si tendre
« Monsieur, venez me passer l’eau »
Sur ma foi (sans) plus attendre (bis)
J’ai entré dans son bateau (bis).

2

Quand nous y fûmes au large
Le vent se mit à souffler.
J’apercevais que l’orage,
Les eaux se sont abaissées.
Mon bateau fait la cadence,
Est tout prêt à renverser,
La belle perd connaissance (bis)
Sans me pouvoir plus parler (bis).

3

Je ne savais comment faire,
Me voyant en pareil cas.
J’employais mon savoir faire
Pour la tirer d’embarras.
Son corset je lui délace
Pour qu’elle puisse respirer.
Son cœur froid comme une glace (bis)
M’annonce tout le danger (bis).

4

Par bonheur que dans ma poche
J’avais un joli flacon.
Je le prends, je le débouche.
Cette odeur je lui fait sentir.
Le beau bouchon reprend lumière,
Me regarde tendrement
Me prend ma main, me la serre (bis).
Je l’embrasse tendrement (bis).

5

J’apercevais que l’orage
Les eaux s’étiont abaissées.
La belle reprend courage.
En voyant nous approcher
Elle m’embrassa cette belle.
Et en me donnant la main,
En me disant d’un air tendre (bis),
Demain vous repasserez (bis)

(Chansons du XVIIIè)

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Corps mémorable (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Bruno Di Maio
    
Corps mémorable

I

Tes mains pourraient cacher ton corps
Car tes mains sont d’abord pour toi
Cacher ton corps tu fermerais les yeux
Et si tu les ouvrais on n’y verrait plus rien

Et sur ton corps tes mains font un très court chemin
De ton rêve à toi-même elles sont tes maîtresses
Au double de la paume est un miroir profond
Qui sait ce que les doigts composent et défont.

II

Si tes mains sont pour toi tes seins sont pour les autres
Comme ta bouche où tout revient prendre du goût
La voile de tes seins se gonfle avec la vague
De ta bouche qui s’ouvre et joint tous les rivages

Bonté d’être ivre de fatigue quand rougit
Ton visage rigide et que tes mains se vident
Ô mon agile et la plus lente et la plus vive
Tes jambes et tes bras passent la chair compacte

D’aplomb et renversée tu partages tes forces
A tous tu donnes de la joie comme une aurore
Qui se répand au fond du cœur d’un jour d’été
Tu oublies ta naissance et brûles d’exister.

III

Et tu te fends comme un fruit mûr ô savoureuse
Mouvement bien en vue spectacle humide et lisse
Gouffre franchi très bas en volant lourdement
Je suis partout en toi partout où bat ton sang

Limite de tous les voyages tu résonnes
Comme un voyage sans nuages tu frissonnes
Comme une pierre dénudée aux feux d’eau folle
Et ta soif d’être nue éteint toutes les nuits.

(Paul Eluard)

Recueil: Eluard amoureux
Editions: Bruno Doucey

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DUO D’AMOUR FOU (extrait « Epiphanies ») (Henri Pichette)

Posted by arbrealettres sur 3 novembre 2023



   

Illustration: Henri Matisse

    
DUO D’AMOUR FOU (extrait « Epiphanies »)

La scène est au soleil de midi, l’été, entre plaine et forêt.

Le Poète : Le lit des choses est grand ouvert.
Je me suis endormi, pensant que c’était trop beau
et que la terre s’échapperait.
Je craignais tout des ventilations absurdes d’une nuit en colère.
Les matins me fustigeaient.
Je vivais crédulement.
Sourcier infatigable, je cherchais l’Orifice originel,
premier ouvrage par où passer la tête et crier au Soleil.

J’ai trouvé ! Je confectionne sur mesure une amoureuse.
Ma femme sera mon paysage sensuel, le diorama de mon âme.
Le monde s’est embelli.
J’aspire littéralement l’avenir.
La clarté du jour m’assiste.
Je grimpe à l’échelle de corde de l’enthousiasme.
O c’est plus que jamais l’heure des diamants érectiles !

Les alentours se métamorphosent.
De coutume le cœur de la biche ne boule pas ainsi, l’eau a moins de charme,
les oiseaux ne tombent pas si verticalement sur le ciel,
l’air n’offre pas sa charpente avec autant de pompe ou de vigueur.
Je vois enfin le plus beau frisson de l’arbre.
Et le silence a trop vite plongé son glaive dans la pierre
pour que je ne devine rien : Tu es là.

L’Amoureuse : Je t’aime.

Le Poète : Je t’ai vue de toutes parts.
Je n’osais décoller tes lèvres du poème.
Il y a tant de choses qui nous invitent
aux festins de la terre.
Toi présente je n’ai plus que ta vérité
pour sauver les mots de leur honte.
Je voudrais pouvoir me taire.
Or pourquoi ai-je toujours une question à poser ?

L’Amoureuse : Dis-moi.

Le Poète : A quoi reconnais-tu que je t’aime ?

L’Amoureuse : A ta volonté. Et toi ?

Le Poète : Au plaisir que tu as à m’obéir.

L’Amoureuse : Ne suis-je point ta femme ?

Le Poète : Il est vrai.
Tu te donnes fière, fine, florissante, agenouillée,
rejetée en arrière, arche harmonieuse
d’où les serviteurs fous de lumière s’envolent ;
étale, pour tracer à la langue les routes fraîches qui mènent au cri.

L’Amoureuse : Quand il fait jour je pense à la nuit

Le Poète : et la nuit je fêle ta voix,
je m’initie à ton parfum, tes seins fermissent,
tu tires mes yeux

L’Amoureuse : et tu me frises
et me tutoies avec des gants.

Le Poète : Je tords la joie de vivre.
Je te visite entière. Je t’irise.
A mon aise je t’incendie.

L’Amoureuse : Tu me parcours

Le Poète : C’est alors que j’oublie le revers des villes,
le souci de vivre au milieu des flèches.
Je retrouve intacte mon enfance.
Je jouerais des siècles avec tes boucles.
Je t’emmènerai au Pays des Manières limpides.
Je t’accrocherais un cristal de neige éternelle au corsage.
Tu choisirais tes lacs, tes rives, tes chaînes de montagnes.
Tu commanderais ton ciel, ta saison, les robes des lendemains.
Pour toi, sur les chemins de ronde,
nous sortirions minuit de nos poches
et nous ferions du feu.

L’Amoureuse : Comme je t’appartiens !
Tu as le sens des mouvements qui me grisent,
et la diction d’un fanal.
Mes flots se teintent.
Tu renverses l’azur en moi.
Tu jalonnes mon ventre d’ifs tout allumés.
C’est la fête. Je t’accompagne.

Nous descendons au ralenti un escalier de pourpre,
je me voile dans l’écume, le vent se lève,
tu t’effaces devant les portes, où suis-je ?
Mais tu ne réponds pas, tu m’inspires des flambeaux de passage,
tu déplies soigneusement la volupté, tu détournes ma soif,
tu me prolonges, tu me chrysalides
et je suis de nouveau élue.

Alors je danse, je danse, je danse !
comme une flamme debout sur la mer !
les paupières fermées. Je suis nue, j’en ai conscience
et je te remercie parce que la fin de la folie est imprévisible.
Tu échafaudes des merveilles.
Tu me crucifies à toi.
Je suis bien.

Laisse-moi te dire : j’ai besoin d’être voyagée comme une femme.
Depuis des jours et des nuits tu me révèles.
Depuis des nuits et des jours
je me préparais à la noce parfaite.
Je suis libre avec ton corps.
Je t’aime au fil de mes ongles,
je te dessine.
Le cœur te lave. Je t’endimanche.
Je te filtre dans mes lèvres.
Tu te ramasses entre mes membres.
Je m’évase.
Je te déchaîne

Le Poète : Je t’imprime

L’Amoureuse : je te savoure

Le Poète : je te rame

L’Amoureuse : je te précède

Le Poète : je te vertige

L’Amoureuse : et tu me recommences

Le Poète : je t’innerve te musique

L’Amoureuse : te gamme te greffe

Le Poète : te mouve

L’Amoureuse : te luge

Le Poète : te hanche te harpe te herse te larme

L’Amoureuse : te mire t’infuse te cytise te valve

Le Poète : te balise te losange te pylône te spirale te corymbe

L’Amoureuse : l’hirondelle te reptile t’anémone
te pouliche te cigale te nageoire

Le Poète : te calcaire te pulpe te golfe te disque

L’Amoureuse : te langue le lune te givre

Le Poète : te chaise te table te lucarne te môle

L’Amoureuse : te meule

Le Poète : te havre te cèdre

L’Amoureuse : te rose te rouge te jaune
te mauve te laine te lyre te guêpe

Le Poète : te troène

L’Amoureuse : te corolle

Le Poète : te résine

L’Amoureuse : te margelle

Le Poète : te savane

L’Amoureuse : te panthère

Le Poète : te goyave

L’Amoureuse : te solive te salive

Le Poète : te scaphandre

L’Amoureuse : te navire te nomade

Le Poète : t’arque-en-ciel

L’Amoureuse : te neige

Le Poète : te marécage

L’Amoureuse : te luzule

Le Poète : te sisymbre te gingembre
t’amande te chatte

L’Amoureuse : t’émeraude

Le Poète : t’ardoise

L’Amoureuse : te fruite

Le Poète : te liège

L’Amoureuse : te loutre

Le Poète : te phalène

L’Amoureuse : te pervenche

Le Poète : te septembre octobre novembre décembre
et le temps qu’il faudra

(Henri Pichette)

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LA VICTOIRE DE GUERNICA (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 10 octobre 2023



Illustration: Pablo Picasso
    
LA VICTOIRE DE GUERNICA

1
Beau monde des masures
De la mine et des champs

2
Visages bons au feu visages bons au froid
Aux refus à la nuit aux injures aux coups

3
Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d’exemple

4
La mort coeur renversé

5
Ils vous ont fait payer le pain
Le ciel la terre l’eau le sommeil
Et la misère
De votre vie

6
Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l’aumône partageaient un sou en deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s’accablaient de politesses

7
Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde

8
Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs

9
Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent

10
Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang

11
La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile

12
Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché

13
Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l’espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l’avenir

14
Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison.

(Paul Eluard)

Recueil: Paul Eluard par Louis Parrot
Editions: Seghers

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Au coeur des mots (Serge Brindeau)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2023




Au coeur des mots
Toujours les mêmes fleurs
Vous me parlez d’abeilles
De rameaux
De sève de cigales
Et du matin que vous avez dans l’âme
Et vous fermez les yeux
Sur les secrets de pleine ivresse
L’hiver
Vous le savez
Blanchit le soleil même

Essayez donc
De renverser le ciel sur votre table

(Serge Brindeau)

Découvert chez Lara ici

Illustration: Arbreaphotos: Candide Jardin…

 

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