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Posts Tagged ‘tête’

La mante religieuse (Seishi Yamaguchi)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024



La mante religieuse
Croque
Une tête d’abeille.

(Seishi Yamaguchi)

Illustration

 

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Lorsque l’enfant paraît (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024




    

Lorsque l’enfant paraît

Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d’un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l’appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l’âme
Qui s’élève en priant ;
L’enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S’arrête en souriant.

La nuit, quand l’homme dort, quand l’esprit rêve, à l’heure
Où l’on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L’onde entre les roseaux,
Si l’aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d’oiseaux.

Enfant, vous êtes l’aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S’emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N’ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n’ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l’auréole d’or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l’arche.
Vos pieds tendres et purs n’ont point l’âge où l’on marche.
Vos ailes sont d’azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n’est immonde,
Âme où rien n’est impur !

Il est si beau, l’enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j’aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l’été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !

(Victor Hugo)

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EN FRAPPANT À UNE PORTE (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024




    
EN FRAPPANT À UNE PORTE

J’ai perdu mon père et ma mère,
Mon premier né, bien jeune, hélas !
Et pour moi la nature entière
Sonne le glas.

Je dormais entre mes deux frères ;
Enfants, nous étions trois oiseaux ;
Hélas ! le sort change en deux bières
Leurs deux berceaux.

Je t’ai perdue, ô fille chère,
Toi qui remplis, ô mon orgueil,
Tout mon destin de la lumière
De ton cercueil !

J’ai su monter, j’ai su descendre.
J’ai vu l’aube et l’ombre en mes cieux.
J’ai connu la pourpre, et la cendre
Qui me va mieux.

J’ai connu les ardeurs profondes,
J’ai connu les sombres amours ;
J’ai vu fuir les ailes, les ondes,
Les vents, les jours.

J’ai sur ma tête des orfraies ;
J’ai sur tous mes travaux l’affront,
Aux pieds la poudre, au cœur des plaies,
L’épine au front.

J’ai des pleurs à mon œil qui pense,
Des trous à ma robe en lambeau ;
Je n’ai rien à la conscience :
Ouvre, tombeau.

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

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Quart d’heure de culture métaphysique (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024



Illustration 
    
Quart d’heure de culture métaphysique

Allongée sur le vide
bien à plat sur la mort
idées tendues
la mort étendue au-dessus de la tête
la vie tenue de deux mains

Élever ensemble les idées
sans atteindre la verticale
et amener en même temps la vie
devant le vide bien tendu
Marquer un certain temps d’arrêt
et ramener idées et mort à leur position de départ
ne pas détacher le vide du sol
garder idées et mort tendues

Angoisses écartées
la vie au-dessus de la tête

Fléchir le vide en avant
en faisant une torsion à gauche
pour amener les frissons vers la mort
Revenir à la position de départ
Conserver les angoisses tendues
et rapprocher le plus possible
la vie de la mort

Idées écartées
frissons légèrement en dehors
la vie derrière les idées

Élever les angoisses tendues
au-dessus de la tête
Marquer un léger temps d’arrêt
et ramener la vie à son point de départ
Ne pas baisser les frissons
et conserver le vide très en arrière

Mort écartée
vide en dedans
vie derrière les angoisses

Fléchir la mort vers la gauche
la redresser
et sans arrêt la fléchir vers la droite
Éviter de tourner les frissons
conserver les idées tendues
et la mort dehors

Couchée à plat sur la mort
la vie entre les idées

Détacher l’angoisse du sol en baissant la mort
en tirant les idées en arrière
pour soulever les frissons
Marquer un arrêt court
et revenir à la position de départ
Ne pas détacher la vie de l’angoisse
Garder le vide tendu

Debout
les angoisses jointes
vide tombant en souplesse
de chaque côté de la mort

Sautiller en légèreté sur les frissons
à la façon d’une balle qui rebondit
Laisser les angoisses souples
Ne pas se raidir
toutes les idées décontractées

Vide et mort penchées en avant
angoisses ramenées légèrement fléchies
devant les idées

Respirer profondément dans le vide
en rejetant vide et mort en arrière
En même temps
ouvrir la mort de chaque côté des idées
vie et angoisses en avant
Marquer un temps d’arrêt
aspirer par le vide

Expirer en inspirant
inspirer en expirant

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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AU BORD DE LA MER (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
AU BORD DE LA MER

Les immeubles aux façades carrelées
Sont les salles de bains de la mer
Des enfants dégringolent en grappes
Tandis que le soleil ajuste sur les murs sa toilette de lumières
Les élégantes de la promenade se mirent avant le déjeuner

Quand il pleut ce sont de gros navires de faïence
Qui grincent et ruissellent de partout
La mer leur jette ses paquets de sel sur la tête
Le linge claque et les haubans sifflent
Les gamins boudent contre le carreau
Les jolies dames boivent du thé chinois
En croquant des biscuits secs

Les immeubles du bord de mer
Sont le souvenir d’un voyage
Qui n’a jamais eu lieu.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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UN PAN DE MUR JAUNE (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024



Illustration: Pierre Buraglio
    
UN PAN DE MUR JAUNE

I

Quand elle traverse la rue trop vite
En faisant ses courses le soir sous la pluie
Le petit lui donne des coups de pied dans le ventre
Mais elle essuie ses joues elle ne se plaint pas

Entre citernes et clapiers il y a de l’herbe
On n’oserait pas dire que c’est un jardin
À cause de ces bidons d’essence et de ces bagnoles défoncées
Où des moineaux morts et des pigeons fermentent

On voit le long de l’autoroute des carrés frisés de laitues
Hérissés de pieds de tomates et de haricots
De petits vieux cassés grattent et ratissent
On s’étonne des baraques de planches où leurs outils sont remisés.

II

On n’a pas le pouvoir de passer à travers les murs
Qui voudrait croire que chaque matin à la même heure
Le ciel secoue à la fenêtre ses draps tachés de suie ?
Un mauvais sommeil ne change rien aux lointains

On voit pourtant parfois flotter un ballon rouge
Un mètre au-dessus de la tête d’une Marjolaine
Au-delà c’est pour les fumées les antennes
Rarement pour les oiseaux ou les anges

On entend le soir des musiques aux portes
Et toutes les fenêtres sont bleues à partir de huit heures
On écoute on regarde on n’a rien à se raconter
Mais on cherche toujours un petit pan de mur jaune.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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J’ai presque vu Dieu dans le métro (Mina Loy)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
J’ai presque vu Dieu dans le métro

Dans un état de coma animé
le statut de clochard
cette tête grisonnante écroulée sur le banc du quai
tel l’Empereur du Vide
sur un trône auquel personne ne prétend
se drape d’une auguste distance
à l’image d’une divinité —
fleur excessive
qui s’ouvre immaculée
parmi l’ordure.

(Mina Loy)

Recueil: Il n’est ni vie ni mort
Traduction: de l’anglais Olivier Apert
Editions: NOUS

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Manifester (la dactylo)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024




    
Manifester
peut coûter cher:
les yeux de la tête.

(la dactylo)

Recueil: la dactylo Démo d’esprit aphorismes & autres prismes
Editions: Verticales

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Le silence (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Le silence qui subsiste entre deux mots
n’est pas le silence qui entoure une tête qui tombe,
ni celui qui nimbe la présence de l’arbre
quand s’éteint l’incendie vespéral du vent.

De même que chaque voix a un timbre et une hauteur,
chaque silence a un registre et une profondeur.
Le silence d’un homme est différent de celui d’un autre
et ce n’est pas la même chose
de taire un nom et de taire un autre nom.

Il existe un alphabet du silence,
mais on ne nous a pas appris à l’épeler.
La lecture du silence est néanmoins la seule durable,
plus peut-être que le lecteur.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Serrer la tête entre les bras (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2024




Illustration: Vincent Van Gogh
    
Serrer la tête entre les bras
comme pour lui donner refuge.

La serrer jusqu’à ce que la pensée
puisse embrasser la pensée.

La serrer jusqu’à sentir
la pensée dans ses bras.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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