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Poésie

Posts Tagged ‘esprit’

Soit, je suis votre fée (Jane Catulle-Mendès)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2023




    
Soit, je suis votre fée et votre Béatrice,
Votre Ariel dansant pareil au pur-esprit,
La muse blanche auprès de l’anxieux proscrit
Lui posant son baiser au front pour qu’il guérisse.

Soit, je suis Cléopâtre aux yeux d’impératrice,
Celle pour qui l’on meurt et pour qui l’on écrit,
Et je suis la bacchante échappée et qui rit
Ou l’amante sans voix damnée et tentatrice.

Soit, mon ami d’amour, je suis, entre tes bras,
Convoitée, adorée, et haïe et chérie,
Le motif de ton rêve et ton idolâtrie,

Tout ce que l’on possède et tout ce qu’on n’a pas;
— Mais ces choses, vois-tu, c’est bien moins qu’une femme
Avec son coeur. avec sa chair, avec son âme.

(Jane Catulle-Mendès)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Je suis musique (Colette Rioche)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2023




    
Je suis musique

Dans le silence de mon coeur,
S’élève la voix de mon âme,
Suivant le chemin des lueurs
De mon amour et de ses flammes.

Par grandes vagues successives,
Elle fait déborder ma chanson
Dans le lit des secrètes rives
Des Hommes, don pur de mes moissons.

J’écoute la musique claire
Venant de mon être profond.
Comme un soleil crépusculaire,
Je me noie dans eaux sans fond.

Les sons jaillissent de mon être
Sous forme d’un rayonnement Intérieur
Qui me fait naître
Dans des yeux pleins d’étonnement,

Les éblouit comme un soleil
Au zénith, brûlant et vivant.
Je suis mélodie qui s’éveille,
Entité de moi-même au vent.

De doux trémolos s’échappent
De mes yeux, écrins des beautés
Que j’ai vues, tiares de pape
Bénies, couleurs d’Humanité.

En offrant aux gens mes regards,
Je fais don des sites noyés
Dans mes prunelles où règne l’Art,
Où des merveilles ont leur Foyer.

Je lance des éclairs sonores
Bâtissant un pont lumineux,
Layon de mes rêveries d’or,
Entre les esprits sinueux.

Je projette mes vibrations,
Secrètes orgues de cathédrales.
Sur cet air, Avec émotion,
Je danse ma vie d’Idéal.

(Colette Rioche)

Recueil:
Editions:

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PRIÈRE DU POÈTE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023



Illustration: Neila Ben Ayed
    
PRIÈRE DU POÈTE

Mon Dieu qui donnes l’eau tous les jours à la source,
Et la source coule, et la source fuit ;
Des espaces au vent pour qu’il prenne sa course,
Et le vent galope à travers la nuit ;

Donne de quoi rêver à moi dont l’esprit erre
Du songe de l’aube au songe du soir
Et qui sans fin écoute en moi parler la terre
Avec le ciel rose, avec le ciel noir.

Donne de quoi chanter à moi pauvre poète
Pour les gens pressés qui vont, viennent, vont
Et qui n’ont pas le temps d’entendre dans leur tête
Les airs que la vie et la mort y font.

L’herbe qui croît, le son inquiet de la route,
L’oiseau, le vent m’apprennent mon métier,
Mais en vain je les suis, en vain je les écoute,
Je ne le sais pas encor tout entier.

J’ai vu quelqu’un passer, un fantôme, homme ou femme…
Mon cœur appelait sur la fin du jour…
Les rossignols des bois sont entrés dans mon âme.
Et j’ai su chanter des chansons d’amour.

J’ai vu quelqu’un passer, s’approcher, disparaître ;
Et les chiens plaintifs qui rôdent le soir
Ont hurlé dans mon cœur à la mort de leur maître.
J’ai su depuis chanter le désespoir.

J’ai vu les morts passer et s’en aller en terre,
Leur glas au cou, lamentable troupeau,
Et leurs yeux dans mes yeux ont fixé leur mystère.
J’ai su depuis la chanson du tombeau…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais si tu veux mon Dieu que pour d’autres je dise
La chanson du bonheur, la plus belle chanson,
Comment ferai-je moi qui ne l’ai pas apprise ?
Je n’en inventerai que la contrefaçon.

Donne-moi du bonheur, s’il faut que je le chante,
De quoi juste entrevoir ce que chacun en sait,
Juste de quoi rendre ma voix assez touchante,
Rien qu’un peu, presque rien, pour savoir ce que c’est.

Un peu — si peu — ce qui demeure d’or en poudre
Ou de fleur de farine au bout du petit doigt,
Rien, pas même de quoi remplir mon dé à coudre…
Pourtant de quoi remplir le monde par surcroît.

Car pour moi qui n’en ai jamais eu l’habitude,

[…]

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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COMMUNICATION (Jean Mambrino)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



Illustration
    
COMMUNICATION

Quelle foudre inflexible a pris ce corps en main,
l’a pétri, ravagé d’orages sans pitié !
Ce qui dévaste n’a pas de nom, pas de mains,
saisit l’esprit entier.

Il faut manger ses cris.

Et le corps en douleurs sent le vent de la peur,
un vide où rien ne protège plus de la mort,
l’espace du rien qui l’angoisse, l’humilie,
ne laisse plus qu’un noir entre lui et la mort.

La personne petite où se débat la vie
voit derrière son oui les arbres toujours verts,
puis soudain ce visage imprégné de noblesse,

presque inconnu dans sa douceur et sa noblesse,
rayonnant d’un souvenir qui n’a pas de fin,
et dans ses yeux tout ce qui reste de lumière.

(Jean Mambrino)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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CE QUI SE LÈVE (Jean Mambrino)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



    

CE QUI SE LÈVE

Une barque se meut dans les creux de l’esprit,
une voile, une vague où s’enfle le désir,
un élan né de soi quand le soi se retire,
une brise reçue à l’aube de l’esprit.

L’orage a la douceur de toute intimité.
Le mouvement fait fond sur l’air et sur l’écume.
L’acte reste vivant alors qu’il est posthume.
L’insaisissable est pris dans le temps dissipé.

(Jean Mambrino)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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Pour parvenir à tout goûter (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2023



Illustration 
    
Pour parvenir à tout goûter

Rédaction tirée
du Mont de la Perfection
ou Mont Carmel
dessiné par saint Jean de la Croix

Pour parvenir au tout

Pour parvenir à ce que tu ne sais pas,
tu dois aller par où tu ne sais pas.
Pour parvenir à ce que tu ne goûtes pas,
tu dois aller par où tu ne goûtes pas.
Pour parvenir à posséder ce que tu ne possèdes pas
tu dois aller par où tu ne possèdes pas.
Pour parvenir à ce que tu n’es pas
tu dois aller par où tu n’es pas.

Pour avoir tout

Pour parvenir à tout savoir,
ne veuille rien savoir rien
Pour parvenir à tout goûter
ne veuille rien goûter en rien.

Pour parvenir à tout posséder,
ne veuille en rien posséder rien.
Pour parvenir à être tout,
ne veuille en rien n’être rien.

Pour ne pas empêcher le tout

Quand tu te fixes sur quelque chose,
tu cesses de te jeter dans le tout.
Car, pour parvenir en tout au tout,
tu dois tout entier te laisser en tout,
et quand tu parviendras à tout avoir en tout,
tu dois l’avoir sans rien vouloir.
Car si tu veux avoir quelque chose en tout,
tu n’as pas un pur trésor en Dieu.

Signe que l’on possède tout

En ce dénuement l’esprit
trouve sa quiétude et son repos
car, comme il ne convoite rien, rien
ne le tire vers le haut
et rien ne le pousse vers le bas, il est
au centre de son humilité.
Car quand il convoite quelque chose,
en cela même il se fatigue.

***

Para venir a gustarlo todo

Redacción sacada
del Monte de Perfección
o Monte Carmelo
dibujado por san Juan de la Cruz

Modo para venir al todo

Para venir a lo que no sabes
has de ir por donde no sabes.
Para venir a lo que no gustas
has de ir por donde no gustas.
Para venir a poseer lo que no posees
has de ir por donde no posees.
Para venir a lo que no eres
has de ir por donde no eres.

Modo de tener al todo

Para venir a saberlo todo
no quieras saber algo en nada.
Para venir a gustarlo todo
no quieras gustar algo en nada.

Para venir a poseerlo todo,
no quieras poseer algo en nada,
Para venir a serlo todo,
no quieras ser algo en nada.

Modo para no impedir al todo

Cuando reparas en algo,
dejas de arrojarte al todo.
Porque, para venir del todo al todo,
has de dejarte del todo en todo,
Y cuando lo vengas del todo a tener
has de tenerlo sin nada querer.
Porque, si quieres tener algo en todo
no tienes puro en Dios tu tesoro.

Indicio de que se tiene todo

En esta desnudez halla el
espíritu su quietud, y descanso,
porque como nada codicia, nada
lo impele hacia arriba, y nada
lo oprime hacia abajo, que está
en el centro de su humildad.
Que cuando algo codicia,
en eso mismo se fatiga.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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Tu ne saurais parler la langue des oiseaux (Ulalume Gonzalez de Léon)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2023



Illustration
    
Tu ne saurais parler la langue des oiseaux
la langue du vent la langue de la mer
Il te manque
n’est-ce pas
l’esprit de la langue.
Ce que dit la vague l’air le merle
n’admet pas de discussion
et toi
tu tords et retords
les mots.

(Ulalume Gonzalez de Léon)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Je suis allé me promener (Younous Emré)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2023




    
Je suis allé me promener
Au matin j’ai vu les tombeaux
A la terre noire mêlés

J’ai vu les corps délicats
Certains tristes, d’autres souriants
Couchés mystérieusement dans les tombes
Les veines vidées, le sang tari

j’ai vu les linceuls engloutis.
Des tombes pleines, démolies
Leurs maisons à tous sont en ruines

Je les ai vus libres de tout souci
j’en ai vu tant en piètre état.
Plus de pâture au pâturage
Et plus d’hiver à l’hivernage
Toutes rouillées, rendues muettes

J’ai vu les langues dans les bouches.
Les uns dans les plaisirs et la boisson
Certains dans la musique et dans la fête
Certains dans le malheur et la souffrance

J’ai vu les jours devenus hier.
Ces yeux noirs sont ternis
Ces visages de lune effacés
Dessous la terre noire

J’ai vu les mains qui ont cueilli des roses.
Les uns tête inclinée
Ont à la terre abandonné leur corps
Partis fâchés avec leur mère

Je les ai vus tourner la tête.
Certains pleurent en gémissant
Les démons marquent leur âme au fer
Leur tombeau est en flammes

J’ai vu s’élever la fumée.
Lorsque Younous a vu cela
Il est venu nous l’annoncer
Mon esprit s’émut, ma raison s’étonna
Lorsque j’ai vu tout cela.

(Younous Emré)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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LE CABARET DES COMPAGNONS (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 28 mars 2023



Illustration: Gustave Doré
    
LE CABARET DES COMPAGNONS

Plus d’argent, la bouteille est vide ;
Et l’un après l’autre, fourbu
Chacun de sa course intrépide,
Sur le plancher s’est étendu.

L’un pense revoir ce gendarme
Qu’à grand peine il put éviter,
L’autre dans un pré plein de charme
Croit dormir au soleil d’été.

L’autre gars, fixant la chandelle
Où semblent danser des esprits,
Le front dans la main, se rappelle
Le mal secret dont il est pris.

La flamme meurt enfin ; tout rêve ;
Seule une vitre encore luit.
Il prend chapeau, bâton, se lève
Et repart au coeur de la nuit.

***

HAND WERKSBURSCHENPENNE

Das Geld ist aus, die Flasche leer,
Und einer nach dem andern
Legt sich zu Boden müde sehr
Und ruht vom langen Wandern.

Der eine träumt noch vom Gendarm,
Dem er mit Not entronnen,
Dem andern ist, er liege warm
Im Felde an der Sonnen.

Der dritte Kunde schaut ins Licht
Als ob er Geister sehe,
Er stützt den Kopf und schlummert nicht
Und hat ein heimlich Wehe.

Das Licht verlischt und alles ruht,
Nur noch die Scheiben funkeln,
Da nimmt er leise Stock und Hut
Und wandert fort im Dunkeln.

(Hermann Hesse)

Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti

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