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Posts Tagged ‘Dieu’

Ce que vaut ma vie ? (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 12 Mai 2024



Illustration: Gilbert Garcin
    
Ce que vaut ma vie ? A la fin (je ne sais pas laquelle)
Quelqu’un dit : j’ai gagné trois cent mille écus,
Un autre dit : j’ai eu treize mille jours de gloire,
Quelqu’un d’autre dit : j’étais en paix avec ma conscience et c’est bien suffisant…
Et moi, si on vient me demander ce que j’ai fait,
Je répondrai : j’ai regardé les choses, c’est tout.
C’est pourquoi je porte ici l’Univers dans ma poche.
Et si Dieu vient me demander : et toi qu’as-tu vu dans les choses ?
Je réponds : les choses, c’est tout… Tu n’y as mis rien d’autre.
Et Dieu, qui malgré tout est malin, fera de moi une nouvelle sorte de saint.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Encore une fois (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



 

Encore une fois avant de poursuivre ma route
Et de tourner mes regards vers l’avenir,
Je lève vers Toi mes mains jointes en prière,
Toi en Qui je fuis
A qui je consacre des autels
Au fond du fond de mon coeur
Pour que toujours
Ta voix me rappelle.

Et là en lettres de feu
Les mots : Au dieu inconnu.
J’existe comme si, jusqu’à cette heure,
J’avais été fidèle à la cohorte des criminels ;
Je suis tel et je sens les liens
Qui, dans la lutte, disloquent mes membres ;
Mais je puis fuir pour me mettre à ton service.

Je veux te connaître, Inconnu.
Toi Qui plonge tes racines dans les profondeurs de mon âme
Et qui, tel un cyclone, traverse mon existence en tourbillonnant
Toi l’Ineffable qui m’est apparenté !
Je veux te connaître et même : te servir.

(Frédéric Nietzsche)

 

 

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VIERGE ROYALE (Guillaume Le Vinier)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024



Illustration: Sandro Botticelli
    
VIERGE ROYALE

Vierge royale,
par qui le doux Jésus-Christ,
joyau de toute gloire,
fut conçu et nourri,
comme votre coeur fut empli
de sa grâce et de son amour,
au jour où,
par le Saint-Esprit,
le Fils de Dieu s’incarna en vous.

Douce dame souveraine,
pure fleur de lys,
verger ruisselant de douceur,
où le saint fruit fut cueilli,
royal rosier entre tous élu,
vous avez porté la fleur
et la suave odeur
qui nous ont ouvert
et promis le Paradis.

Vous êtes l’amour sincère
dont s’éprennent les coeurs des pécheurs,
la source et le ruisseau
qui abreuvent le monde,
le réconfort et la joie,
la fontaine de douceur
où l’on vient puiser les pleurs
qui rachètent les péchés.

Ah ! très haut sanctuaire,
plus que tout autre vénéré,
très précieux vase de douceur,
plein de toutes grâces,
trésor béni où Dieu a enclos
la fleur de virginité,
vous avez atteint, Dame,
une telle perfection
que nulle ne peut vous égaler.

Noble dame de haut lignage,
vous qui sauvez les affligés
de tous péchés et de tous maux,
protégez-moi, ma vie durant,
et au jour de ma mort,
priez votre créateur
que j’adore
de mettre mon âme parmi les siens,
en ce lieu auquel elle aspire.

(Guillaume Le Vinier)

Recueil: Poèmes d’amour des XIIé et XIIIè siècles
Traduction: Emmanuèle Baumgartner et Françoise Ferrand
Editions: Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1986

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LES OISELETS DE MON PAYS (Gace Brulé)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024



    

LES OISELETS DE MON PAYS

Les oiselets de mon pays,
en Bretagne, je les ai entendus.
Ce chant, il me semble bien,
je l’entendais jadis,
je ne peux m’y tromper,
dans ma douce Champagne.
Ils m’ont mis en de si douces pensées
que j’ai entrepris mon chant
dans l’espoir de la récompense
qu’Amour m’a toujours promise.

En cette longue attente, je languis
mais je ne me plains pas.
Je perds le goût des rires et des jeux
car celui que torturent les affres de l’amour,
rien d’autre ne le soucie.
Mon corps et mon visage
se tendent si souvent sous l’effet de l’angoisse
que j’en parais stupide.
Si d’autres trahissent l’Amour,
je n’ai jamais été l’un des leurs.

D’un baiser ma douce et noble dame
s’est emparée de mon coeur.
Quelle folie de m’abandonner ainsi
pour celle qui me tourmente !
Mais, hélas ! il m’a quitté
sans que je m’en aperçoive.
Elle me l’a pris si doucement,
un seul soupir l’a emporté vers elle.
Mon désir me fascine à me rendre fou
mais elle n’aura jamais pitié de moi.

Le souvenir remonte en moi
d’un baiser dont j’ai l’impression
à tout moment, ô trahison !
qu’il se pose à nouveau sur mes lèvres.
Dieu ! quand elle l’accepta, ce baiser,
que ne me suis-je protégé contre ma mort !
Elle sait bien que je me tue
en cette longue attente
qui me mine et me défait.

J’en perds les rires et les jeux
et je meurs de mon désir.
Amour me fait trop souvent cher payer
les joies qu’il me donne.
Hélas ! je n’ose aller vers ma dame
car, en me faisant paraître ridicule,
les faux amants causent ma perte.
Je meurs quand je les vois lui parler,
à elle en qui personne ne peut relever
la moindre hypocrisie.

(Gace Brulé)

Recueil:
Traduction: André Mary
Editions:

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LA VIEILLE AMOUREUSE (Conon de Béthune)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024




    
LA VIEILLE AMOUREUSE

Jadis dans un autre pays
Un chevalier aima une dame.
Tant que la dame fut à son avantage,
Elle lui refusa son amour,
Jusqu’au jour où elle lui dit : « Ami,
Je vous ai longtemps amusé par mes paroles ;
Or votre amour est connu et prouvé,
Désormais, je serai toute à votre gré. »

Le chevalier la regarda bien en face,
Il la vit pâle et décolorée.
« Dame, fait-il, je n’ai pas de chance
Que dès l’autre année, vous n’ayez eu cette pensée.
Votre beau visage qui ressemblait à la fleur de lis
Me paraît avoir tellement changé de mal en pis
Qu’il m’est avis que vous n’êtes plus la même à mes yeux.
Vous avez pris bien tard cette décision, madame. »

Quand la dame s’entendit railler de cette manière,
Elle en eut honte, et elle dit étourdiment :
« Par Dieu, vassal, croyez-vous qu’on doive vous aimer
Et que je parle sérieusement ?
Cela ne m’est pas venu à l’esprit.
Jamais je n’aurai daigné vous aimer
Vu que vous avez souvent plus grande envie
D’embrasser un bel adolescent. »

– Madame, j’ai bien ouï parler
De votre beauté, mais ce n’est pas d’aujourd’hui.
J’ai ouï conter de Troie
Que cette ville fut jadis de très grande puissance,
Et maintenant on en trouve à peine l’emplacement.
Pour ce, je vous conseille d’excuser
Que soient accusés de tricherie
Ceux qui désormais ne voudront vous aimer. »

– Vassal, vous avez eu une fâcheuse idée
De me reprocher mon âge ;
Si ma jeunesse est tout à fait passée,
Je suis d’autre part riche et de haut parage ;
On m’aimerait avec un peu de beauté.
Il n’y a pas un mois
Que le marquis m’envoya son messager
Et le Barrois a jouté pour l’amour de moi. »

– Par Dieu, dame, cela doit bien vous ennuyer
De regarder toujours à la haute situation.
On n’aime pas une dame pour sa parenté,
Mais on l’aime quand elle est belle et sage ;
Vous en saurez un jour la vérité :
Car il y en a bien cent qui ont jouté pour l’amour de vous,
Qui, fussiez-vous la fille du roi de Carthage,
Ne le voudraient plus aujourd’hui. »

(Conon de Béthune)

Recueil:
Traduction: André Mary
Editions:

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Je croyais bien vivre sans amour (Le Chatelain de Coucy)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024




    
Je croyais bien vivre sans amour,
désormais en paix toute ma vie,
mais mon coeur dont je l’avais sauvé
m’a entraîné dans la folie.
J’ai entrepris plus grande folie
que le fol enfant qui crie
pour avoir la belle étoile
qu’il voit en haut briller immobile.

Bien que je me désespère,
Amour m’a bien récompensé
pour l’avoir autant que je pouvais
servi sans déloyauté:
il a fait de moi le roi des fous,
mais qui s’y fie prenne bien garde,
car grande faveur doit récompenser
ceux qui servent sans trahir.

Ce n’est pas merveille si je m’irrite
contre Amour qui m’a fait tant souffrir.
Dien! si je pouvais le tenir
un seul jour,à ma volonté!
elle paierait sa folie:
il lui faudrait mourir
s’il ne triomphait de ma dame.

Chanson, salut la belle, objet de ma folie,
et prie là
que pour Dieu et pour son honneur
elle ne me trahisse pas.

(Le Chatelain de Coucy)

Recueil:
Traduction: André Mary
Editions:

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Lorsque l’été et la douce saison (Le Chatelain de Coucy)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024




    
Lorsque l’été et la douce saison
Font feuille et fleur et les prés reverdir,
Et le doux chant des menus oisillons
Fait à plusieurs de joie se souvenir,
Las ! chacun chante, et je pleure et soupire,
Et si n’est pas droiture ni raison,
C’est du moins toute mon intention,
Dame, de vous honorer et servir.

Si j’avais le bon-sens qu’eut Salomon,
Amour me ferait bien pour fol tenir ;
Car tant est forte et cruelle sa prison
Qu’elle me fait essayer et sentir.
Ne me veut à son service retenir
Ni m’enseigner quelle est ma guérison ;
Pourtant j’ai aimé longuement en perte
Et aimerai toujours sans repentir.

Moult m’émerveille pour quelle raison
Elle me fait si longuement languir.
Je sais fort bien qu’elle croit les félons,
Les médisants que Dieu puisse maudire.
Toute leur peine ont mise à me trahir ;
Mais ne leur vaut leur mortelle trahison,
Quand sauront quelle sera ma récompense,
Dame, que j’aime, à qui ne sait mentir…

Si vous daignez ma prière écouter,
Douce Dame, je vous prie et demande
Que vous pensiez à me récompenser :
Ne penserai qu’à bien servir tout temps.
Tous les maux que j’ai me seront néant,
Douce Dame, si me voulez aimer.
En peu de temps pouvez récompenser
Les biens d’amour que j’ai attendus tant.

(Le Chatelain de Coucy)

Recueil: Troubadours et trouvères
Traduction: France Igly
Editions: Pierre Seghers

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Le temps nouveau et mai et violette… (Le Chatelain de Coucy)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024



    
Le temps nouveau et mai et violette…

Le temps nouveau et mai et violette
Et rossignol me somment de chanter,
Et mon fin cœur me fait d’une amourette
Si doux présent que ne l’ose refuser.
Or me laisse Dieu en tel honneur monter
Que celle où j’ai mon cœur et mes pensers
Tienne une fois entre mes bras nuette,
Avant que j’aille outre mer !

Pour commencer la trouvai si doucette
Que ne croyais pour elle mal endurer,
Mais son doux vis et sa belle bouchette,
Et son bel œil qui est riant et clair
M’eurent pris avant que me pus donner.
Or ne me veut retenir ni quitter,
J’aime mieux avec elle faillir, si (me le) promet,
Qu’à une autre parvenir.

Las ! pourquoi l’ai-je de mes yeux regardée
La douce chose qui fausse amie a nom ?
Elle me raille, et je l’ai tant pleurée,
Si doucement ne fut trahi nul homme.
Tant que fus mien, ne me fit que le bien,
Or je suis sien, elle m’occit sans raison
Et pour autant que de cœur l’ai aimée,
Je ne sais autre raison.

De mille soupirs que je lui dois par dette,
Ne me veut pas d’un seul quitte clamer,
Et faux amour ne laisse que s’entremettre
Ni ne me laisse dormir ni reposer.
Si veut m’occire, moins aura à garder ;
Je ne sais m’en venger fors de pleurer,
Car qui amour détruit et déshérite
On ne l’en doit pas blâmer…

(Le Chatelain de Coucy)

Recueil: Troubadours et trouvères
Traduction: France Igly
Editions: Pierre Seghers

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Sa dernière lettre à Dieu (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024




Illustration: Otto Dix
    
Sa dernière lettre à Dieu

Le sol tombe…
De l’autre côté du sang
Un cheval n’a pas échappé à sa solitude… Le sol tombe
Un homme aux mains d’oiseaux
Bien plus seul qu’une étoile
Jette des pierres dans le ciel

La neige est noire
Le cheval s’est noyé
Sur les charniers
Un homme écrit une dernière lettre à Dieu : Elle commence comme ça :
“À toi le Silencieux ! À toi le grand Aveugle !
Et elle se finit par ASSEZ, ÇA SUFFIT ! “.

(Tristan Cabral)

Recueil: Poèmes à dire
Editions: Chemins de Plume

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Lorsque l’enfant paraît (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024




    

Lorsque l’enfant paraît

Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d’un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l’appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l’âme
Qui s’élève en priant ;
L’enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S’arrête en souriant.

La nuit, quand l’homme dort, quand l’esprit rêve, à l’heure
Où l’on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L’onde entre les roseaux,
Si l’aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d’oiseaux.

Enfant, vous êtes l’aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S’emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N’ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n’ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l’auréole d’or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l’arche.
Vos pieds tendres et purs n’ont point l’âge où l’on marche.
Vos ailes sont d’azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n’est immonde,
Âme où rien n’est impur !

Il est si beau, l’enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j’aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l’été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !

(Victor Hugo)

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