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Posts Tagged ‘fidèle’

Encore une fois (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



 

Encore une fois avant de poursuivre ma route
Et de tourner mes regards vers l’avenir,
Je lève vers Toi mes mains jointes en prière,
Toi en Qui je fuis
A qui je consacre des autels
Au fond du fond de mon coeur
Pour que toujours
Ta voix me rappelle.

Et là en lettres de feu
Les mots : Au dieu inconnu.
J’existe comme si, jusqu’à cette heure,
J’avais été fidèle à la cohorte des criminels ;
Je suis tel et je sens les liens
Qui, dans la lutte, disloquent mes membres ;
Mais je puis fuir pour me mettre à ton service.

Je veux te connaître, Inconnu.
Toi Qui plonge tes racines dans les profondeurs de mon âme
Et qui, tel un cyclone, traverse mon existence en tourbillonnant
Toi l’Ineffable qui m’est apparenté !
Je veux te connaître et même : te servir.

(Frédéric Nietzsche)

 

 

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INTIMITÉ (Albert Lozeau)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



Illustration: Raymond Peynet
    
INTIMITÉ

En attendant le jour où vous viendrez à moi,
Les regards pleins d’amour, de pudeur et de foi,
Je rêve à tous les mots futurs de votre bouche,
Qui sembleront un air de musique qui touche

Et dont je goûterai le charme à vos genoux…
Et ce rêve m’est cher comme un baiser de vous!
Votre beauté saura m’être indulgente et bonne,
Et vos lèvres auront le goût des fruits d’automne !

Par les longs soirs d’hiver, sous la lampe qui luit,
Douce, vous resterez près de moi, sans ennui,
Tandis que feuilletant les pages d’un vieux livre,
Dans les poètes morts je m’écouterai vivre;

Ou que, songeant depuis des heures, revenu
D’un voyage lointain en pays inconnu,
Heureux, j’apercevrai, sereine et chaste ivresse,
A mon côté veillant, la fidèle tendresse!

Et notre amour sera comme un beau jour de mai,
Calme, plein de soleil,joyeux et parfumé!
Et nous vivrons ainsi, dans une paix profonde,

Isolés du vain bruit dont s’étourdit le monde,
Seuls comme deux amants qui n’ont besoin entre eux
Que de se regarder, pour s’aimer, dans les yeux!

(Albert Lozeau)

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S’infiltrer dans la substance (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




    
S’infiltrer dans la substance la plus nocturne de l’arbre
et apprendre
la fidélité de la matière à la matière.

La pensée la devine
quand elle pressent sa limite la plus pure :
le saut de pensée par quoi elle s’abandonne.

penser deux choses est déjà ne pas être fidèle,
comme l’est de penser moins d’une.

La matière est un souvenir unique
sous le tulle de l’hiver.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Près de l’aigrette du grand pont (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024




    
Près de l’aigrette du grand pont
L’orgueil au large
J’attends tout ce que j’ai connu
Comblée d’espace scintillant
Ma mémoire est immense.

La bonté danse sur mes lèvres
Des haillons tièdes m’illuminent
Une route part de mon front
Proche et lointaine
La mer bondit et me salue
Elle a la forme d’une grappe
D’un plaisir mûr

J’aimais hier et j’aime encore
Je ne me dérobe à rien
Mon passé m’est fidèle
Le temps court dans mes veines

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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INTERMÉDIAIRES (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




    
INTERMÉDIAIRES

Le printemps me tourne autour,
mais pas question de me détourner encore
pour des beaux jours.
Le crépuscule peut ressembler à ce qu’il veut.
Mon sang n’arrosera pas des similitudes.
Les rêves que j’ai faits
se sont avérés indignes :
ils sont allés avec d’autres sommeils.

Non, je ne reçois plus d’ordres.
Quand les nuages me disaient voyage
je voyageais
quand les rêves me disaient attends
j’attendais.
Non, je ne reçois plus d’ordres.
J’ai fidèlement servi tout ce qui se dissout.

Depuis hier le printemps me tourne autour.
Un oranger amer m’a regardée
d’humeur aigre-douce,
tandis que me barrait la route
une odeur de retour.

Une mémoire usurière avec moi marchande :
pour me donner un vieux mois de mai,
en même temps que les orangers,
pour me donner surtout la forme,
qu’elle a transportée
de station en station de l’oubli
se faisant mal aux yeux et à la bouche
— c’est cela que tu paies —,
elle me prend un avenir.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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BALLADE DU PRINTEMPS VENU (Paul Fort)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2024



    

BALLADE DU PRINTEMPS VENU

Un jour du Printemps vient de naître.
Je crois bien que c’est le Premier.
Deux branches de mon noisetier
viennent d’enjamber ma fenêtre.

Viennent encor d’être amoureux
le soleil don Juan des cieux
et la lune et toi dans mes yeux,
moi dans les tiens si bleus, si bleus,

bleus ! voire même à la chandelle,
au petit jour même orageux.
Vivons ! le Printemps est fidèle.
Au lit, ô ma belle des belles!

Elles viendront les hirondelles…

(Paul Fort)

Recueil: Ballades du beau hasard
Editions: Flammarion

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Romance (Sophie d’Arbouville)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024



Illustration: Hans Thoma
    
Romance

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour :
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

En vous voyant, je me rappelle
Et mes plaisirs et mes succès ;
Comme vous, j’étais jeune et belle,
Et, comme vous, je le savais.

Soudain ma blonde chevelure
Me montra quelques cheveux blancs…
J’ai vu, comme dans la nature,
L’hiver succéder au printemps.

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

Naïve et sans expérience,
D’amour je crus les doux serments,
Et j’aimais avec confiance…
On croit au bonheur à quinze ans !

Une fleur, par Julien cueillie,
était le gage de sa foi ;
Mais, avant qu’elle fût flétrie,
L’ingrat ne pensait plus à moi !

Dansez, fillettes du Village,
Chantez vos doux refrains d’amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

À vingt ans, un ami fidèle
Adoucit mon premier chagrin ;
J’étais triste, mais j’étais belle,
Il m’offrit son cœur et sa main.

Trop tôt pour nous vint la vieillesse ;
Nous nous aimions, nous étions vieux…
La mort rompit notre tendresse…
Mon ami fut le plus heureux !

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

Pour moi, n’arrêtez pas la danse ;
Le ciel est pur, je suis au port,
Aux bruyants plaisirs de l’enfance
La grand-mère sourit encor.

Que cette larme que j’efface
N’attriste pas vos jeunes cœurs :
Le soleil brille sur la glace,
L’hiver conserve quelques fleurs.

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour,
Et, sous un ciel exempt d’orage,
Embellissez mon dernier jour !

(Sophie d’Arbouville)

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L’oiseau qui planait sur la mer (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024



Illustration
    
L’oiseau qui planait sur la mer, en peinant,
me disait que nous étions déjà pareils,
l’un près de l’autre, à notre avenir disjoint.
Bois de Cize.

Le temps perdu l’est à jamais
le temps gagné jamais ne l’est
le pas se perd en se trouvant
Qui se croit fidèle au coup d’aile
éternise le coup de vent.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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J’aurais bien voulu faire (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024




    
J’aurais bien voulu faire comme cet homme ridé, et fleuri.
Tunis.

L’homme portait une fleur de jasmin
sur l’oreille
il était trop vieux pour cueillir la main
des belles
ô vous que j’ai perdues en chemin
soyez celles
dont-me consoleront les jardins
fidèles.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Traduction:
Editions: Gallimard

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 Trop lourd (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration: Fabienne Contat
    
Trop lourd
mon manteau de laine
gorgé de vieilles pluies diluviennes
que le temps trop gris
ne séchait pas

Tu me vis
appesanti, frileux
fidèle à mon intempérie

D’un geste simple
tu m’ôtas mon vêtement
et m’habillas de ton beau temps

(Robert Mallet)

 

Recueil: Cette plume qui tournoie
Editions: Gallimard

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