Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘partir’

Navire qui pars pour le lointain (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2024




    
Navire qui pars pour le lointain,
Pourquoi est-ce que, contrairement aux autres,
Je ne ressens pas, une fois disparu, des saudades de toi ?
Parce que quand je ne te vois plus, tu cesses d’exister.
Et si on a la nostalgie de ce qui n’existe pas,
On n’est plus alors en relation avec rien,
Ce n’est pas du navire, mais de nous, que l’on ressent le manque.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Vers des mers nouvelles (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 8 Mai 2024



 

Shotei  -44

Vers des mers nouvelles

Là-bas – je veux partir, j’ai foi
En moi, et en ma poigne.
Grande ouverte la mer. Dans le bleu
S’enfonce mon navire génois.

Tout luit, tout est neuf, très neuf même.
Midi dort sur l’espace et le temps:
Seul ton oeil, énorme,
Me regarde, ô Infini !

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Shotei

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

Quitte ou double (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Quitte ou double

Nous sommes tous amoureux.
Seuls certains d’entre nous sont éveillés.

*

L’amour est une parenthèse ouverte.

*

Je sais que tu me rends heureuse
car ma tristesse ne te reconnaît pas.

*

Elle était si belle qu’elle m’a fait douter :
Allais-je l’aimer de l’extérieur
ou m’aimer de l’intérieur ?

*

Je l’aimais avec l’éternité que concède
la brièveté d’un moment inoubliable.

*
Elle m’a demandé de lui écrire
un poème d’amour.
J’ai dessiné un oiseau
Et elle est partie.

*

Je suis aussi faible et aussi forte
qu’une fleur au milieu d’un champ en ruine.

*

Je t’aime jusqu’à ce que tu me prouves le contraire.

*

Il est des moments où la vie te place à égale distance
de l’envie de fuir ou de rester pour toujours.

*

La paix, ce n’est pas l’absence de bruits,
mais les écouter et les changer en silence.

*

Écrire est une affaire de lâches ;
l’amour est pur courage.
Les deux ensemble, poésie.

*

Deux personnes qui s’oublient
s’aiment juste différemment.
L’oubli arrive avec la solitude,
quand un n’est plus qu’un
et qu’il n’y a pas de place pour un autre.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Mon regard m’attend dans les choses (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024




    
Mon regard m’attend dans les choses
pour me regarder partant d’elles
et me dépouiller de mon regard.

Ma mémoire m’attend dans les choses
pour me démontrer qu’il n’y a pas d’oubli.

Et les choses s’appuient sur moi,
comme si moi, qui n’ai pas de racine,
j’étais la racine qui leur manque.

Serait-ce que les choses
aussi s’attendent en moi ?

Que tout ce qui existe
s’attend hors de lui-même ?

Et qu’à la fin mes bras
seront ouverts pour m’embrasser ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

PARTIR ! (Pascal Bonetti)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




PARTIR !

Oh ! la joie
De vivre, d’être fort, d’être jeune et d’avoir
L’inapaisé désir de toute humaine proie !

Oh ! la joie
De tout aimer, de tout vouloir et de savoir
Que l’on va mordre à tous les fruits qui sont sur terre
Et saisir d’une main avide et volontaire
Tout ce qui fait le clair trésor du jour qui fuit :
La fragile beauté des fleurs, la fugitive
Caresse tour à tour du bon soleil qui luit
Et de l’ombre qui rêve, entre ses rais captive,
L’ivresse de courir, de bondir, de lutter,
De courber un cheval, de larguer une voile,
De se lancer sur une route, la fierté
De chevaucher un peu de métal et de toile
Dans la nue, et enfin la triple royauté
De l’amour, de l’étreinte et de la volupté !

Oh ! la joie
De regarder la vie avec des yeux d’amant
Qui sait devoir trouver la lumineuse voie
Du bonheur !

Oh ! la joie, oh ! l’émerveillement
D’être ainsi jeune, fort, absolu, téméraire
Et de penser qu’on va, demain, courir la terre,
Qu’on va partir ! Partir ! Ô destin sans pareil
Qui doit nous rapprocher chaque jour du soleil !
Destin qui fut celui de Jason et d’Hercule,
Celui d’Ulysse et de Moïse et de César,
Celui des conquérants qui domptent le hasard
Et des chercheurs par qui l’ignorance recule !

Partir ! Sublime sort des Colomb, des Gama
Et de tous ceux qu’un rêve auguste consuma :
Croisés qui s’en allaient soumettre l’infidèle,
Soldats qui traversaient les mers pour apporter
L’aide de leur jeunesse aux jeunes libertés,
Prêtres, porteurs de dieux, poètes, faiseurs d’ailes…

(Pascal Bonetti)

Illustration: Vladimir Kush

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Héros Zéro (Joy Harjo)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024



Illustration
    
Héros Zéro

À ce qu’on raconte, nous sommes un même peuple
Puis il y eut un désaccord.
Certains partirent à l’est. D’autres à l’ouest.
On était voués à se rencontrer.
On aurait pu faire un festin, et s’entraider.
Passer une alliance.
On aurait pu faire galoper nos chevaux aller chasser
Du gibier, cuisiner et veiller en se racontant des histoires
Sur là d’où nous venons et là où nous allons :
Ensemble.

***

Zero Hero

The way it is told, is we are one people
Then there was a disagreement.
Some went east. Some west.
We were bound to meet up.
We could have had a feast and helped each other.
Made an alliance.
We could have run horses together, gone hunting
For food, cooked, and stayed up sharing stories
About where we came from and where we are going:
Together.

(Joy Harjo)

Recueil: L’aube américaine
Traduction: de l’anglais (Etats Unis) par Héloïse Esquié
Editions: Globe

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

BRISE-MOI LE CŒUR (Joy Harjo)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024



La piste des Larmes
(en cherokee : Nunna daul Isunyi,
« La piste où ils ont pleuré »
en anglais : Trail of Tears)
    

BRISE-MOI LE CŒUR

Il y a toujours des fleurs,
Des cris d’amour, ou du sang.

Toujours quelqu’un qui part Via
l’exil, la mort ou le chagrin.

Le coeur est un poing.
Il empoche la prière ou retient la colère.

Il est un chronomètre.
Un musicien, ou un oracle à la sauvette.

Bébé, bébé, bébé
Tu ne peux pas dire ce qui fut dit

Avant, bien que même les mots
Soient des êtres d’habitude.

Tu ne peux forcer la poésie
À coups de règles, ou l’enchaîner à un bureau.

Le mystère est aveugle, mais te pousse
À dénouer le voile, pour l’éternité.

La police avec ses armes
Ne peut entrer ici et nous chasser de nos terres.

L’Histoire te trouvera toujours, et t’enveloppera
Dans ses mille bras.

***

BREAK MY HEART

There are always flowers, Love cries, or blood.
Someone is always leaving

By exile, death, or heartbreak.
The heart is a fist.

It pockets prayer or holds rage.
It’s a timekeeper.

Music maker, or backstreet truth teller.
Baby, baby, baby

You can’t say what’s been said
Before, though even words Are creatures of habit.

You cannot force poetry
With a ruler, or jail it at a desk.

Mystery is blind, but wills you
To untie the cloth, in eternity.

Police with their guns
Cannot enter here to move us off our lands.

History will always find you, and wrap you
In its thousand arms.

(Joy Harjo)

Recueil: L’aube américaine
Traduction: de l’anglais (Etats Unis) par Héloïse Esquié
Editions: Globe

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes? (Moon Chung-hee)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024




    
Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?

Cette fille travaillait bien à l’école
et excellait aussi dans ses activités personnelles
Sortie du lycée elle a réussi sans peine
au concours d’entrée à l’université mais où est-elle maintenant?

Fait-elle bouillir la soupe aux pommes de terre?
Après l’avoir préparée pendant trois heures avec l’os
s’exposant à la vapeur chaude devant la cuisinière à gaz
sera-t-elle heureuse le soir de regarder son mari
avaler de bon appétit cette soupe pendant quinze minutes?
Après avoir terminé la vaisselle aide-t-elle ses enfants à faire leurs devoirs?

Ou bien erre-t-elle encore dans la rue froide
à la recherche d’une embauche dans une société?
Dans un gymnase où l’on élit les candidats d’un parti politique
vêtue d’un hanbok les décore-t-elle de rubans?
Leur offre-t-elle des bouquets de fleurs?
Embauchée par bonheur, assise dans un coin d’un grand bureau
elle répondra aimablement au téléphone et servira quelquefois le thé
Est-elle devenue femme d’un médecin, femme d’un professeur ou bien infirmière?
Peut-être apprend-elle à chanter dans un centre culturel d’où elle part à la hâte avant que son mari rentre le soir

Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?
Dans cette forêt de hauts buildings, ne devenant ni députées ni ministres ni médecins
ni professeures ni femmes d’affaires ni cadres d’une Société
rejetées de-ci de-là comme un gland tombé dans le repas du chien
errent-elles encore sans pouvoir se faire valoir?
Sans pouvoir prendre part au monde grand et large
sont-elles confinées dans la cuisine et la chambre?

Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?

(Moon Chung-hee)
Recueil: Celle qui mangeait le riz froid

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Levée en masse (Jean Malrieu)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024




    
Levée en masse

Ne serait-ce qu’une fois, si tu parlas de liberté,
Tes lèvres, pour l’avoir connue, en ont gardé le goût du sel,
Je t’en prie,
Par tous les mots qui ont approché l’espoir
et qui tressaillent,
Sois celui qui marche sur la mer.
Donne-nous l’orage de demain.

Les hommes meurent sans connaître la joie.
Les pierres au gré des routes attendent la lévitation.

Si le bonheur n’est pas au monde
nous partirons à sa rencontre.
Nous avons pour l’apprivoiser
les merveilleux manteaux de l’incendie.

Si ta vie s’endort,
Risque-la.

(Jean Malrieu)
Recueil: Une ferveur brûlée

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Croquis-Démolition (Extraits) Patricia Cottron-Daubigné)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024



    

Croquis-Démolition (Extraits)

Je recule devant le coeur gueulant de l’usine, la brutalité de la machine;
ils ouvrent une porte, blindée, une deuxième, épaisses les deux et je recule,
le ventre tordu de l’odeur qui suffoque : des tuyaux, des fils, du bruit qui hurle,
du liquide partout qui pue et gicle, sur les parois, partout;
et les mains pleines, ne pas se sentir mal, il faut que je touche,
c’est la puissance de la machine qui claque ses roulements métal contre métal,
ne pas se sentir mal, je suis dans le coeur de la fierté de l’homme qui affronte la machine, la pire.
J’entends mal ce qu’ils expliquent, le roulement, le passage, la meule, la surveillance,
chaque jour et combien de fois, le ventre blindé de l’homme face,
et ses poumons comment blindés de quoi, le travail qui fait vivre et mourir je me dis,
les fils de mon cerveau raccrochent moins bien, le travail, sa perte,
vivre sans, et vivre avec, dans cette violence, je ne sais pas comment.

Les mains sont restées serrées dans les poches.
«On disait rien.» L’un après l’autre, les noms sont tombés
«C’est étrange comme on était calme. On disait rien.
Pourtant on avait envie, on sait pas, de crier, de casser;
la tension était là dans notre silence la colère tout au fond.
C’étaient pas des fainéants, pas des tire-au-flanc qu’on nous arrachait.
Des mecs bien, qui bossaient.» À la tristesse, ils ajoutaient la honte,
c’est ce qu’ils disaient «on a rien fait ».
Ils sont restés silencieux, en bleu de travail dans les odeurs d’huiles et de dissolvants,
avec des envies de pleurer. Il y avait le silence des machines et soi qui ne partait pas.

(Patricia Cottron-Daubigné)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »