Nous commençons tous dans un coin sans personne
et à ce coin finalement nous revenons
croyant par erreur qu’il y a quelqu’un.
(Roberto Juarroz)
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard
Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024
Nous commençons tous dans un coin sans personne
et à ce coin finalement nous revenons
croyant par erreur qu’il y a quelqu’un.
(Roberto Juarroz)
Posted in poésie | Tagué: (Roberto Juarroz), coin, commencer, croire, erreur, finalement, personne, quelqu'un, revenir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 30 mars 2024
Illustration: Drew Ernst
La vie déconcerte les coins obscurs,
dénoue les mains vers le dehors
et relève les bouches qui tombent.
Mais la vie joue aussi à ne pas vivre.
Ainsi, de temps en temps,
allume des lampes en plein jour,
apprivoise des escaliers
et commence à n’être rien comme Dieu.
Alors, l’amour fait des clins d’oeil à la mort
et ton oreille me regarde, non m’écoute
Et parfois, dans son jeu,
la vie se déguise en plus de vie,
comme l’âme en femme ou Dieu en Dieu.
Jusqu’à ce que le songe le plus furtif
(le songe d’une pierre) la réveille.
(Roberto Juarroz)
Posted in poésie | Tagué: (Roberto Juarroz), allumer, amour, apprivoiser, âme, écouter, bouche, clin d'oeil, coin, commencer, déconcerter, dénouer, dehorsrelever, Dieu, escalier, femme, furtif, jeu, jouer, jour, lampe, main, mort, obscur, oreille, pierre, réveiller, regarder, rien, se déguiser, songe, temps, tomber, vie, vivre | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024
Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?
Cette fille travaillait bien à l’école
et excellait aussi dans ses activités personnelles
Sortie du lycée elle a réussi sans peine
au concours d’entrée à l’université mais où est-elle maintenant?
Fait-elle bouillir la soupe aux pommes de terre?
Après l’avoir préparée pendant trois heures avec l’os
s’exposant à la vapeur chaude devant la cuisinière à gaz
sera-t-elle heureuse le soir de regarder son mari
avaler de bon appétit cette soupe pendant quinze minutes?
Après avoir terminé la vaisselle aide-t-elle ses enfants à faire leurs devoirs?
Ou bien erre-t-elle encore dans la rue froide
à la recherche d’une embauche dans une société?
Dans un gymnase où l’on élit les candidats d’un parti politique
vêtue d’un hanbok les décore-t-elle de rubans?
Leur offre-t-elle des bouquets de fleurs?
Embauchée par bonheur, assise dans un coin d’un grand bureau
elle répondra aimablement au téléphone et servira quelquefois le thé
Est-elle devenue femme d’un médecin, femme d’un professeur ou bien infirmière?
Peut-être apprend-elle à chanter dans un centre culturel d’où elle part à la hâte avant que son mari rentre le soir
Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?
Dans cette forêt de hauts buildings, ne devenant ni députées ni ministres ni médecins
ni professeures ni femmes d’affaires ni cadres d’une Société
rejetées de-ci de-là comme un gland tombé dans le repas du chien
errent-elles encore sans pouvoir se faire valoir?
Sans pouvoir prendre part au monde grand et large
sont-elles confinées dans la cuisine et la chambre?
Où ont-elles disparu ces si nombreuses lycéennes?
(Moon Chung-hee)
Recueil: Celle qui mangeait le riz froid
Posted in poésie | Tagué: (Moon Chung-hee), activité, affaire, aider, aimable, appétit, apprendre, assis, avaler, école, élir, bonheur, bouillir, bouquet, building, bureau, cadre, candidat, centre, chambre, chanter, chaud, chien, coin, concours, confiner, cuisine, cuisinière, culturel, décorer, député, devenir, devoir, disparaître, embauche, embaucher, enfant, entrée, errer, exceler, femme, fille, fleur, forêt, froid, gaz, gland, gymnase, haut, hâte, heureux, infirmière, lycée, lycéen, mari, médecin, ministre, monde, nombreux, offrir, os, part, parti, partir, peine, personnel, politique, pomme de terre, préparer, prendre, professeur, répondre, réussir, recherche, regarder, rejeter, rentrer, repas, ruban, rue, s'exposer, servir, société, soir, sortir, soupe, téléphone, terminer, thé, tomber, travailler, université, vaisselle, valoir, vapeur, vêtu | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024
Discours d’ouverture du Congrès littéraire international – 7 juin 1878
[…]
Ah ! la lumière !
la lumière toujours !
la lumière partout !
Le besoin de tout c’est la lumière.
La lumière est dans le livre.
Ouvrez le livre tout grand.
Laissez-le rayonner, laissez-le faire.
Qui que vous soyez
qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser,
mettez des livres partout ;
enseignez, montrez, démontrez ;
multipliez les écoles ;
les écoles sont les points lumineux de la civilisation.
Vous avez soin de vos villes,
vous voulez être en sûreté dans vos demeures,
vous êtes préoccupés de ce péril, laisser la rue obscure ;
songez à ce péril plus grand encore, laisser obscur l’esprit humain.
Les intelligences sont des routes ouvertes ;
elles ont des allants et venants,
elles ont des visiteurs, bien ou mal intentionnés,
elles peuvent avoir des passants funestes ;
une mauvaise pensée est identique à un voleur de nuit,
l’âme a des malfaiteurs ; faites le jour partout ;
ne laissez pas dans l’intelligence humaine
de ces coins ténébreux où peut se blottir la superstition,
où peut se cacher l’erreur, où peut s’embusquer le mensonge.
L’ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde.
Songez à l’éclairage des rues, soit ;
mais songez aussi, songez surtout,
à l’éclairage des esprits.
[…]
(Victor Hugo)
Posted in poésie | Tagué: (Victor Hugo), aller, apaiser, attendrir, âme, éclairage, école, édifier, besoin, bien, coin, crépuscule, cultiver, démontrer, demeure, discours, enseigner, erreur, esprit, faire, funeste, grand, humain, identique, ignorance, intelligence, intentionné, laisser, livre, lumière, mal, malfaiteur, mauvais, mensonge, mettre, montrer, multiplier, nuit, obscur, ouvert, ouvrir, partout, passant, péril, pensée, préoccupé, rayonner, rôder, route, rue, s'embusquer, sûreté, se blottir, se cacher, soin, songer, superstition, ténébreux, toujours, venir, ville, visiteur, vivifier, voleur | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024
Leçon de poésie niveau IV
Laisse les étoiles tranquilles
leur cadastre est déjà impeccable
Laisse le coeur dans la poitrine
tu n’es pas médecin
Laisse la nuit aux veilleurs
et la nature aux espèces disparues
Laisse ton être et ton âme
picoler dans un coin
Laisse la vie devenir capitaliste
et la mort communiste
Laisse l’éternité faire du stop
et se planter de route
Laisse les fleurs se vendre
et adoucir les couples
Laisse tes morceaux
mijoter une heure ou dix ans
Ça va aller
n’écris pas tout de suite
Tu es trop propre
tu n’es pas prêt
Ce n’est pas toi que tu cherches
on s’en fout de toi
Tu peux calculer tous les jours
le diamètre de ta sphère
Le petit vieux marrant du rez-de-chaussée
est plus important
Le jour des encombrants
est plus important
Des sachets plastique s’accrochent aux arbres
drapeaux blancs de ta banlieue
Si tu veux des signes va les chercher
négocie chaque chose que tu vois
Ne te laisse pas faire
Ne te laisse pas faire
(Marc Guimo)
Posted in poésie | Tagué: (Marc Guimo), adoucir, aller, arbre, âme, écrire, éternité, étoile, être, banlieue, blanc, cadastre, calculer, capitaliste, chercher, chose, coeur, coin, communisme, couple, devenir, diamètre, disparu, drapeau, encombrant, espèce, faire, fleur, heure, impeccable, important, jour, laisser, leçon, marrant, médecin, mijoter, morceau, mort, nature, négocier, niveau, nuit, picoler, plastique, poésie, poitrine, prêt, propre, rez-de-chaussée, route, s'accrocher, sachet, se planter, se vendre, signe, sphère, stop, tout de suite, tranquille, veilleur, vieux, voir | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 19 février 2024
L’ESPOIR EN DIEU
L’espoir en Dieu
que je m’en vais cherchant,
où donc est-il?
plus loin dans la prairie?
plus loin encore au fond du bois fleuri?
plus loin, plus loin,
tout à la fin des champs?
Où donc est-il? au zénith du ciel bleu?
contre ce mur où l’on dort au soleil?
sur l’étang clair? dans le coin des abeilles?
ce verger rouge, est-ce l’espoir en Dieu?
Dans la rosée qu’un soir de lune irise, puis évapore,
ai-je enfin retrouvé l’espoir en Dieu qui se redivinise?
Par Dieu lui-même, hélas !
Tout est rêvé.
L’espoir en Lui que je m’en vais cherchant, est-il du monde?
Allons, ô ma démence,
trouver, plutôt que de l’espoir aux champs,
dans les déserts la mort et le silence.
(Paul Fort)
Posted in poésie | Tagué: (Paul Fort), abeille, étang, évaporer, bleu, bois, champ, chercher, ciel, clair, coin, démence, désert, Dieu, diviniser, dormir, espoir, fin, fleuri, fond, hélas, iriser, loin, lune, monde, mort, mur, prairie, rêver, retrouver, rosée, rouge, silence, soir, soleil, triuver, verger, zénith | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2024
LES CHANSONS QUE JE FAIS…
Les chansons que je fais, qu’est-ce qui les a faites ?…
Souvent il m’en arrive une au plus noir de moi…
Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi
C’est cette folle au lieu de cent que je souhaite.
Dites-moi… Mes chansons de toutes les couleurs,
Où mon esprit qui muse au vent les a-t-il prises ?
Le chant leur vient — d’où donc ? — comme le rose aux fleurs,
Comme le vert à l’herbe et le rouge aux cerises.
Je ne sais pas de quels oiseaux, en quel pays
De buissons creux et pleins de songe elles sont nées…
Elles m’ont rencontrée et moi je m’ébahis
D’entendre battre en moi leurs ailes étonnées.
Mais comment, à la file, en est-il tant et tant
Et tant encor, chacune à la beauté nouvelle,
Comme une abeille après une abeille sortant
Du petit coin de miel que j’ai dans la cervelle ?
Ah ! Je veux de ma main pour les garder longtemps,
Je veux, pour retrouver sans cesse ma trouvaille,
Toutes les attraper avant que le printemps
Les emporte de moi qui me fane et s’en aille.
Toutes, oui ! L’une est gaie et mon coeur joue avec ;
L’autre, jeune, mutine et qui fait sa jolie,
Malicieuse un peu, le taquine du bec…
Mais l’autre me l’a pris dans sa mélancolie ;
L’autre frémit autour de moi comme un baiser
Si doux que j’en mourrai si ce chant continue
Et qu’au bord de mon coeur où son coeur s’est posé,
Une faiblesse après demeure et m’exténue.
Et toutes je les veux, et toutes à la fois
— La dernière surtout dont j’ai le plus envie —
Je vais les mettre en cage et leur lier la voix
Ou je ne dormirai plus jamais de ma vie.
Viens, poète, oiseleur, tends-moi comme un filet
Ta mémoire et prends-moi ces belles que j’écoute.
Retiens dedans surtout ce brin de mot follet
Qui danse au bord mouvant de ma pensée en route.
Moi j’écoute… Je ris quand l’une rit au jour ;
J’ai les larmes aux yeux quand l’autre est bien touchante
Quand elle est tendre, ô Dieu, j’ai le frisson d’amour…
J’écoute et ce qui chante en moi je le rechante.
Mais comme un écolier qui prend trop bas, trop haut,
La note qu’on lui donne et suit mal la mesure,
J’hésite, à plusieurs fois tâtant le son qu’il faut,
Accrochant çà et là ma voix gauche et peu sûre.
Ah ! chanson vive !… Hélas ! pour recueillir sa voix,
C’est au lieu de l’air juste un faux air que je trouve,
Et je cherche, et l’accent que je risque parfois,
Celui qui vibre en moi toujours le désapprouve.
Elle chante… et je laisse échapper de ma main
Les mots flottants qu’elle me jette à la volée,
Si j’en ramasse un ample, il m’en fallait un fin…
Elle chante et sera tout à l’heure en allée.
Elle chante, elle fuit et je m’efforce en vain
De la suivre en courant derrière, je m’essouffle,
Je la saisis au vol, je la perds en chemin
Et quand je ne sais plus j’attends que Dieu me souffle.
(Marie Noël)
Posted in poésie | Tagué: (Marie Noël), abeille, accent, accrocher, aile, amour, ample, arriver, attendre, attraper, au vol, échapper, écolier, écouter, étonner, baiser, bas, battre, beau, beauté, bec, bord, brin, buisson, cage, cerise, cervelle, chanson, chant, chemin, chercher, coeur, coin, continuer, couleur, courir, creux, danser, désapprouver, dedans, demeurer, dernier, Dieu, donner, dormir, doux, emporter, entendre, envie, esprit, exténuer, faiblesse, faire, faner, file, filet, fin, fleur, flotter, follet, fou, frémir, frisson, fuir, gai, garder, gauche, haut, hélas, hésiter, herbe, jamais, jeter, jeune, joli, jouer, larme, lier, longtemps, main, malicieux, mélancolie, mémoire, mesure, miel, mot, mots, mourir, mouvant, muser, mutin, naître, noir, note, nouveau, oiseau, oiseleur, parfois, pays, pensée, perdre, plein, poète, pourquoi, prendre, printemps, ramasser, recueillir, rencontrer, retenir, retrouver, rire, risquer, rose, rouge, route, s'ébahir, s'efforcer, s'en aller, s'essouffler, saisir, sans cesse, savoir, sûr, se poser, son, songe, sortir, souffler, souhaiter, souvent, suivre, tant, taquiner, tâter, tendre, touchant, trouvaille, trouver, venir, vent, vert, vibrer, vie, voix, volée, vouloir, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2024
ENTREVUE
La neige est drue et forte,
Il neige sur les toits.
Je sors devant la porte.
Devant moi je te vois.
Dans un manteau d’automne,
Sans chapeau, sans sabots,
Tu trembles, tu t’étonnes,
Mâchant des flocons d’eau.
Les arbres, les clôtures
Se noient dans le brouillard.
Seule, au coin du mur,
Tu te tiens à l’écart.
De ton fichu l’eau glisse
Lentement jusqu’aux gants,
Et sur tes cheveux lisses
L’eau scintille en tremblant.
Et une blonde mèche
Eclaire ton fichu,
Ta figure si fraîche,
Ton petit pardessus.
Sur tes cils fond la neige,
Tes yeux sont attristés.
Ton visage, pensé-je,
D’un seul bloc est sculpté.
Ton visage en épure
Comme par de l’airain
Marqué de noircissure
En mon coeur est empreint.
Il garde en souvenance
La douceur de ces traits,
Aussi quelle importance
Si le monde est mal fait ?
Aussi la nuit de neige
Paraît scindée en deux ;
Des frontières n’osé-je
Tracer entre nous deux.
Mais qui donc sommes-nous
Quand il ne restera
De ces temps que ragots
Et de nous que les cendres ?
(Boris Pasternak)
Posted in poésie | Tagué: (Boris Pasternak), airain, arbre, atomne, attriste, écart, éclairer, épure, bloc, blon, brouillard, cendre, chapeau, cheveux, cil, clôture, coeur, coin, dru, eau, empreint, entrevue, faire, fichu, figure, flocon, fondre, fort, frais, frontière, gant, garder, glisser, importance, lentement, lisse, mal, manteau, marquer, mâcher, mèche, monde, mur, neige, neiger, noircissure, nuit, oser, paraître, pardessus, penser, porte, ragot, rester, s'étonner, sabot, scinder, scintiller, sculpter, se noyer, se tenir, seul, sortir, souvenance, temps, toit, tracer, trembler, visage, voir, yeux | Leave a Comment »