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Discours d’ouverture du Congrès littéraire international – 7 juin 1878 (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
Discours d’ouverture du Congrès littéraire international – 7 juin 1878

[…]

Ah ! la lumière !
la lumière toujours !
la lumière partout !

Le besoin de tout c’est la lumière.
La lumière est dans le livre.
Ouvrez le livre tout grand.
Laissez-le rayonner, laissez-le faire.

Qui que vous soyez
qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser,
mettez des livres partout ;
enseignez, montrez, démontrez ;
multipliez les écoles ;
les écoles sont les points lumineux de la civilisation.

Vous avez soin de vos villes,
vous voulez être en sûreté dans vos demeures,
vous êtes préoccupés de ce péril, laisser la rue obscure ;
songez à ce péril plus grand encore, laisser obscur l’esprit humain.

Les intelligences sont des routes ouvertes ;
elles ont des allants et venants,
elles ont des visiteurs, bien ou mal intentionnés,
elles peuvent avoir des passants funestes ;
une mauvaise pensée est identique à un voleur de nuit,
l’âme a des malfaiteurs ; faites le jour partout ;

ne laissez pas dans l’intelligence humaine
de ces coins ténébreux où peut se blottir la superstition,
où peut se cacher l’erreur, où peut s’embusquer le mensonge.

L’ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde.
Songez à l’éclairage des rues, soit ;
mais songez aussi, songez surtout,
à l’éclairage des esprits.

[…]

(Victor Hugo)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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LA SERVIETTE-ÉPONGE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024




    
LA SERVIETTE-ÉPONGE

Au sortir de la douche elle nous tend les bras.
Non bien sûr qu’elle tende exactement les bras :
Une serviette-éponge est exempte de bras.
C’est plutôt nous qui vers elle allongeons le bras.

Mais elle offre une image au repos de ces bras
Ouverts et accueillants, pas du tout ingrats.
Serviable serviette empesée de son poids,
C’est l’hospitalité même à l’état de drap.

La serviette est parée pour donner l’accolade,
Serait-elle un peu rêche et laissée en latence.
Et nous nous enlaçons dans ces bras sans substance.

Nous-mêmes nous serrons, dans l’étrange embrassade.
Le soin qu’on y apporte, il nous rend la pareille.
On le découvre dans le plus simple appareil.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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LA QUINTESSENCE HUMAINE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: William Blake
    
LA QUINTESSENCE HUMAINE

La Pitié n’existerait plus
Si nous n’avions pas créé le pauvre ;
Et la Compassion ne pourrait plus être
Si tous étaient aussi heureux que nous.

Et la crainte réciproque amène la Paix
Jusqu’à ce que grandissent les amours égoïstes.
Alors la Cruauté tend un piège
Et dispose ses appâts avec soin.

Elle s’assoit avec crainte, pieusement,
Et inonde le sol de pleurs ;
Puis l’Humilité prend racine
Sous son pied.

Bientôt s’étend l’ombre lugubre
Du Mystère sur sa tête
Et la chenille et la mouche
Se nourrissent du Mystère.

Il porte les fruits de la Ruse
Vermeils et doux à manger
Et le corbeau a fait son nid
Dans le plus épais de son ombre.

Les dieux de la terre et de la mer
Ont fouillé l’univers pour découvrir cet arbre,
Mais leurs recherches furent toujours vaines
Car il croît dans le Cerveau humain.

***

The Human Abstract (1794)

Pity would be no more
If we did not make somebody poor;
And Mercy no more could be
If all were as happy as we.

And mutual fear brings peace,
Till the selfish loves increase;
Then Cruelty knits a snare,
And spreads his baits with care.

He sits down with holy fears,
And waters the ground with tears;
Then Humility takes its root
Underneath his foot.

Soon spreads the dismal shade
Of Mystery over his head;
And the caterpillar and fly
Feed on the Mystery.

And it bears the fruit of Deceit,
Ruddy and sweet to eat;
And the raven his nest has made
In its thickest shade.

The Gods of the earth and sea
Sought thro’ Nature to find this tree;
But their search was all in vain:
There grows one in the Human brain.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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La peau sur les os (Sumitaku Kenshin)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



Eve Carton malade

La peau sur les os
Mais ce corps mon seul bien
Je l’essuie avec soin.

(Sumitaku Kenshin)

Illustration: Eve Carton

 

 

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CHOSES NOUÉES (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




Illustration: Johann Melchior Georg Schmidtner
    
CHOSES NOUÉES
Excursion

La mer à Skaramangas est nouée,
compacte. Les pétroliers dégagent
une fumée noire d’immobilité.
Mettons que tu existes.

Le parcours se dilate suspendu au regard.
Un nuage sale tache les routes là-haut,
en bas l’âme pure est reportée encore.
Mettons que tu existes.

La bride du cheval restera nouée à l’arbre.
Dans ma cervelle, beaucoup de pareils noeuds,
beaucoup de pareils liens.
Mettons que tu existes.

Dans le rétroviseur se regarde
un puits à sec.
La terre ici et là fraîchement creusée.
Le même soin
pour les morts et les graines.
La terre frémit.
Mettons que tu existes.

À Mycènes exclamations et tombeaux.
Pierre tourmentée par la célébrité.
Passions de bonne famille, dignes de mémoire.
Nos passions à nous
n’auront pas le moindre visiteur,
l’oubli les attend, affamé toujours.
Mettons que tu existes.

À Nauplie encore un bateau blanc.
pas tout à fait bateau et pas tout à fait blanc.
Mettons que tu existes.

Laissant les équivoques
nous sommes entrés dans les roseaux
les citronniers les cyprès.
Image fruitière — je t’arrose.
Mettons que tu existes.

Au loin dans la montée
halète un petit train noir.
Comme une délivrance à bout de forces.
Mettons que tu existes.
Comme l’eau coulant dans des régions désertes,
comme une balle dans le coeur d’un oiseau empaillé.
Superflus.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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Dis (Christiane Singer)

Posted by arbrealettres sur 10 février 2024



Illustration: John William Waterhouse  
    
Dis : de quoi as-tu pris soin ?
à quoi as-tu livré passage ?

(Christiane Singer)

Recueil: N’oublie pas les chevaux écumants du passé
Editions: Le livre de poche

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IRIS SENSIBLE AU TORRENT DE LARMES (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023



Illustration: Gilles Demarteau
    
IRIS SENSIBLE AU TORRENT DE LARMES

1

Le dieu d’amour tient mon cœur dans ses chaînes.
Je suis réduit à pousser des soupirs !
Quand finiront de si cruelles peines ?
Quand viendra-t-il le jour du plaisir ? (bis)

2

Je suis l’amant d’une ingrate maîtresse.
Depuis longtemps j’aime la jeune Iris.
J’ai bien marqué mes soins et ma tendresse.
L’ingrate n’a pour moi que du mépris. (bis)

3

Quand un amant sait aimer et peut plaire,
Qu’il est heureux ! Que n’ai-je un pareil sort !
Pour moi l’amour n’a rien que de sévère.
Pour vivre ainsi j’aimerais mieux la mort. (bis)

4

Coulant ruisseau cessez vos doux murmures ;
Augmentez-vous du coulant de mes pleurs.
Petits oiseaux voyez ce que j’endure ;
Cessez vos chants et plaignez mes malheurs. (bis)

5

Sombre forêt, séjour rempli des charmes
Où les amants goûtent tout doucement.
Arrosez vous de ce torrent de larmes
Que je répands pour soulager mon cœur. (bis)

6

Sa chère Iris était dedans la plaine
Qui entendait gémir ce tendre amant
Son cœur touché d’un amour qui l’entraîne
S’approche à lui pour finir son tourment. (bis)

7

Charmant berger pourquoi tant de tristesse ?
Cessez vos pleurs, finissez vos soupirs !
Si vous m’aimez vous aurez la tendresse.
Prenez mon cœur et goûtez du plaisir. (bis)

8

Quel changement je ressens dans mon âme !
Ma chère Iris vient soulager mon cœur.
Le dieu d’amour couronne enfin ma flamme.
Quel doux plaisir succède à ma douleur ! (bis)

(Chansons du XVIIIè)

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LE DEVOIR CONJUGAL (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023




    
LE DEVOIR CONJUGAL

1

C’est la fête à Philippine.
Amour, je viens t’implorer
D’une rose sans épine.
Il s’agit de la parer
Si tu m’aides je devine
Où je puis la rencontrer.

2

Dans mon cœur est cette rose.
L’hymen un jour s’y planta.
Le désir qui vit la chose,
De sourire la supplia.
Bientôt elle fut éclose
Et le plaisir l’arrosa.

3

Si le soin de sa culture
A trompé mon doux exploit
Le tort en est à la nature
Qui m’en ôta le pouvoir.
Amour tu sais l’aventure :
J’ai péché sans le vouloir.

4

Mais une santé brillante
Reprenant son heureux cours,
Maintenant rose charmante
Tu seras seul mes amours
Et ta culture enivrante
Les délices de mes jours.

5

Va-t’en dire à Philippine,
Amour, que j’ai refleuri.
Que ma rose est sans épine
Et que moi son cher mari
J’en voudrais à la sourdine
Orner son panier joli.

6

Je me plains à vous ma femme
De cette opposition
Que vous marquez pour ma flamme
D’une vive passion
Quand on coupe ainsi sa trame
C’est vouloir l’extension.

7

Les devoirs du mariage
Furent faits pour maintenir
L’union dans le ménage.
Par le charme du plaisir.
Ce n’est donc pas être sage
Que de ne les point remplir.

(Chansons du XVIIIè)

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LE BESTIAIRE INCERTAIN (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2023




Illustration: Pascal Dugourd
    
LE BESTIAIRE INCERTAIN

Licorne chien de feu dragon oiseau-menteur
et vous serpent de mer
je sais vos longs soucis mes doux amis trompeurs
l’incertitude amère

Il n’est pas très aisé d’exister chaque jour
On oublie quelquefois
Un peu d’inattention et l’on meurt pour toujours
malgré sa bonne foi

Personne ne sait plus que vous êtes vivants
Les hommes sont sceptiques
On oublie votre nom dans les livres savants
qui nomment les moustiques

Malheureux exilés de la zoologie
je serai bon pour vous
Je construirai pour vous un fragile logis
Un zoo du dessous

Promettez seulement de mettre tous vos soins
à exister très fort
Appliquez-vous toujours même si je suis loin
à n’être jamais morts.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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ALLER À L’INSUPPORTABLE (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 11 juillet 2023




    
ALLER À L’INSUPPORTABLE

Puisque nous supportons de nous savoir mortels
Que ne pourrait-on exiger de nous ?
Déjà nous devons camper
Dans des philosophies sans feu
Sans fenêtres sans téléphone
Et borner nos saintes amours
À de puérils dévergondages

Déjà sur ordre avec le même soin
Nous étripons ou pansons
Déjà nous inventons à la demande
Des mots pour ne pas rire
Et des dieux à finir soi-même

Demain nous admettrons sans peine
Qu’on puisse indifféremment changer
À Ninive ou à Barbès
Pour aller à l’insupportable

(Jean Rousselot)

Recueil: Passible de …
Editions: Autres Temps

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