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Dans la pénombre des océans (Tahar Bekri)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2022




    

Dans la pénombre des océans
Où finit la terre
Loin de toi ma geôlière
J’écoutais Haendel
Son Tremblement de terre de Rome
Comme granit dans la démesure de la fissure
L’île de Groix en face
Où Bourguiba faisait surface
Barbe généreuse et yeux perçants
Où le phare balayait la mer
Ses signaux verts battaient la nuit plaintive
Je ne savais si les airs du hautbois
Suppliaient l’océan d’être plus clément
Ou si les vagues frappant les rochers
Libéraient la falaise des bunkers de brume

(Tahar Bekri)

 

Recueil: Je te nomme Tunisie
Editions: Al Manar

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Un homme malade se traînait (Alexandre Blok)

Posted by arbrealettres sur 16 septembre 2022




    
Un homme malade se traînait sur la berge.
Une file de chariots rampait à ses côtés.

Les Tziganes roulaient vers la ville fumante ;
Des belles filles et des gars éméchés.

Et les blagues et les cris fusaient des chariots.
Et l’homme clopinait avec son baluchon.

Il suppliait de l’emmener jusqu’au village.
Une petite Tzigane lui a tendu sa main brune.

Il a couru vers elle clopinant tant et plus,
Et jeté dans le chariot son lourd baluchon.

Mais l’écume à la bouche, son coeur a lâché.
La Tzigane a hissé un mort dans son chariot.

La Tzigane a assis le mort à ses côtés,
Et il se balançait et tombait en avant.

Chantant la liberté, elle allait au village
Pour rendre à la femme son époux trépassé.

(Alexandre Blok)

 

Recueil: L’HORIZON EST EN FEU Cinq poètes russes du XXè siècle
Traduction:
Editions: Gallimard

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J’AI ENTENDU DIRE (Paul Celan)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2021



Illustration
    
J’AI ENTENDU DIRE

J’ai entendu dire : il y a
dans l’eau une pierre et un cercle
et au-dessus de l’eau un mot
qui met le cercle autour de la pierre.
J’ai vu mon peuplier descendre à l’eau,
j’ai vu son bras aller s’accrocher dans la profondeur,
j’ai vu ses racines supplier le ciel que vienne une nuit.
Je n’ai pas couru derrière lui,
j’ai seulement ramassé par terre la miette
qui de ton oeil a la forme et noblesse,
j’ai ôté à ton cou la chaîne des formules
et j’en ai ourlé la table où la miette se trouvait maintenant.
Et je n’ai pas revu mon peuplier.

(Paul Celan)

Recueil: Choix de poèmes
Traduction: Jean-Pierre Lefebvre
Editions: Gallimard

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Carnac (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2020



 

Carnac

Mer au bord du néant
Qui se mêle au néant

Pour mieux savoir le ciel,
Les plages, les rochers,

Pour mieux les recevoir.

Femme vêtue de peau
Qui façonne nos mains,

Sans la mer dans tes yeux,
Sans ce goût de la mer que nous prenons en toi,

Tu n’excéderais pas
Le volume des chambres.

J’ai joué sur la pierre
De mes regards et de mes doigts

Et mêlées à la mer,
S’en allant sur la mer,
Revenant par la mer,

J’ai cru à des réponses de la pierre.

Ne jouerons-nous jamais
Ne serait-ce qu’une heure,
Rien que quelques minutes,
Océan solennel,

Sans que tu aies cet air
De t’occuper ailleurs ?

Je veux te préférer,
Incernable océan,

Les bassins que tu fais
Jusqu’aux marais salants.

Là je t’ai vu dormir
Avec d’autres remords.

Mer sans vieillesse,
Sans plaie à refermer,
Sans ventre apparemment

De la mer aux menhirs,
Des menhirs à la mer,

La même route avec deux vents contraire
Et celui de la mer
Plein du meurtre de l’autre.

Le soleil, la mer,
Lequel de vous deux
Prétend calmer l’autre

Au moyen de quoi ?

Toujours les mêmes terres
A caresser toujours
Jamais un corps nouveau
Pour t’essayer à lui.

Pour garder tes nuits,
As-tu supplié
Parfois les rochers ?

Ton père :
Le silence.

Ton devoir :
Le mouvement.

Ton refus :
La brume.

Tes rêves.

Alignés, les menhirs,
Comme si d’être en ligne
Devait donner des droits.

Toi, ce creux
Et définitif

Moi qui rêvais
De faire équilibre.

(Eugène Guillevic)

 

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LES SOLITAIRES (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2020



LES SOLITAIRES

Quand j’entends un amant trahi qui se lamente,
Qui maudit le printemps pour un arbre sans nid,
Qui trouve l’amour faux puisque fausse est l’amante
Comme un soleil qu’on voit par un vitrail terni,

Quand il s’enferme seul, les longs soirs de novembre,
Brûlant tout : des cheveux, des lettres, des sachets,
Et que des rais de pluie aux vitres de sa chambre
Viennent appesantir leurs douloureux archets,

Quand, sur la trahison, la tendresse l’emporte
Et que, pour oublier ce soudain abandon,
Il s’en va dans la nuit rôder devant sa porte
Pour envoyer vers elle un essai de pardon,

Alors je songe à ceux — les plus las, les plus tristes !-
Qui n’ont jamais connu la douceur d’être amant;
Les mendiants d’amour, les mornes guitaristes
Qui sur le pont du Rêve ont chanté vainement.

Ils ont été, pleurant, par des quartiers infâmes
Où claquaient aux châssis des linges suspendus,
Ils ont été rôdant et fixant sur les femmes
Des regards suppliants comme les chiens perdus.

Parfois, dans une rue assoupie et déserte,
Rêvant des amours blancs, des échanges d’anneau.
Ils regardaient longtemps une fenêtre ouverte
D’où tombait dans la rue un chant de piano.

D’autres fois ils allaient aux saisons pluviales
Attendre, sous la flamme et l’or des magasins,
Le groupe turbulent des ouvrières pâles
Dont la bouche bleuie a le ton des raisins.

Pauvres coeurs méconnus, dédaignés par les vierges !
Où seule maintenant la bande des Désirs
S’installe. pour un soir comme dans des auberges
Et salit les murs blancs à ses mornes plaisirs.

Oh ! ceux-là je les plains, ces veufs d’épouses mortes
Qu’ils aimèrent en rêve et dont ils n’ont rien eu,
Mais qu’ils croient tous les jours voir surgir à leurs portes
Et dont partout les suit le visage inconnu.

Oh ! ceux-là je les plains, ces amants sans amante
Qui cherchent dans le vent des baisers parfumés,
Qui cherchent de l’oubli dans la nuit endormante
Et meurent du regret de n’être pas aimés

« Mes bras veulent s’ouvrir…» — Non ! Étreins les nuées
— « Je suis seul ! c’est l’hiver ! et je voudrais dormir
Sur les coussins de chair des gorges remuées ! »
— Ton âme n’aura pas ce divin souvenir.

Le Solitaire part à travers la bourrasque;
Il regarde la lune et lui demande accueil,
Mais la lune lui rit avec ses yeux de masque
Et les astres luisants sont des clous de cercueil.

Alors il intercède : « O vous, les jeunes filles,
Venez donc ! aimez-moi ! mes rêves vous feront
Des guirlandes de fleurs autant que les quadrilles… »
Elles répondent : non ! et lui part sous l’affront.

« Vous, mes soeurs, ô pitié! vous, les veuves lointaines,
Qui souffrez dans le deuil et dans l’isolement,
Mes larmes remettront de l’eau dans vos fontaines,
Et votre parc fermé fleurira brusquement… »

Non encor ! — Vous, du moins, les grandes courtisanes
Portant dans vos coeurs froids l’infini du péché,
Mes voluptés vers vous s’en vont en caravanes
Pour tarir votre vice ainsi qu’un puits caché… »

Mais leur appel se perd dans la neige et la pluie !
Et rien n’a consolé de leur tourment amer
Les martyrs d’idéal que leur grande âme ennuie
Et qui vivront plaintifs et seuls — comme la mer !

(Georges Rodenbach)


Illustration

 

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Ce recommencement (Martine Broda)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2020



 

Ernesto Arrisueño 601

ce recommencement

comme un trait brûlant
la peau et suppliant
l’énigme désirer

ce recommencement tant

quand lasse
incline

un regard un retrait une

(Martine Broda)

Illustration: Ernesto Arrisueño

 

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Ces arbres (Pierre Albert-Birot)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2020



Ces arbres

Voilà qui s’appelle lever les bras
Voilà ceux qui vivent avec Dieu
En suppliants
Mais que diable ont-ils à lui demander

(Pierre Albert-Birot)


Illustration

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Rondeau de l’orthographe (Jacques Roubaud)

Posted by arbrealettres sur 4 février 2020




    
Rondeau de l’orthographe

krégné lé phôtes d’ortografe,
ekoliés, je vouzen supli
fo pas troizèfes à giraffe
sachéle bien, un seul sufi

de no jour on é bien genti
on vous footra paz une baffe
si youyou trompai mais je le di
krégné lé phôtes d’ortografe,

si vous évrivéz mâl agraffe
sa vous souivra toute la vi
et ballafrre ! et gaphe ! et carraffe !
krégné lé phôtes d’ortografe,

(Jacques Roubaud)

 

Recueil: Rondeaux poésies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Pardonnes-tu ma jalousie en rêve (Alexandre Pouchkine)

Posted by arbrealettres sur 4 janvier 2020




Pardonnes-tu ma jalousie en rêve
Et mon amour follement agité?
Tu m’es fidèle, alors pourquoi sans trêve
Rendre craintif mon esprit tourmenté?
Dis-moi pourquoi tu veux paraître aimable
Envers chacun de tes admirateurs,
Donner à tous, espoir invraisemblable,
Ton beau regard, triste ou plein de douceur?
Tu m’as saisi, m’as fait perdre la tête,
Asservissant mon amour malheureux,
Ne me vois-tu, seul et silencieux,
Plein de tourment, de dépit, quand s’apprête
A t’encenser tout ce monde étranger?
Pour moi, cruelle, aucun mot, aucun geste!
Veux-je m’enfuir, prêt à te supplier,
De ton regard, tu ne me dis pas: reste!
Une beauté me tient-elle un discours
A double sens, toi tu restes tranquille,
Et même gaie en blâmant cette idylle,
Et moi j’en meurs: tu parles sans amour.
Si mon rival éternel t’a surprise
A mes côtés, en tête à tête assise,
Pourquoi vient-il te saluer, narquois?
Qu’est-il pour toi? Dis-moi donc de quel droit
Devient-il blême et pris de jalousie?
Et quand vient l’heure indiscrète du soir,
Pourquoi dois-tu, seule, le recevoir,
Nue à moitié, quand ta mère est partie?
Mais je suis préféré. Seule avec moi
Tu es si tendre. Et que tu es ardente
Dans tes baisers ! Ton âme est éloquente
Quand tu me dis ton amour avec foi.
Tu crois que mes tourments, je les invente.
Mais je suis préféré: je te comprends.
Epargne-moi, s’il te plaît, toute offense:
Ne sait-tu pas que j’aime fortement,
Ne sais-tu pas qu’atroce est ma souffrance.

(Alexandre Pouchkine)

Illustration

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J’IGNORE (Aba Stoltzenberg)

Posted by arbrealettres sur 15 décembre 2019




    
J’IGNORE

Des langues j’ai horreur, j’ignore l’anglais, le français,
Mais Dieu que je voudrais comprendre le langage des objets.

Je supplie un mot d’exprimer la souffrance d’autrui
Des filles et des garçons à l’âge où mûrissent les fruits.

Et d’un moribond quand ses joues prennent des briques la couleur,
Laisse-moi, d’un humilié, comprendre ne serait-ce qu’un demi-pleur.

(Aba Stoltzenberg)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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