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Poésie

Posts Tagged ‘changement’

Chute sans distance (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024



Illustration: Caroline Morel
    
Chute sans distance,
changement du même en même,
subtilité dernière du mouvement,
ultime combinaison de la chute.

Il n’y a pas à attendre le choc du fond,
ni à tourner la page,
ni à éprouver de vertige.
La chute est un point.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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En face du vin (Li Bai)(Li Po)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2024



Illustration: Hokusaï
    
En face du vin

Un moine s’est brûlé sur le mont Kin Hua
Un prêtre sut forcer la demeure immortelle
Ils défièrent le trépas dans l’âge antique,
Ils ont pris leur essor, soit ; mais enfin où sont-ils ?
Je vois l’éclair de ma vie fugitive
Son éclat dure le temps d’être aperçu.
Si le ciel et la terre sont immuables,
Oue le changement est prompt à marquer sur nos visages !
Ô vous, qui êtes en face du vin et qui hésitez à boire,
Pour prendre le plaisir, qui attendez-vous ?

(Li Bai)(Li Po)

(701-762)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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LE VIEILLARD PHILOSOPHE (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023




    
LE VIEILLARD PHILOSOPHE

1

L’on compte quatre vingt deux ans !
Je crois qu’à cet âge
Il est temps d’abandonner le monde.
Je le quitterai sans regret,
Et gaîment je fais mon paquet ;
Bonsoir la compagnie.

2

Quand du monde je sortirai,
Je ne sais pas là où j’irai.
Mais en Dieu je me fie.
Il ne peut que de me mener bien ;
Ainsi je n’appréhende rien ;
Bonsoir la compagnie.

3

J’ai goûté de tous les plaisirs ;
J’en ai gardé le souvenir ;
A présent je m’ennuie.
Mais à force de venir vieux,
Peut-on se flatter d’être heureux ?
Bonsoir la compagnie.

4

Nul mortel n’est ressuscité
Pour nous dire la vérité
Du bien de l’autre monde.
Une profonde obscurité,
C’est le sort de l’humanité.
Bonsoir la compagnie.

5

Quand l’on prétend tout savoir
Depuis le matin jusqu’au soir,
L’on lit, l’on étudie
Mais par ma foi les plus savants
Sont comme moi des ignorants.
Bonsoir la compagnie.

6

Dieu fait tout sans nous consulter.
Rien ne lui peut résister.
Ma carrière est remplie,
Mais quand l’on n’est plus propre à rien
L’on se retire et l’on fait bien.
Bonsoir la compagnie.

7

Rien ne périt entièrement
Et la mort n’est qu’un changement,
Dit ma philosophie.
Que ce système est consolant,
Je chante en adoptant ce plan
Bonsoir la compagnie.

(Chansons du XVIIIè)
http://f.duchene.free.fr/berssous/index.htm

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ADIEU LOUISON MON COEUR (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023




    
ADIEU LOUISON MON COEUR

1

Adieu chère Louison
Il faut partir tout de bon
Je vais voguer sur ces flots.
Dedans mon vaisseau
Conserve moi tes amours.
Chère mignonne.
Belle quand je reviendrai
Je t’épouserai.

2

Va, tu me perces le cœur
De m’annoncer ce malheur.
Voudrais-tu m’abandonner,
Et me quitter ?
Tu dois pourtant cher amant
Connaître mon zèle.
Me laissant dans l’embarras
Je cours au trépas.

3

Rassure toi de ma foi,
Belle, je n’aime que toi.
Tu connaîtras ton amant
Toujours constant.
Non, jamais d’autres beautés
Ne saurons me plaire.
Je te promets mon cher cœur
De faire ton bonheur.

4

Je crains que le mauvais temps
Ne fasse du changement
Lorsque la mer est agitée,
Vient à gronder,
L’on est fort embarrassé
Dans la nuit obscure.
Tu regretteras le moment
De l’embarquement.

5

Le grand dieu des matelots
Gardera notre vaisseau.
Lui seul peut nous préserver
De tous ces dangers.
Va, nous serons gouvernés
Par un bon pilote
Qui nous conduira au port,
Fera ses efforts.

6

Adieu mon fidèle amant.
Que ce départ est surprenant,
Me causera aujourd’hui Des pleurs !
Ah quelle douleur
Ressouviens-toi, cher amant,
De ta maîtresse
Que tu laisses sans secours
Jusqu’à ton retour

7

Il faut donc vous dire adieu
Embrassons-nous tous les deux.
Que le départ est fâcheux.
Dans ce triste lieu
L’équipage est préparé.
J’entends que l’on m’appelle.
Adieu Louison, mon cœur
Je pars tout à l’heure.

8

Dieu, soyez mon protecteur.
De Colin mon serviteur
Vous pouvez le préserver
De tous les dangers.
Il me quitte en effet
L’objet que j’aime.
Mais je languirai toujours
Jusqu’à ton retour.

(Chansons du XVIIIè)

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IRIS SENSIBLE AU TORRENT DE LARMES (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023



Illustration: Gilles Demarteau
    
IRIS SENSIBLE AU TORRENT DE LARMES

1

Le dieu d’amour tient mon cœur dans ses chaînes.
Je suis réduit à pousser des soupirs !
Quand finiront de si cruelles peines ?
Quand viendra-t-il le jour du plaisir ? (bis)

2

Je suis l’amant d’une ingrate maîtresse.
Depuis longtemps j’aime la jeune Iris.
J’ai bien marqué mes soins et ma tendresse.
L’ingrate n’a pour moi que du mépris. (bis)

3

Quand un amant sait aimer et peut plaire,
Qu’il est heureux ! Que n’ai-je un pareil sort !
Pour moi l’amour n’a rien que de sévère.
Pour vivre ainsi j’aimerais mieux la mort. (bis)

4

Coulant ruisseau cessez vos doux murmures ;
Augmentez-vous du coulant de mes pleurs.
Petits oiseaux voyez ce que j’endure ;
Cessez vos chants et plaignez mes malheurs. (bis)

5

Sombre forêt, séjour rempli des charmes
Où les amants goûtent tout doucement.
Arrosez vous de ce torrent de larmes
Que je répands pour soulager mon cœur. (bis)

6

Sa chère Iris était dedans la plaine
Qui entendait gémir ce tendre amant
Son cœur touché d’un amour qui l’entraîne
S’approche à lui pour finir son tourment. (bis)

7

Charmant berger pourquoi tant de tristesse ?
Cessez vos pleurs, finissez vos soupirs !
Si vous m’aimez vous aurez la tendresse.
Prenez mon cœur et goûtez du plaisir. (bis)

8

Quel changement je ressens dans mon âme !
Ma chère Iris vient soulager mon cœur.
Le dieu d’amour couronne enfin ma flamme.
Quel doux plaisir succède à ma douleur ! (bis)

(Chansons du XVIIIè)

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LE BRUIT QUE VOUS FAITES GÂTE TOUT (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2023



Illustration: Jean-Honoré Fragonard  
    
LE BRUIT QUE VOUS FAITES GÂTE TOUT

1

– J’entre ici sans cérémonie
Conduit par un parfait amour.
Disposez-vous chère Sophie
A recevoir un petit bonjour.
– Restez dit Sophie, où vous êtes
N’approchez pas de moi surtout,
Le bruit que vous faites gâte tout ! (bis)

2

– Quel changement de caractère !
D’où vient cette vérité ?
N’ai-je plus le don de vous plaire ?
Ah, j’espère à votre bonté
– Quoi, faut-il que je répète
Je vous le dis encore un coup,
Le bruit que vous faites gâte tout ! (bis).

3

– Permettez moi je vous supplie
De toucher votre belle main
Encore une fois dans ma vie.
Je voudrais mais je suis trop loin
– Que vos poursuites m’inquiètent
C’est vouloir me pousser à bout
Le bruit que vous faites gâte tout (bis).

4

– J’ai pour vous ici dans ma poche,
Un mignon et galant bouquet
Permettez au moins que j’approche
Pour l’attacher à ce corset.
– Je crois vos façons indiscrètes
Vous ne vous gênez pas beaucoup
Le bruit que vous faites gâte tout (bis).

5

– Se peut-il, étant aussi belle
Donner des lois qui font languir.
Si vous étiez toujours cruelle.
Je crois qu’il en faudra mourir
– Loin d’ici toutes vos fleurettes
La crainte en fait passer le goût.
Le bruit que vous faites gâte tout (bis)(2).

(Chansons du XVIIIè)

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Poésie (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 17 octobre 2023




    
Poésie

Je t’écoute sans cesse plus intensément.
J’entends cette plénitude sonore qui vient de l’espace-temps avec toi,
Comme si terre et ciel n’étaient que la reprise des thèmes d’une symphonie exponentielle.

Je t’écoute toujours au-delà.
J’entends ces lointains qui font chorus en moi pour un sursaut d’aveux renaissants,
Et qui se donnent l’élégance d’improviser ce qui s’est écrit à mesure sur le givre et le vent.

*
Quand je disperse les mots du poème il est un chant qui demeure.
Je le veux sans retour, même s’il rameute mes ailleurs, mes viatiques, mes effractions,
Tous ces vocables précaires qui arpentent les déserts où la soif se déchire.

Je disperse et garde pourtant un charroi de signes,
Une suite de repères infalsifiables dans les zones en mal de sensation et de sens :
C’est qu’il suffit d’un refrain plus vrai que nature pour me ramener à la vie.

*

Je ne peux me passer de ce qui ne passe pas.

*

Je prends note à note les messages éperdus
D’un violoncelle qui joue à fendre l’âme jusqu’aux limites extrêmes
Où la musique met au grand jour les forces de la nuit.
Ce n’est plus proférer, mais composer en langue d’insomnie,
En vue d’arpèges ou de battements d’ailes qui ouvrent à autre chose
Sans qu’il y ait connaissance d’éveil, d’effet ni de cause.

*

Je t’entends autant que je t’écoute.
Il y a des rappels qui n’attendent pas le bout de la route,
Il y a des saluts de hauts désirs qui restent en scène au changement de décor.

Avant le dernier souffle, avant le noir silence, je t’écoute.
Je t’entends me dire encore que tu es la seule promesse qui tienne,
La seule, éternellement présente et réelle, qui dispense des prophéties, des mirages et des songes.

*

Je ne peux me passer de ce qui ne passe pas.

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

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MÉMORIAL DE TLATELOLCO (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023



Massacre de Tlatelolco
    
MÉMORIAL DE TLATELOLCO

L’obscurité engendre la violence
et la violence veut l’obscurité
pour se coaguler en crime.

C’est pourquoi le Deux Octobre patienta jusqu’à la nuit
afin que nul ne vît la main qui avait saisi
l’arme, mais seulement l’éclair.

Et dans cette lumière brève et livide, qui ? Qui est celui qui tue ?
Qui sont ceux qui agonisent et ceux qui meurent ?
Ceux qui fuient nu-pieds ?
Ceux qui vont tomber au fond d’une prison ?
Ceux qui vont pourrir à l’hôpital ?
Ceux qui restent muets à jamais d’épouvante ?

Qui ? Lesquels ? Personne. Le lendemain, personne.
La place à l’aube était bien balayée ; les journaux
donnaient comme information principale
le temps qu’il faisait.
Télévision, radio ou cinéma,
pas de changement de programme,
pas de flash spécial, pas de minute
de silence pendant le banquet.
(Le banquet continua.)

Ne cherche pas ce qui n’est pas : des traces, des cadavres
Tout a été donné en offrande à une divinité :
la Dévoreuse d’Excréments.

Ne consulte pas les archives : il n’y a eu aucun rapport.

Hélas, la violence veut l’obscurité
parce que l’obscurité engendre le rêve
et nous pouvons dormir en rêvant que nous rêvons.

Mais il y a une plaie que je touche : ma mémoire.
Elle a mal donc c’est vrai. Elle saigne à sang.
Si je dis qu’elle est mienne, je trahis tous les autres.

Je me souviens, nous nous souvenons.

C’est notre façon d’aider le jour à se lever
sur tant de consciences souillées,
sur un texte de colère, sur une grille ouverte,
sur le visage derrière l’impunité du masque.

Je me souviens, nous nous souviendrons
jusqu’à ce que la justice vienne parmi nous.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Nous sommes ces amants sans peur (Ebou Hamid)

Posted by arbrealettres sur 6 avril 2023




    
Nous sommes ces amants sans peur,
Raison, pensée ne sont pas nos amies.
Du vin d’amour nous sommes ivres,
Jamais il ne nous étourdit.

Toujours vivants nous ne mourons pas,
Nous ne restons pas dans les ténèbres,
Ni pourriture ni poussière,
Pour nous il n’y a jour ni nuit.

Dans nos contrées lune et soleil
Se tiennent à jamais, fidèles.
Nul changement ne les atteint,
Il n’est croissant ni pleine lune.

Les roses de notre roseraie
Restent fraîches et ne se fanent pas;
A l’automne elles ne s’effeuillent pas
Il n’y a ni hiver ni printemps.

Pour avoir bu le vin d’amour,
Nous sommes partis au pays de renoncement
Tout brûlants, à ton amour enflammés,
Il ne nous faut point d’ailes pour voler.

De tout temps à la clarté du soleil
Mon corps est une goutte d’atome
Cette goutte n’est pas comme la mer
Elle n’a ni fond ni rivage.

Ô Hamid ! Laisse ce qui est
Si tu veux voir cet amant,
Tu auras la vision sacrée
Il n’est pas de perfection au delà.

(Ebou Hamid)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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Ne me donnez rien de fixe, d’assis, de statique (David Herbert Lawrence)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023




    
Ne me donnez rien de fixe, d’assis, de statique.
Ne me donnez pas l’infini ou l’éternel :
rien de l’infinité, rien de l’éternité.

Donnez-moi le calme, le blanc bouillonnement,
l’incandescence et la froideur du moment incarné :
le moment, la chair vive de tout changement,
de toute hâte et de toute opposition :

le moment, le présent immédiat,
le Maintenant.

(David Herbert Lawrence)

 

Recueil: 52 poèmes d’Occident pour apprendre à s’émerveiller
Editions: Pocket

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