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Poésie

Posts Tagged ‘insomnie’

INSOMNIE (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024




INSOMNIE

Veille du miroir :
la lune l’accompagne.
Reflet sur reflet
l’araignée ourdit ses trames.

À peine cligne-t-elle
la pensée en veille :
elle n’est ni fantôme ni idée
ma mort sentinelle.

Je ne suis ni vivant ni mort:
réveillé je suis, réveillé
dans un oeil désert.

(Octavio Paz)

Illustration: Salvador Dali

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Comme quelqu’un qui s’aime en aimant ceux qui aiment (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2024



Illustration: Clémence F. Dupuch
    
Comme quelqu’un qui s’aime en aimant ceux qui aiment

Et si tu m’avais rencontrée propre,
sans mauvaise conscience,
sans peine dans le sommeil,
sans les morsures d’autres femmes ancrées sur mes épaules.

Aurais-tu baigné mon corps au petit matin,
léché mes humeurs d’yeux,
coiffé mon insomnie,
caressé mes mains ravinées par tes dents ?

Et si j’avais endossé
des tenues semblables aux tiennes,
si je t’avais menti en ce qui me concerne,
si je t’avais confié que tu étais la seule
et non la première.

M’aurais-tu déshabillée les yeux fermés
de tes mains expertes,
embrassée quand je te racontais ma vie,
aurais-tu mis sur un piédestal
ton nom au niveau du mien
et fait du nôtre un amour égal ?

Si je m’étais vendue
comme l’amour de ta vie,
si je t’avais achetée
comme l’amour de la mienne.

Serions-nous tombées amoureuses
comme quelqu’un qui s’aime
en aimant ceux qui aiment ?

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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LA PETITE FILLE RETROUVÉE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



    


Illustration: William Blake

LA PETITE FILLE RETROUVÉE

Toute la nuit dans la douleur
Les parents de Lyca cheminent
A travers les vallées profondes,
Pendant que les déserts se lamentent.

Las, épuisés de douleur,
La voix rauque d’avoir gémi,
Au bras l’un de l’autre, sept jours,
Ils suivirent les traces des chemins du désert.

Sept nuits ils dorment
Parmi les ténèbres profondes
Et rêvent qu’ils voient leur enfant
Mourante de faim dans l’aride désert.

Pâle, battant les chemins perdus,
Le fantôme erre,
Affamé, faible, pleurant,
Avec des cris sourds, pitoyables.

Surgissant de son insomnie,
La femme tremblante se hâta,
Les pieds douloureux de lassitude,
Elle ne put aller plus loin.

Dans ses bras il la porta,
Dans ses bras cuirassés de douleur,
Jusqu’au moment où, leur barrant la route,
Ils virent un lion couché.

Retourner était inutile.
Bientôt sa lourde crinière
Les fit se prosterner sur le sol,
Puis il marcha fièrement alentour

En reniflant sa proie ;
Mais leur frayeur s’apaise
Quand il leur lèche les mains
Et silencieux se tient près d’eux.

Ils regardent ses yeux,
Remplis de profonde surprise,
S’émerveillant d’y voir
Un esprit couvert d’une armure d’or ;

Sur sa tête une couronne
Et sur ses épaules
Coulait sa crinière dorée.
Évanouie était toute leur crainte ;

« Suivez-moi, dit-il,
Ne pleurez pas votre petite fille,
Dans mon palais profond
Lyca repose endormie. »

Alors ils suivirent
Là où les conduisait la vision
Et virent leur enfant endormie
Parmi les tigres féroces.

Depuis ce jour ils demeurent
Dans un vallon solitaire,
Sans craindre le hurlement du loup
Ni le rugissement du lion.

***

The Little Girl Found (1794)

All the night in woe
Lyca’s parents go
Over valleys deep,
While the deserts weep.

Tired and woe-begone,
Hoarse with making moan,
Arm in arm, seven days
They traced the desert ways.

Seven nights they sleep
Among shadows deep,
And dream they see their child
Starved in desert wild.

Pale through pathless ways
The fancied image strays,
Famished, weeping, weak,
With hollow piteous shriek.

Rising from unrest,
The trembling woman pressed
With feet of weary woe;
She could no further go.

In his arms he bore
Her, armed with sorrow sore;
Till before their way
A couching lion lay.

Turning back was vain:
Soon his heavy mane
Bore them to the ground,
Then he stalked around,

Smelling to his prey;
But their fears allay
When he licks their hands,
And silent by them stands.

They look upon his eyes,
Filled with deep surprise;
And wondering behold
A spirit armed in gold.

On his head a crown,
On his shoulders down
Flowed his golden hair.
Gone was all their care.

‘Follow me,’ he said;
‘Weep not for the maid;
In my palace deep,
Lyca lies asleep.’

Then they followed
Where the vision led,
And saw their sleeping child
Among tigers wild.

To this day they dwell
In a lonely dell,
Nor fear the wolvish howl
Nor the lion’s growl.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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Dans la chambre fermée à clé (Lydia Padellec)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2024



Illustration: Christian Schloe
    
Dans la chambre
fermée à clé
la nuit cogne
contre les meubles
tu ne l’entends pas
contre toi elle se glisse
dans les draps froids
elle se glisse et se faufile
entre tes cuisses
elle a la douceur de l’éclair
et le visage de l’oubli
tu voudrais la saisir
son odeur te poursuit
t’enveloppe d’insomnie
jusqu’à l’aube

(Lydia Padellec)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Cicatrices de l’Avant-jour
Editions: Al Manar

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L’embarcadère (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
L’embarcadère

Le désir est pareil à cette porte,
Du temps des surréalistes au 54 rue du Château,

À la fois ouverte et fermée,

Pour les départs à tous les vents
Et le refuge des nuits de magie claire.

*

La poésie aussi est cet impossible même
Qui tient les deux côtés de la frontière,

Sur les pentes d’on ne sait quel exil,

Quand le tocsin qui bat le sang
Éveille un chant de mort où renaître.

*

Mais il n’y a pas d’illusion à se faire,
L’insolente issue de série noire

A retrouvé ses garde-fous domestiques,

Chambranle, serrure, verrou,
Tout l’agencement de la syntaxe grégaire.

*

Le génie du lieu n’a pas laissé de gages,
Juste un éclair de légende libertaire

Et guère plus de réalité jetée hors champ

Que quelques mutineries de corps, d’esprit,
Voire de cadavres exquis.

*

L’embarcadère perdure pourtant,
Qui ravive l’insomnie du dernier navire venu

Au large de Tossa de Mar,

Vaisseau fantôme caréné d’or et d’aube
Dans les yeux fauves d’Ava Gardner.

*

C’est qu’une splendeur fatale
Mène les amours et les âmes

Jusqu’à revenir de tout

Sans qu’il y ait à changer d’impatience
Ni de sens ascendant.

*

Nous avançons à l’orient de nous,
Avec la force de conquérants inutiles,

Décidés comme jamais

À découvrir les traces qui tout effacent
Autant de ce côté-ci que de l’autre.

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

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Poésie (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 17 octobre 2023




    
Poésie

Je t’écoute sans cesse plus intensément.
J’entends cette plénitude sonore qui vient de l’espace-temps avec toi,
Comme si terre et ciel n’étaient que la reprise des thèmes d’une symphonie exponentielle.

Je t’écoute toujours au-delà.
J’entends ces lointains qui font chorus en moi pour un sursaut d’aveux renaissants,
Et qui se donnent l’élégance d’improviser ce qui s’est écrit à mesure sur le givre et le vent.

*
Quand je disperse les mots du poème il est un chant qui demeure.
Je le veux sans retour, même s’il rameute mes ailleurs, mes viatiques, mes effractions,
Tous ces vocables précaires qui arpentent les déserts où la soif se déchire.

Je disperse et garde pourtant un charroi de signes,
Une suite de repères infalsifiables dans les zones en mal de sensation et de sens :
C’est qu’il suffit d’un refrain plus vrai que nature pour me ramener à la vie.

*

Je ne peux me passer de ce qui ne passe pas.

*

Je prends note à note les messages éperdus
D’un violoncelle qui joue à fendre l’âme jusqu’aux limites extrêmes
Où la musique met au grand jour les forces de la nuit.
Ce n’est plus proférer, mais composer en langue d’insomnie,
En vue d’arpèges ou de battements d’ailes qui ouvrent à autre chose
Sans qu’il y ait connaissance d’éveil, d’effet ni de cause.

*

Je t’entends autant que je t’écoute.
Il y a des rappels qui n’attendent pas le bout de la route,
Il y a des saluts de hauts désirs qui restent en scène au changement de décor.

Avant le dernier souffle, avant le noir silence, je t’écoute.
Je t’entends me dire encore que tu es la seule promesse qui tienne,
La seule, éternellement présente et réelle, qui dispense des prophéties, des mirages et des songes.

*

Je ne peux me passer de ce qui ne passe pas.

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

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La Lenteur, par la fenêtre (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023



Illustration: Edward Hopper
    
La Lenteur, par la fenêtre,
Pénètre à pas escomptés.
Dans ma chambre tout l’accepte
Et gagne en sérénité.
Mais mon coeur se multiplie
En détestables efforts
Pour la tenir loin de lui.
Coeur, tu connaîtras aussi
L’extrême lenteur des morts,
Leur bouclier invisible
Qui nous épargne les torts
Dans l’éternelle insomnie.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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Physique post-pré-romantique (Jacques Roubaud)

Posted by arbrealettres sur 1 septembre 2023



    

Illustration: Fentes de Young

physique post-pré-romantique

         ô trous d’Young que vous
Ⓧ nous avez
      causé d’insomnies

(Jacques Roubaud)

Recueil: Tridents
Editions: NOUS

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LA COULEUR DE MES LARMES (Jérôme Bories-Azeau)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2023




    
LA COULEUR DE MES LARMES

Je pleure des larmes sèches à mon coeur qui se meurt.
Ces flammes qui me lèchent ont du sang la saveur.
Je ne sais ce qui pêche et il n’est point de leurre.
La nuit me paraît fraîche, j’ai des envies d’ailleurs.

Je pleure des larmes noires en mon coeur évanoui.
Drapé dans mon peignoir, je cherche en vain l’oubli.
Les souvenirs, ce soir, me poussent á l’insomnie.
Je n’ai plus mal à boire face aux maux de la vie.

Je pleure des larmes vaines au son de mes douleurs.
Entravé par ces chaînes, j’ai le mal des fleurs.
Ce manque que je traîne atténue leurs couleurs.
Elle a quitté ma scène, engendrant la tumeur.

Je pleure des larmes grises aux sentiments passés.
Ces flammes qui attisent amertume et regrets.
Cet amour infini que je n’ai embrassé
Qu’au début de ma vie et qui s’est envolé.

Je pleure des larmes chaudes comme ses câlins,
Ses regards d’affection, ses sourires, nos matins.
Sa lune a disparu, elle était de satin.
Évanouie sa clarté, interrupteur éteint.

Je pleure des larmes blanches au vide immaculé.
Ces flammes sont des lames aux dents trop aiguisées.
Ce désert de tendresse à jamais irrigué
Des sanglots de l’amour qu’on n’a pu se donner.

(Jérôme Bories-Azeau)

Recueil: Anthologie poétique 2019 volume 2
Editions: Flammes Vives

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NOUS VIVIONS (Joyce Mansour)

Posted by arbrealettres sur 10 avril 2023




    
NOUS VIVIONS…

Nous vivions englués au plafond
Suffoqués par les vapeurs rances exhalées de la vie quotidienne
Nous vivions rivés aux plus basses profondeurs de la nuit
Nos peaux séchées par la fumée des passions
Nous tournions autour du pôle lucide de l’insomnie
Jumelés par l’angoisse séparés par l’extase
Vivant notre mort dans le goulot de la tombe

(Joyce Mansour)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout

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