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Posts Tagged ‘tort’

Ô Don Quichotte (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 24 janvier 2024



Illustration: Pablo Picasso
    
Ô Don Quichotte, vieux paladin, grand Bohème,
En vain la foule absurde et vile rit de toi :
Ta mort fut un martyre et ta vie un poème,
Et les moulins à vent avaient tort, ô mon roi !

Va toujours, va toujours, protégé par ta foi,
Monté sur ton coursier fantastique que j’aime.
Glaneur sublime, va ! ― les oublis de la loi
Sont plus nombreux, plus grands qu’au temps jadis lui-même.

Hurrah ! nous te suivons, nous, les poètes saints
Aux cheveux de folie et de verveine ceints.
Conduis-nous à l’assaut des hautes fantaisies,

Et bientôt, en dépit de toute trahison,
Flottera l’étendard ailé des Poésies
Sur le crâne chenu de l’inepte raison !

(Paul Verlaine)

 

Recueil: Premiers Vers
Editions:

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Ont-ils tort (Alain Borne)

Posted by arbrealettres sur 3 décembre 2023



Zdzislaw Beksinski 2004 [1280x768]

Ont-ils tort
ceux qui parlent de l’amour
comme d’une menue poussière
qui vole et qui se cache
et dont on peut mourir

(Alain Borne)

Illustration: Zdzislaw Beksinski

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LE DEVOIR CONJUGAL (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023




    
LE DEVOIR CONJUGAL

1

C’est la fête à Philippine.
Amour, je viens t’implorer
D’une rose sans épine.
Il s’agit de la parer
Si tu m’aides je devine
Où je puis la rencontrer.

2

Dans mon cœur est cette rose.
L’hymen un jour s’y planta.
Le désir qui vit la chose,
De sourire la supplia.
Bientôt elle fut éclose
Et le plaisir l’arrosa.

3

Si le soin de sa culture
A trompé mon doux exploit
Le tort en est à la nature
Qui m’en ôta le pouvoir.
Amour tu sais l’aventure :
J’ai péché sans le vouloir.

4

Mais une santé brillante
Reprenant son heureux cours,
Maintenant rose charmante
Tu seras seul mes amours
Et ta culture enivrante
Les délices de mes jours.

5

Va-t’en dire à Philippine,
Amour, que j’ai refleuri.
Que ma rose est sans épine
Et que moi son cher mari
J’en voudrais à la sourdine
Orner son panier joli.

6

Je me plains à vous ma femme
De cette opposition
Que vous marquez pour ma flamme
D’une vive passion
Quand on coupe ainsi sa trame
C’est vouloir l’extension.

7

Les devoirs du mariage
Furent faits pour maintenir
L’union dans le ménage.
Par le charme du plaisir.
Ce n’est donc pas être sage
Que de ne les point remplir.

(Chansons du XVIIIè)

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BON VOISINAGE (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023




    
BON VOISINAGE

Elle habitait le fin fond de la Chine,
Lui, un jardin, clos de murs, d’Argentine,
Mais l’amour pur rapproche tant les êtres
Que la voyant un jour à sa fenêtre

Il lui lança une rose en sa fleur
Et malgré tant de distance à la ronde
Elle la prit et la mit sur son coeur,
Pour bien montrer à la face du monde

Que les absents ne sont pas dans leur tort,
Que les lointains leur donnent de l’essor.
Je fus chargé de constater la chose

Et vous souhaite une rose aussi rose,
Fleur d’un amour toujours se rapprochant,
Sans se mouiller il franchit l’océan.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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La Lenteur, par la fenêtre (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023



Illustration: Edward Hopper
    
La Lenteur, par la fenêtre,
Pénètre à pas escomptés.
Dans ma chambre tout l’accepte
Et gagne en sérénité.
Mais mon coeur se multiplie
En détestables efforts
Pour la tenir loin de lui.
Coeur, tu connaîtras aussi
L’extrême lenteur des morts,
Leur bouclier invisible
Qui nous épargne les torts
Dans l’éternelle insomnie.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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Chaleur (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2023



Illustration: Michèle Garin 
    
Chaleur

Bel arrangement du matin,
Qui aveuglez d’air argentin
Les coteaux crêpelés de thym;
Brillez sur les toits et les portes,

Et sur toutes les routes tortes
De la campagne à demi morte.
Tout luit, tout bleuit, tout bruit,
Le jour est brûlant comme un fruit

Que le soleil fendille et cuit.
Chaque petite feuille est chaude
Et miroite dans l’air où rôde
Comme un parfum de reine-claude.

Du soleil comme de l’eau pleut
Sur tout le pays jaune et bleu
Qui grésille et oscille un peu.
Un infini plaisir de vivre
S’élance de la forêt ivre,
Des blés roses comme du cuivre.

(Anna de Noailles)

Recueil: 30 poèmes pour célébrer le Monde
Editions: Belin

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Le premier jour, Dame, que je vous vis (Guilhem De Cabestany)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023




    
Le premier jour, Dame, que je vous vis
Quand il vous plut de vous montrer à moi,
Nulle autre image en mon coeur ne resta.
Tous mes désirs en vous s’enracinèrent
Votre regard, votre sourire tendre
Ont mis en moi, ô ma Dame, tel feu
Que j’oubliai ma personne et le monde

Votre beauté, votre présence aimable,
Vos mots courtois, le charme délicieux
De votre accueil m’ont ravi la raison.
Depuis ce jour tout bon sens m’a quitté.
À vous ma vie, à vous que mon coeur prie
Moi qui ne veux que grandir votre Prix
A vous me rends, point n’est meilleure Dame.

Si tendrement, ô Dame, je vous aime
Qu’aimer ailleurs n’est pas en mon pouvoir.
Amour pourtant accepterait que j’ose
Chercher plus loin remède à mon tourment,
Mais à quoi bon conter fleurette à d’autres ?
Je fuis, j’oublie la possible amourette
Et reste à vous que j’ai plus chère au coeur.

Souvenez-vous de la bonne promesse
Que vous me fîtes au jour de mon départ.
J’en eus alors l’âme en pure liesse.
De vous servir encore j’eus l’espoir.
J’en fus joyeux — hélas mon mal s’aggrave !
Mais ce bonheur je le retrouverai,
S’il plaît à vous, moi que l’espoir fait vivre.

Aucun tourment ne m’effraie, car je pense
Qu’il me vaudra à la fin récompense
De vous, ma Dame. Et j’aime mes douleurs,
Elles sont pour moi comme de fortes joies.
Je n’oublie pas ce qu’Amour sait et dis :
Un pur amant doit pardonner grands torts
Et souffrir dur pour gagner son amante.

Ah ! si venait un beau jour cet instant
Dame, où je voie que votre grâce daigne
Me faire don du simple nom d’ami !

(Guilhem De Cabestany)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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Chanson (Giraut de Borneil)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023




    
Chanson

— Hélas, je meurs !
— Qu’as-tu, ami ?
— Je suis trahi !
— Comment cela ?
— Un jour j’ai mis tout mon espoir
Dans les beaux regards d’une Dame.
— C’est pour cela que ton coeur geint ?
— C’est pour cela.
— Ton coeur, l’as-tu laissé au loin ?
— Assurément.
— Es-tu donc si près de la mort ?
— Oui, plus près que je ne peux dire.
— Pourquoi vouloir ainsi mourir ?

— Je suis trop timide et sincère.
— L’as-tu priée ? — Moi ? Par Dieu, non !
— Pourquoi te lamenter si fort
Quand tu ne sais rien de son coeur ?
— Seigneur, elle me fait si peur !
— Comment cela ?

— L’amour d’elle me trouble fort.
— Tu as bien tort.
Crois-tu qu’elle va s’offrir à toi ?
— Non, mais je n’ose m’enhardir.
— Lors, ton mal peut durer longtemps !

— Seigneur, dites, que puis-je faire ?
— Sois bon, courtois.
— Oui, mais encore ?
— Va devant elle sans tarder
Lui faire requête d’amour.
— Et si elle la trouve offensante ?
— Allons, qu’importe !
— Et si sa réponse est méchante ?
— Eh, sois patient,
Toujours la patience triomphe.
— Si le jaloux s’en aperçoit?
— Vous n’en serez que plus rusés.

— Nous ? — Bien sûr !
— Ah, pourvu qu’elle veuille !
— Elle voudra, crois-moi.
— Je vous crois !
— Ta joie vraiment sera doublée
Si tu ne crains pas de parler.
— Seigneur ma douleur est si dure
(elle est mortelle)
qu’il faut part égale pour elle !
— T’aideront donc
Ton audace et ton jugement.
— Et aussi ma bonne espérance.
— Veille à t’expliquer gentement.

— Je ne saurai pas m’exprimer !
— Pourquoi, dis-moi ?
— Je la verrai !
— Tu ne pourras donc lui parler ?
Es-tu à ce point égaré ?
— Oui, quand j’arrive devant elle…
— Tu te défais ?
Oui, je ne suis plus sûr de rien.
– – Tous les amants
Traversent les mêmes misères.
– C’est vrai, je me ferai violence.
_ Bien. Alors, ne perds pas de temps.

– Chacun sait bien
Où l’amour amène les êtres.
Mal vit celui qui meurt d’aimer,
Je sais, je ne peux donc me plaindre !

– Cours au plaisir
Avant que ton secret s’évente.
Ami, ne perds pas ton élan.
Si vulnérable est le bonheur !

(Giraut de Borneil)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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QU’AI-JE BESOIN… (Lucie Delarue-Mardrus)

Posted by arbrealettres sur 13 juin 2023




    
QU’AI-JE BESOIN…

Qu’ai-je besoin de lire un livre
Sous cette lampe aux reflets verts ?
Immobile, je me sens vivre.
Je suis seule avec l’univers.

Puisqu’on dit de Dieu qu’il existe,
Pourquoi, moi, ne suis-je pas lui,
Et lui pas moi ?
Comme c’est triste
D’être humain au fond de la nuit !

Oh ! vas-tu donc toujours te taire,
Sphinx que j’interroge ? (Et j’ai tort.)
Si les chiens hurlent à la mort,
Moi, sans fin, je hurle au mystère.

(Lucie Delarue-Mardrus)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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L’auberge (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2023



Illustration: David Téniers  
    
L’auberge

Murs blancs, toit rouge, c’est l’Auberge fraîche au bord
Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L’Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.
Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passe-port.

Ici l’on fume, ici l’on chante, ici l’on dort.
L’hôte est un vieux soldat, et l’hôtesse, qui peigne
Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,
Parle d’amour, de joie et d’aise, et n’a pas tort !

La salle au noir plafond de poutres, aux images
Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous accueille d’un bon parfum de soupe aux choux.

Entendez-vous ? C’est la marmite qu’accompagne
L’horloge du tic-tac allègre de son pouls.
Et la fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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