Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘reflet’

INSOMNIE (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024




INSOMNIE

Veille du miroir :
la lune l’accompagne.
Reflet sur reflet
l’araignée ourdit ses trames.

À peine cligne-t-elle
la pensée en veille :
elle n’est ni fantôme ni idée
ma mort sentinelle.

Je ne suis ni vivant ni mort:
réveillé je suis, réveillé
dans un oeil désert.

(Octavio Paz)

Illustration: Salvador Dali

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

UN RÉVEIL (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




UN RÉVEIL

À l’intérieur d’un rêve j’étais emmuré.
Ses murs n’avaient ni consistance
ni poids : leur vide était leur poids.
Les murs étaient des heures et les heures
pesanteur fixe, accumulée.
Le temps de ces heures n’était pas du temps.

Je sautai par une brèche : il était quatre heures
dans ce monde. La chambre était ma chambre
et dans chaque chose mon fantôme.
Je n’y étais pas. Je regardai par la fenêtre :
sous la lumière électrique pas une âme.
Réverbères en veille, neige sale,
maisons et voitures endormies, l’insomnie
d’une lampe, le chêne qui parle tout seul,
le vent et ses couteaux, l’écriture
des constellations, illisible.

En elles-mêmes les choses s’abîmaient
et mes yeux de chair les voyaient
accablées d’être, réalités
nues de leurs noms. Mes deux yeux
étaient des âmes en peine par le monde.
Dans la rue sans personne la présence
passait sans passer, dissipée
dans ses créatures, fixe dans ses mutations,
déjà devenue maisons, chênes, neige, temps.
Vie et mort fluaient confondues.
Regard inhabité, la présence
avec les yeux de personne me regardait :
faisceau de reflets sur précipices.
Je me retournai : la chambre était ma chambre
et je n’étais pas là. À l’être rien ne manque
– toujours plein de soi, jamais le même –
même si nous n’y sommes plus… Dehors,
encore indécises, des clartés :
l’aube entre des terrasses confuses.
Déjà les constellations s’effaçaient.

(Octavio Paz)

Illustration: Katerina Kockova  (Le Rêve d’un intellectuel fatigué)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Les filles prennent des plants de riz (Takahama Kyoshi)

Posted by arbrealettres sur 11 avril 2024



Les filles prennent des plants de riz.
Des reflet d’eau oscillent
Sur les envers des chapeaux en carex

(Takahama Kyoshi)

Illustration

 

Posted in haïku, poésie | Tagué: , , , , , , , | Leave a Comment »

SÉSAME (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




SÉSAME

Le reflet
est le réel.
La rivière
et le ciel
sont des portes qui mènent
à l’Éternel.
Par le canal des grenouilles
ou celui des étoiles.
Notre amour s’en ira en chantant
le matin du grand essor.

Le réel
est le reflet.
Il n’y a qu’un seul coeur
et une seule brise.
Ne pleurez pas! Être près
ou loin,
quelle importance ?
La Nature est
le Narcisse éternel.

(Federico Garcia Lorca)

Illustration

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Rideaux d’acier baissés (Lydia Padellec)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2024




    
Rideaux d’acier
baissés – la respiration
suspendue
aux cris funestes
des sirènes
où es-tu mon amour
la nuit tisse sa toile
longe les murs
s’attarde aux reflets
troués des vitrines –
un visage d’ange
regarde le ciel
pétrifié

(Lydia Padellec)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Cicatrices de l’Avant-jour
Editions: Al Manar

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Plus lucide en se regardant (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2024



Illustration: Marc Chagall
    
Plus lucide en se regardant
et mieux éclairé par l’autre,
est-ce ainsi qu’on recommence à aimer ?
Ici et là.

Quand le miroir s’étonne au versant d’un visage
quand le visage épelle un alphabet d’images
quand la source s’épure au flux de ses secrets
quand le bateau s’émeut du poids de ses reflets
quand le fleuve protège un regret de torrent
quand l’éclair précipite un paysage lent
vers la terre où s’érige un désir prompt d’orage
quand la foudre éblouit les murailles de l’âge
quand aux limons du temps germent de jeunes rêves
quand les risques du fruit s’échangent sur des lèvres
quand les champs par les vents d’été s’océanisent..

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

DEVINER LA COULEUR DE SEPTEMBRE (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



Illustration: Erica Hopper
    
DEVINER LA COULEUR DE SEPTEMBRE

Ce corps
trop triste à la tombée du soir
n’est plus le mien.
La véranda, le sentier escarpé sur la côte
et les vagues, délayant les ombres allongées
des peupliers, l’entraînent ailleurs.
Des voix derrière les murs de la chambre blanche,
des reflets flous sur les vitres.
La mer renvoie l’écho des automnes de jadis
et ma voix s’engloutit au fond.
Le souvenir de tes lèvres sur cette autre vie,
cachée dans mes entrailles,
disparaît dans le verger des pommiers.
Une barque touche l’horizon
et la vision s’enflamme.

Trop triste dans le soir
le corps cherche sa forme perdue.
Une boule de chair vivante
pleure à côté de moi,
je ne la connais pas encore.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

COMMENT PRODUIRE DU TEMPS (Gisèle Prassinos)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2024



Illustration: Kazuya Akimoto
    
COMMENT PRODUIRE DU TEMPS

Je t’attendrai sur les genoux de la mer
incalculables faits
évènements fragiles et stables de toujours se refaire.

Je t’attendrai liquide encore humaine
non point dans le temps de l’esprit
– ô métronome qui dès l’espérance s’aiguise pour nos
déchirures –
mais dans les arrêts du vent
dans le reflet des branches pétrifiées par la nuit
après le bain et le chant de l’oiseau
sur la route du sang qui sèche
dans l’indécision de la pluie…

Partout où l’heure se repose.

(Gisèle Prassinos)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

DIRE : FAIRE (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 9 décembre 2023




DIRE : FAIRE

Entre ce que je vois et dis,
entre ce que je dis et tais,
entre ce que je tais et rêve,
entre ce que je rêve et oublie,
la poésie.
Elle glisse
entre le oui et le non :
elle dit
ce que je tais,
elle tait
ce que je dis,
elle rêve
ce que j’oublie.
Elle n’est pas un dire :
elle est un faire.
Elle est un faire
qui est un dire.
La poésie
se dit et s’entend :

elle est réelle.
Et à peine je dis
« elle est réelle »,
elle se dissipe.
Est-elle ainsi plus réelle ?

Idée palpable,
mot
impalpable :
la poésie
va et vient
entre ce qui est
et ce qui n’est pas.
Elle tisse des reflets
et les défisse.
La poésie
sème des yeux sur la page,
sème des mots dans les yeux.
Les yeux parlent,
les mots regardent,
les regards pensent.
Entendre
les pensées,
voir
ce que nous disons,
toucher
le corps de l’idée.
Les yeux
se ferment,
les mots s’ouvrent.

(Octavio Paz)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 6 Comments »

Le visage de mon amour (Claude Esteban)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2023


bisoujw5

 

Le visage de mon amour
a la saveur des feuilles du platane.
Comme elles, il va pâlir.
Que serai-je après moi?
J’ai dormi trop longtemps, immobile
dans la moiteur des chambres.
Seul avec un reflet.
Je ne veux pas.
Je ne veux pas le voir se perdre sous la mousse,
frissonner contre vous, âmes cruelles de l’hiver.
Je veux m’enchevêtrer,
n’être plus qu’un serpent avec sa bouche.
Garder intacts les gestes de l’amour.

(Claude Esteban)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »