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Poésie

Posts Tagged ‘fleuve’

L’amoureux (Hala Mohammad)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2024



Illustration: Edvard Munch
    
L’amoureux

L’amoureux qui pleure sur la rive
En a égaré la cause
Tant les eaux vertes du fleuve
ont scruté ses yeux.

(Hala Mohammad)

Recueil: Prête moi une fenêtre
Editions: Bruno Doucey

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ART POÉTIQUE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024




    
ART POÉTIQUE

Le premier vers nous coûte alors qu’il est fortuit.
Il vient quand ça lui chante après qu’on l’a cherché,
Jamais à bout d’effort: toujours on l’a mâché
Sans le savoir et c’est pourquoi il est gratuit.

On croyait l’arracher, c’est lui qui nous retrouve.
Ce qui vient par surprise est chargé de son sens.
Pour la bonne fortune il faut avoir confiance.
Ce qui nous est donné sans réserve se prouve.

Le reste se poursuit sans obstacle majeur,
Il suffit de se faire un tantinet songeur.
L’eau s’enchaîne en versant de l’eau à ses maillons.

Ainsi coule le fleuve en liquidant sa pâte
Dans le gaufreur de l’eau où se forge sans hâte
Le doux miel du soleil dans chacun des rayons.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Les choses rêvent leurs rêves propres (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



Méconnaître que le fleuve est une épée
et que les choses rêvent leurs rêves propres
c’est ignorer qu’ici,
près de notre regard
en existe un autre:
le regard secret du monde.

Quand on le découvre,
la vie se retourne comme un gant
qui dégage la main qu’il enfermait
et le tact libéré
touche pour la première fois tout ce qui existe.

La réalité est un temps plié
qu’il faut déplier comme une toile
d’une singulière délicatesse
pour trouver au dedans
une autre main qui attend.

(Roberto Juarroz)


Illustration: René Magritte

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LE MIROIR ET MOI (Missak Manouchian)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024



Missak Manouchian
    
LE MIROIR ET MOI

Dans tes yeux de la fatigue et sur ton front tant de rides,
Parmi tes cheveux les blancs, vois, tant de blancs camarade…
Ainsi me parle souvent l’investigateur miroir
Toutes les fois que, muet, je me découvre seul en lui.

Tous les jours de mon enfance et les jours de ma jeunesse
Je – cœur parfois tout disjoint – les brimais pour l’holocauste
Sur l’autel des vanités tyranniques de ce temps,
Naïf – tenant pour abri l’espoir tant de fois promis.

Comme un forçat supplicié, comme un esclave qu’on brime
J’ai grandi nu sous le fouet de la gêne et de l’insulte,
Me battant contre la mort, vivre étant le seul problème…
Quel guetteur têtu je fus des lueurs et des mirages !

Mais l’amertume que j’ai bue aux coupes du besoin
S’est faite – fer devenue – que révolte, qu’énergie :
Se propageant avec fureur mon attente depuis
Enfouie jusqu’au profond du chant m’est cri élémentaire.

Et qu’importe, peu m’importe :
Que le temps aille semant sa neige sur mes cheveux !
Cours fertile qui s’élargit et qui s’approfondit
Au cœur de toute humanité très maternellement.

Et nous discutons dans un face-à-face, à « contre-temps »,
Moi naïvement songeur, lui ironique et lucide;
Le temps ? Qu’importe ce blanc qu’il pose sur les cheveux :
Mon âme comme un fleuve est riche de nouveaux courants.

(Missak Manouchian)

Recueil: LA POESIE ARMENIENNE Anthologie des origines à nos jours
Traduction: Gérard HEKIMIAN
Editions: Les Editeurs Français Réunis

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PASSÉE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: ArbreaPhotos
    
PASSÉE

Je marche et la nuit tombe.
Je décide et la nuit tombe.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai été curieuse et studieuse.
Je sais un peu de tout. Rien qu’un peu.
Le nom des fleurs quand elles se fanent,
et quand les mots verdissent et quand nous avons froid.
La serrure des sentiments si simple à ouvrir
avec la moindre clé d’oubli.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Passée par des journées de pluie
je me suis tendue derrière
ces barbelés liquides
patiente, inaperçue,
comme la douleur des arbres
quand l’ultime feuille les quitte
et comme la peur des courageux.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Passée par des jardins, m’arrêtant aux fontaines
j’ai vu plein de petites statues sourire
à d’invisibles causes de joie.
Et des petits Amours vantards.
Leurs arcs bandés sont apparus
demi-lunes dans mes nuits mes rêveries.
J’ai fait bien des beaux rêves
et me suis vue oubliée.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai beaucoup marché parmi les sentiments,
les miens et ceux des autres,
et il restait toujours de la place entre eux
pour le passage du temps si large.
Passée par des bureaux de poste j’y suis repassée.
J’ai écrit, réécrit des lettres
et inlassable j’ai prié le dieu des réponses.
J’ai reçu des cartes brèves :
cordial adieu de Patras
et les salutations de la vieille Tour de Pise.
Non, je n’ai pas de chagrin de voir le jour vieillir.

J’ai beaucoup parlé. Aux gens,
aux lampadaires, aux photos.
Beaucoup aux chaînes aussi.
J’ai appris à lire les mains
et à perdre les mains.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai même voyagé.
Je suis allée par-ci, allée par-là …
Partout le monde prêt à vieillir.
J’ai perdu par-ci, perdu par-là.
Perdu à cause de mon attention
et de mon inattention.
Je suis allée aussi à la mer.
On me devait une étendue. Disons que je l’ai eue.
J’ai craint la solitude
j’ai imaginé des gens.
Je les ai vus tomber
de la main d’une poussière tranquille,
qui traversait un rayon de soleil
et d’autres du son d’une cloche minuscule.
J’ai retenti dans des carillons
de désert orthodoxe.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai même pris feu et me suis consumée.
J’ai même eu droit à l’expérience des lunes.
Leur disparition au-dessus des mers et des yeux,
obscure, m’a aiguisée.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Autant que j’ai pu j’ai résisté au fleuve
quand il était plein d’eau,
j’ai vu de l’eau tant que c’était possible
dans les rivières à sec
et elles m’ont emportée.

Non, je n’ai pas de chagrin.
La nuit tombe à l’heure juste.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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ÉCOUTER (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
ÉCOUTER

Il y a ce qui rassure
et dort au coeur de la chose
on l’écoute
dans la boucle du fleuve
dans la houille éclairant
de ses brasiers
le corps de la jeune fille
qui s’expose à la vie
dans la ramure et le jour clair
ou dans la nuit poignante.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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Ô les peines si vaines (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2024



Illustration: Flo DS
    
Ô les peines si vaines
qui ne furent que miennes
à force de m’y voir

Ô les joies échangées
autant qu’il m’en souvienne
aux rives du miroir

Ô la vive mémoire
des douleurs partagées
dans le fleuve et le noir

seul bien qui m’appartienne
avant le Grand Congé

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Editions: Gallimard

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Plus lucide en se regardant (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2024



Illustration: Marc Chagall
    
Plus lucide en se regardant
et mieux éclairé par l’autre,
est-ce ainsi qu’on recommence à aimer ?
Ici et là.

Quand le miroir s’étonne au versant d’un visage
quand le visage épelle un alphabet d’images
quand la source s’épure au flux de ses secrets
quand le bateau s’émeut du poids de ses reflets
quand le fleuve protège un regret de torrent
quand l’éclair précipite un paysage lent
vers la terre où s’érige un désir prompt d’orage
quand la foudre éblouit les murailles de l’âge
quand aux limons du temps germent de jeunes rêves
quand les risques du fruit s’échangent sur des lèvres
quand les champs par les vents d’été s’océanisent..

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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Rage (Jean-Luc Raharimanana)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration
    
Rage

Parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Parfois une bouffée de rage
Soudaine
Impérieuse
Qui ramène les entrailles à la surface
Qui ramène au ressenti ce qui n’a pas été vécu

Parfois une bouffée de rage
sur ce qui aurait dû s’achever
Les noeuds coulants du passé
qui auraient dû se défaire sur la danse du temps

Et je comprends que je suis corps-tombeau
de mes ancêtres sans sépultures
Leurs funérailles sont dans l’envol de mes seuls gestes
Et dans les tracés que je pose sur mes seuls déplacements
Le seul son de ma bouche est le chant qu’ils ont ravalé
au moment de la chaîne garrottant leurs cous

Mais je suis né dans le fleuve oubli
Le flux des événements qui se précipitent
et qui effacent tout autre regard
n’appartenant pas au jour prochain
J’ai oublié,

Mais parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Mais parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Soudaine
Impérieuse

Les chants qui proviennent de mon ventre
réclament une bouche pour dire.

(Jean-Luc Raharimanana)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Editions: Bruno Doucey

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LA MORT ROSE (André Breton)

Posted by arbrealettres sur 8 janvier 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
LA MORT ROSE

Les pieuvres ailées guideront une dernière fois la barque
dont les voiles sont faites de ce seul jour heure par heure
C’est la veillée unique après quoi
tu sentiras monter dans tes cheveux le soleil blanc et noir
Des cachots suintera une liqueur plus forte que la mort
Quand on la contemple du haut d’un précipice
Les comètes s’appuieront tendrement aux forêts avant de les foudroyer
Et tout passera dans l’amour invincible
Si jamais le motif des fleuves disparaît
Avant qu’il fasse complètement nuit tu observeras
La grande pause de l’argent
Sur un pêcher en fleur apparaîtront les mains
Qui écrivirent ces vers et qui seront des fuseaux d’argent
Elles aussi et aussi des hirondelles d’argent sur le métier de la pluie
Tu verras l’horizon s’entrouvrir
et c’en sera fini tout à coup du baiser de l’espace
Mais la peur n’existera déjà plus et les carreaux du ciel et de la mer
Voleront au vent plus fort que nous
Que ferai-je du tremblement de ta voix
Souris valseuse autour du seul lustre qui ne tombera pas
Treuil du temps
Je monterai les cœurs des hommes
Pour une suprême lapidation
Ma faim tournoiera comme un diamant trop taillé
Elle nattera les cheveux de son enfant le feu
Silence et vie
Mais les noms des amants seront oubliés
Comme l’adonide goutte de sang
Dans la lumière folle
Demain tu mentiras à ta propre jeunesse
A ta grande jeunesse luciole
Les échos mouleront seuls tous ces lieux qui furent
Et dans l’infinie végétation transparente
Tu te promèneras avec la vitesse
Qui commande aux bêtes des bois
Mon épave peut-être tu t’y égratigneras
Sans la voir comme on se jette sur une arme flottante
C’est que j’appartiendrai au vide semblable aux marches
D’un escalier dont le mouvement s’appelle bien en peine
A toi les parfums dès lors les parfums défendus
L’angélique
Sous la mousse creuse et sous tes pas qui n’en sont pas
Mes rêves seront formels et vains
comme le bruit de paupières de l’eau dans l’ombre
Je m’introduirai dans les tiens pour y sonder la profondeur de tes larmes
Mes appels te laisseront doucement incertaine
Et dans le train fait de tortues de glace
Tu n’auras pas à tirer le signal d’alarme
Tu arriveras seule sur cette plage perdue
Où une étoile descendra sur tes bagages de sable

(André Breton)

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