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Poésie

Posts Tagged ‘se précipiter’

Rage (Jean-Luc Raharimanana)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration
    
Rage

Parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Parfois une bouffée de rage
Soudaine
Impérieuse
Qui ramène les entrailles à la surface
Qui ramène au ressenti ce qui n’a pas été vécu

Parfois une bouffée de rage
sur ce qui aurait dû s’achever
Les noeuds coulants du passé
qui auraient dû se défaire sur la danse du temps

Et je comprends que je suis corps-tombeau
de mes ancêtres sans sépultures
Leurs funérailles sont dans l’envol de mes seuls gestes
Et dans les tracés que je pose sur mes seuls déplacements
Le seul son de ma bouche est le chant qu’ils ont ravalé
au moment de la chaîne garrottant leurs cous

Mais je suis né dans le fleuve oubli
Le flux des événements qui se précipitent
et qui effacent tout autre regard
n’appartenant pas au jour prochain
J’ai oublié,

Mais parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Mais parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Soudaine
Impérieuse

Les chants qui proviennent de mon ventre
réclament une bouche pour dire.

(Jean-Luc Raharimanana)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Editions: Bruno Doucey

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La passion vaincue (Anne De La Vigne)

Posted by arbrealettres sur 24 novembre 2023



Illustration: Camille Pissarro
    
La passion vaincue

La bergère Liris, sur le bord de la Seine
Se plaignait l’autre jour d’un volage berger.
Après tant de serments peux-tu rompre ta chaîne;
Perfide, disait-elle, oses-tu bien changer ?

Puisqu’au mépris des dieux tu peux te dégager,
Que ta flamme est éteinte et ma honte certaine;
Sur moi-même, de toi je saurai me venger,
Et ces flots uniront mon amour et ma peine.

A ces mots, résolue à se précipiter,
Elle hâta ses pas, et sans plus consulter,
Elle allait satisfaire une fatale envie;

Mais bientôt, s’étonnant des horreurs de la mort
Je suis folle, dit-elle, en s’éloignant du bord
Il est tant de bergers, et je n’ai qu’une vie !

(Anne De La Vigne)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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Blottie dans son propre galbe (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023



Illustration: Andrzej Malinowski
    
Blottie dans son propre galbe,
le corps de la jeune fille rayonne
et la fille baisse les cils
pour mieux encore veiller.
La main cependant dérape légèrement
sur la peau lisse.

Même une tête pleine d’amour demeure légère
et il paraît qu’un baiser ne pèse guère plus
que la fleur qu’on fait tomber
quand les lèvres insistantes se précipitent
jusqu’aux endroits gardés jalousement
par le lion et par la colombe.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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Assis un soir à la terrasse de la lune (Yang Wan-li)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Assis un soir à la terrasse de la lune

La chaleur ne quitte pas les jours déclinants
Mais les nuits sont désormais plus promptes à tomber
Aussi le vieil homme, depuis déjà quelques soirs,
S’est assis dehors jusqu’à la troisième veille.
Le vent bourrasque et fanfaronne
Les étoiles clignent leur respiration lumineuse
Les nuages se précipitent vers la lune épanouie
Elle les disperse ensuite dans l’encre du ciel.
Tu cours, haletant, vers la jouissance
Tu cours en vain
Mais lorsque tu renonces aux délices
Les voilà qui arrivent soudain.

(Yang Wan-li)

(1127-1206)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Vent d’automne (Liu Che)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Vent d’automne

Le vent d’automne se lève,
La course tranquille des nuages blancs se précipite.
Plantes et arbres jaunissent et se dépouillent.
Les oies sauvages rejoignent le sud.
L’orchidée garde sa beauté
Et le Chrysanthème son parfum
Je me languis de mon unique amour,
Impuissant à oublier.
Nous lançons le grand navire sur la rivière Fen
Il fend sans peine son courant,
S’agitant en vagues blanches.
L’écho des tubes et des tambours
Amplifie le chant des rameurs.
Au sommet de la joie, les pensées tristes me pointent
Jeunesse et force, comme vous passez vite !
Sans espoir possible, nous déclinons.

(Liu Che)

l’empereur Wu des Han (156-87)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Je ne sais pourquoi je pense à ce foulard mauve (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2022




Je ne sais pourquoi
je pense à ce foulard mauve que tu aimais porter à ton cou.
La mort oublie toujours quelque chose
— un objet, une image, un rien
dans quoi la vie se précipite et se maintient, immense.

(Christian Bobin)

Illustration: Pablo Picasso

 

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C’EST LE PAPILLON DE NUIT (Gerhard Frisch)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2022



Illustration: Ryszard Tyszkiewicz  
    
C’EST LE PAPILLON DE NUIT

C’est le papillon de nuit qui lance
son corps de dragon or vert contre l’abat-jour,
tenace et aveugle
il frappe

C’est le ruisseau du moulin qui achemine ses eaux
vers la calandre en bois
à travers les prés, c’est le vent dans le tilleul
devant la fenêtre qui commence à parler
comme l’eau entre les pierres, en aval.

C’est le bois qui se rapproche
tels les nuages de la montagne noire
et qui éteint les vers luisants
encore avant qu’il ne pleuve.

C’est le premier éclair qui dans la vallée
lance sa torche vers les granges.
Tout est aveugle et sauvage
et se précipite sur la terre.
Dans la tempête seul l’amour
n’écoute pas que lui-même.
aveuglément.
Seul l’amour.

(Gerhard Frisch)

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D’UN ACCOSTAGE (Gérard Noiret)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2021




D’UN ACCOSTAGE

L’escalier en hélice
Les écoliers s’y précipitent
En short, en jupe, en rires
Les jambes
Comme un variation ininterrompue
Un hymne à l’énergie

(Gérard Noiret)

Illustration

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CHEVAL BLEU (Dora Teitelboïm)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2019



Illustration: Marc Chagall
    
CHEVAL BLEU

Cheval bleu, cheval de feu
Plus vite, plus vite,
Plus loin et plus loin,
File encore, file
Au galop,
Franchis
Les jours tels des fleuves profonds,
Les nuits, ces abîmes, sans
Pourtant m’y précipiter.
Il est triste, il est décharné
Ton cavalier.
Traces perdues,
Les vents – rênes dénouées,
Les lampes au loin – éteintes,
Les épis de la vie, – battus,
Mon rêve – une étoile
Déjà brillée sur mes épaules,
Et la bouche aux paroles blanches –
Des dents brisées.
Cheval bleu, cheval de feu
Plus vite, plus vite,
Frappe de tes sabots les pierres,
Vole par la flamme et l’épée,
Dans la nuit, que tes étincelles
Allument les étoiles sur la terre.

(Dora Teitelboïm)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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