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Poésie

Posts Tagged ‘nid’

Retenir la parole (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024



Illustration: Chantal Dufour
    
Retenir la parole
une seconde avant la lèvre,
une seconde avant la voracité partagée,
une seconde avant le coeur de l’autre,
pour qu’il y ait au moins un oiseau
qui puisse se passer de nid.

D’air est le destin.
Les boussoles ne signalent qu’un de ses fils,
mais l’absence en exige d’autres
pour que les choses soient
leur destin d’air.

La parole est l’unique oiseau
qui puisse égaler son absence.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Illumination (Nadia Anjuman)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024




    
Illumination

Voici la nuit : la poésie illumine mes instants
Voici l’exaltation qui peigne mes cordes vocales
Quel est ce feu, merveille étrange, qui m’abreuve?
Voici que le parfum de l’âme embaume le corps de mes rêves

Je ne sais de quelle montagne, de quel sommet d’espoir
Voici que souffle une brise nouvelle sur la saison de ma fin
Du halo de lumière me vient une transparence, luminescence
Voici que n’ont plus d’autre désir mes larmes et mes soupirs

Les étincelles de mes plaintes font une poussière d’étoiles
Voici que la colombe de mes prières fait son nid dans l’empyrée
Mes larmes incontrôlées sur les lignes de mon livre
Voici qu’elles tombent, goutte à goutte, vois-tu ô mon Dieu

De mes paroles dans un cahier, de mes mots tumultueux
Voici que gronde une tourmente, fruit de mon silence obstiné
Aube, chère aube, ne déchire pas la soie imaginaire
Voici que je suis plus heureuse la nuit, quand la poésie illumine mes instants

(Nadia Anjuman)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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A MA MÈRE (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: Oskar Kokoschka
    
A MA MÈRE

J’ai la nostalgie du pain de ma mère,
Du café de ma mère,
Des caresses de ma mère…
Et l’enfance grandit en moi,
Jour après jour,
Et je chéris ma vie, car
Si je mourais,
J’aurais honte des larmes de ma mère !

Fais de moi, si je rentre un jour,
Une ombrelle pour tes paupières.
Recouvre mes os de cette herbe
Baptisée sous tes talons innocents.
Attache-moi
Avec une mèche de tes cheveux,
Un fil qui pend à l’ourlet de ta robe…
Et je serai, peut-être, un dieu,
Peut-être un dieu,
Si j’effleurais ton coeur !

Si je rentre, enfouis-moi,
Bûche, dans ton âtre.
Et suspends-moi,
Corde à linge, sur le toit de ta maison.
Je ne tiens pas debout
Sans ta prière du jour.
J’ai vieilli. Ramène les étoiles de l’enfance
Et je partagerai avec les petits des oiseaux,
Le chemin du retour…
Au nid de ton attente !

(Mahmoud Darwich)

 

Recueil: La terre nous est étroite
Traduction: Elias Sanbar
Editions: Gallimard

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LE MORT N° 18 (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: Thérèse Bisch
    
LE MORT N° 18

L’oliveraie était verte, autrefois.
Était… Et le ciel,
Une forêt bleue… Était, mon amour.
Qu’est-ce qui l’a ainsi changée ce soir ?

Ils ont stoppé le camion des ouvriers à un tournant.
Calmes,
Ils nous ont placé face à l’est… Calmes.

Mon coeur était un oiseau bleu, autrefois… Ô nid de mon amour.
Et tes mouchoirs étaient chez moi, blancs. Étaient, mon amour.
Qu’est-ce qui les a souillés ce soir ?
Je ne sais, mon amour !

Ils ont stoppé le camion des ouvriers au milieu du chemin.
Calmes,
Ils nous ont placés face à l’est… Calmes.

Je te donnerai tout.
L’ombre et la lumière,
L’anneau des noces et tout ce que tu désires,
Un jardin d’oliviers et de figuiers,
Et la nuit, je te rendrai visite, comme à l’accoutumée.
J’entrerai, en rêve, par la fenêtre… et je te lancerai une fleur de sambac.
Et ne m’en veux pas si j’ai quelque retard.
C’est qu’ils m’auront arrêté.

L’oliveraie était toujours verte.
Était, mon amour.
Cinquante victimes
L’ont changée en bassin rouge au couchant… Cinquante victimes,
Mon amour… Ne m’en veux pas…
Ils m’ont tué… Tué
Et tué…

(Mahmoud Darwich)

 

Recueil: La terre nous est étroite
Traduction: Elias Sanbar
Editions: Gallimard

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LA QUINTESSENCE HUMAINE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: William Blake
    
LA QUINTESSENCE HUMAINE

La Pitié n’existerait plus
Si nous n’avions pas créé le pauvre ;
Et la Compassion ne pourrait plus être
Si tous étaient aussi heureux que nous.

Et la crainte réciproque amène la Paix
Jusqu’à ce que grandissent les amours égoïstes.
Alors la Cruauté tend un piège
Et dispose ses appâts avec soin.

Elle s’assoit avec crainte, pieusement,
Et inonde le sol de pleurs ;
Puis l’Humilité prend racine
Sous son pied.

Bientôt s’étend l’ombre lugubre
Du Mystère sur sa tête
Et la chenille et la mouche
Se nourrissent du Mystère.

Il porte les fruits de la Ruse
Vermeils et doux à manger
Et le corbeau a fait son nid
Dans le plus épais de son ombre.

Les dieux de la terre et de la mer
Ont fouillé l’univers pour découvrir cet arbre,
Mais leurs recherches furent toujours vaines
Car il croît dans le Cerveau humain.

***

The Human Abstract (1794)

Pity would be no more
If we did not make somebody poor;
And Mercy no more could be
If all were as happy as we.

And mutual fear brings peace,
Till the selfish loves increase;
Then Cruelty knits a snare,
And spreads his baits with care.

He sits down with holy fears,
And waters the ground with tears;
Then Humility takes its root
Underneath his foot.

Soon spreads the dismal shade
Of Mystery over his head;
And the caterpillar and fly
Feed on the Mystery.

And it bears the fruit of Deceit,
Ruddy and sweet to eat;
And the raven his nest has made
In its thickest shade.

The Gods of the earth and sea
Sought thro’ Nature to find this tree;
But their search was all in vain:
There grows one in the Human brain.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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NOCTURNE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024



Illustration: William Blake
    
NOCTURNE

Le soleil descend â l’Ouest,
L’étoile du soir brille,
Les oiseaux font silence en leur nid
Et moi aussi je cherche mon gîte.
La lune, comme une fleur
Dans le grand buisson du ciel,
Se dresse au-dessus de la nuit
Et sourit, dans une silencieuse extase.

Adieu vertes prairies, adieu joyeux bosquets
Où les troupeaux ont folâtré,
Où les agneaux broutaient.
Les pieds des anges brillants glissent sans bruit,
Invisibles ils répandent sans cesse
Bienfaits et joie
Sur chaque bouton, sur chaque fleur
Dans chaque poitrine endormie.

Ils se penchent sur chaque nid sans souci
Où les oiseaux sont chaudement pelotonnés
Et visitent les tanières des bêtes
Pour toutes les préserver du mal.
S’ils découvrent quelque souffrance
Qui aurait dû être engourdie,
Ils versent le sommeil sur cette tête
Et s’assoient près de cette couche.

Quand les loups et les tigres hurlent de faim,
Ils sont pleins de pitié et pleurent,
Cherchant à éloigner cet ardent désir
Et à les écarter des brebis.
Mais s’ils bondissent, terribles,
Les anges attentifs
Accueillent les douces victimes
Pour leur ouvrir de nouveaux mondes.

C’est là que verseront des larmes d’or
Les yeux vermeils du lion
Qui aura pitié des faibles plaintes
Et tournera autour du troupeau
Et dira : « Sa douceur chasse la colère
Et sa santé
Chasse la maladie
De notre immortelle lumière. »

Et près de toi, bêlant agneau,
Je peux m’étendre et dormir
Ou penser à Celui qui porta ton nom
Et paître avec toi et pleurer.
Car, purifiée dans la rivière de vie
Ma crinière à jamais éblouissante
Resplendira comme l’or,
Pendant que je veillerai sur le troupeau.

***

Night

The sun descending in the west,
The evening star does shine;
The birds are silent in their nest.
And I must seek for mine.
The moon, like a flower
In heaven’s high bower,
With silent delight
Sits and smiles on the night.

Farewell, green fields and happy grove,
Where flocks have took delight:
Where lambs have nibbled, silent move
The feet of angels bright;
Unseen they pour blessing
And joy without ceasing
On each bud and blossom,
And each sleeping bosom.

They look in every thoughtless nest
Where birds are cover’d warm;
They visit caves of every beast,
To keep them all from harm:
If they see any weeping
That should have been sleeping,
They pour sleep on their head,
And sit down by their bed.

When wolves and tigers howl for prey,
They pitying stand and weep,
Seeking to drive their thirst away
And keep them from the sheep.
But, if they rush dreadful,
The angels, most heedful,
Receive each mild spirit,
New worlds to inherit.

And there the lion’s ruddy eyes
Shall flow with tears of gold:
And pitying the tender cries,
And walking round the fold:
Saying,  Wrath, by His meekness,
And, by His health, sickness,
Are driven away
From our immortal day.

And now beside thee, bleating lamb,
I can lie down and sleep,
Or think on Him who bore thy name,
Graze after thee, and weep.
For, wash’d in life’s river,
My bright mane for ever
Shall shine like the gold
As I guard o’er the fold.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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LE PRÉ DES SONS (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024



Illustration: William Blake
    

LE PRÉ DES SONS

Le soleil se lève
Et tout le ciel est heureux.
Salué par les cloches joyeuses,
Le printemps s’approche ;
L’alouette et la grive
Et tous les oiseaux des buissons
Font une ronde de leur chant
Autour du carillon de joie,
Et le pré de nos jeux
Sera le pré des sons.

Jean le vieil homme aux cheveux blancs,
Rit et chasse les soucis
Sous un chêne,
Et tous les grands-parents
Ils rient, ils rient,
Disent et disent :
Même joie de notre temps,
Même joie en ce jeune temps
Où nous étions garçons et filles
Dans le pré des sons.

Puis voici les petits si las.
Que leur joie est tombée
Comme le soleil
Et nos jeux sont finis.
Sur les genoux des mères,
Les enfants, les petits enfants,
Comme des oiseaux dans un nid,
Vont s’endormir.
Et des jeux, on n’en verra plus
Sur le pré des ombres.

***

The Ecchoing Green

The sun does arise,
And make happy the skies.
The merry bells ring
To welcome the Spring.
The sky-lark and thrush,
The birds of the bush,
Sing louder around,
To the bells’ cheerful sound.
While our sports shall be seen
On the Ecchoing Green.

Old John, with white hair
Does laugh away care,
Sitting under the oak,
Among the old folk,
They laugh at our play,
And soon they all say.
Such, such were the joys.
When we all girls & boys,
In our youth-time were seen,
On the Ecchoing Green.

Till the little ones weary
No more can be merry
The sun does descend,
And our sports have an end:
Round the laps of their mothers,
Many sisters and brothers,
Like birds in their nest,
Are ready for rest;
And sport no more seen,
On the darkening Green.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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Aujourd’hui je n’ai rien fait (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



Aujourd’hui je n’ai rien fait.
Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.

Des oiseaux qui n’existent pas
ont trouvé leur nid.

Des ombres qui peut-être existent
ont rencontré leurs corps.

Des paroles qui existent
ont recouvré leur silence.

Ne rien faire
sauve parfois l’équilibre du monde,
en obtenant que quelque chose aussi pèse
sur le plateau vide de la balance.

(Roberto Juarroz)


Illustration: Anne-François-Louis Janmot

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J’ai toujours su que quelque chose manquait à la vie (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2024




Illustration
    
J’ai toujours su que quelque chose manquait à la vie.

J’ai adoré ce manque.
Le printemps rouge des hortensias,
le livre bleu des neiges,
le miracle de l’arc-en-ciel,
les chansons en or de quatre sous,
j’accepte que tout disparaisse
puisque tout reviendra.
J’accepte de tout perdre et que,
dans le temps passager de cette perte,
le nid d’hirondelle qua j’ai dans la poitrine
soit vide, vide, vide,
féériquement vide et appelant.

(Christian Bobin)

Recueil: Un bruit de balançoire
Editions: L’Iconoclaste

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JOURNEES SANS PAREILLES (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2024




    
JOURNEES SANS PAREILLES

Au long des hivers innombrables
Je revois les jours de solstice.
Ils étaient tous inimitables
Et s’imitaient à l’infini.

Leur longue chaîne jusqu’au bout
Maille après maille s’est formée
De tous ces jours sans pareils, où
Le temps nous semblait arrêté.

Je vois comme si c’était hier :
Les toits et les chemins ruissellent,
Bientôt le milieu de l’hiver,
Sur un glaçon dort le soleil.

Plus ardemment, tout comme en rêve,
Se cherchent les bras des amants,
Et dans les arbres, sur les faîtes,
Suintent les nids fiévreusement.

Et, paresseuses, les aiguilles
Somnolent le long du cadran.
Le jour s’étire en décennies,
L’étreinte dure infiniment.

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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