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Poésie

Posts Tagged ‘invisible’

À UNE MYOPE (Nathalie Clifford Barney)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2023




    
À UNE MYOPE

J’aime tes yeux d’aveugles agrandis par les rêves,
Tes yeux hantés de nuit, ne voyant que trop tard
Toute chose, et de près tes cils quand tu les lèves;
Et je voudrais frôler de ma bouche sans fard

Tes yeux purs comme une onde où malgré toi persiste
La sirène : je veux aspirer ton regard
Mais puisque pour tes yeux l’irréel seul existe,

Sans cesse contemplant d’invisibles beautés,
Trop frêle pour la vie, et pour l’amour trop triste,
Tu passes sans les voir tous deux à tes côtés.

(Nathalie Clifford Barney)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Les parfums (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2023



Illustration: Maureen Wingrove alias Diglee
    
Les parfums

Mon coeur est un palais plein de parfums flottants
Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire,
Et le brusque réveil de leurs bouquets latents
– Sachets glissés au coin de la profonde armoire –

Soulève le linceul de mes plaisirs défunts
Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes…
Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums,
Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes !

Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons,
Odeur du premier feu dans les chambres humides,
Arômes épandus dans les vieilles maisons
Et pâmés au velours des tentures rigides ;

Apaisante saveur qui s’échappe du four,
Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures,
Souvenir effacé de notre jeune amour
Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ;

Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal,
Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie,
Arôme jubilant de l’azur matinal,
Parfums exaspérés de la terre amollie ;

Souffle des mers chargés de varech et de sel,
Tiède enveloppement de la grange bondée,
Torpeur claustrale éparse aux pages du missel,
Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ;

Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers,
Enivrante fraîcheur qui coule des lessives,
Baumes vivifiants aux parfums familiers,
Vapeur du thé qui chante en montant aux solives !

– J’ai dans mon coeur un parc où s’égarent mes maux,
Des vases transparents où le lilas se fane,
Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux,
Des flacons de poison et d’essence profane.

Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement
En un coin retiré sur des nattes de paille,
Et l’arôme subtil de leur avortement
Se dégage au travers d’une invisible entaille…

– Et mon fixe regard qui veille dans la nuit
Sait un caveau secret que la myrrhe parfume,
Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit,
Est un amas de cendre encor chaude qui fume.

– Je vais buvant l’haleine et les fluidités
Des odorants frissons que le vent éparpille,
Et j’ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés,
Un vase d’Orient où brûle une pastille.

(Anna de Noailles)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Derrière la peau de pierre (Bernard Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2023




    
Derrière la peau de pierre
on a une pensée pour l’invisible
et comme un coin
on l’enfonce dans le présent.

(Bernard Noël)

Recueil: Le reste du voyage et autres poèmes

Editions: Points

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Quand nous fûmes face à face (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
Quand nous fûmes
face à face et que
tes yeux plongèrent
dans les miens
j’eus l’impression
que des fils invisibles
partaient de tes yeux
pour s’enfoncer
dans les miens et
lier nos deux coeurs
ensemble

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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LA VUE, LE TOUCHER (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2023




LA VUE, LE TOUCHER

La lumière soutient – impondérables, réels –
la colline blanche et les rouvres noirs,
le sentier qui avance,
l’arbre qui ne bouge;

la lumière naissante cherche son chemin,
fleuve titubant qui dessine
ses doutes et les mue en certitudes,
fleuve de l’aube sur des paupières closes;

la lumière sculpte le vent sur le rideau,
fait de chaque heure un corps vivant,
entre dans la chambre et glisse lentement,
pieds nus, sur le fil du couteau;

la lumière naît femme dans un miroir,
nue sous des feuillages diaphanes :
un regard l’enchaîne,
un cillement la dissipe;

la lumière palpe les fruits, palpe l’invisible,
jarre où les yeux boivent des clartés,
flamme coupée en fleur, flamme qui ne sommeille
où le papillon brûle ses ailes noires;

la lumière ouvre les plis du drap,
les replis de la pubescence,
flambe dans la cheminée, ses flammes sont des ombres,
grimpent au mur, lierre du désir;

la lumière n’absout pas, ne condamne pas,
elle ignore justice et injustice,
la lumière dresse de ses mains invisibles
les édifices de la symétrie;

la lumière s’échappe dans un couloir de reflets
et retourne à elle-même :
c’est une main qui s’invente,
un oeil qui se surprend à inventer.

La lumière est temps qui se pense.

(Octavio Paz)

Illustration: Giovanni Bellini

 

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Le Chemin (Patrick Bertrand)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2023




Illustration: Serge Ceccarelli
    
Le Chemin

Il voit au-delà de notre âme
Le revers des mystères,
Est à vif jusqu’en son sommeil,
Se presse tranquillement solitaire.
En équilibre, son corps chaloupe
Sur la corde d’un chemin tendu.
Le chat parle une langue millénaire
Jauge, fixe, les yeux mi-clos,
Les fentes et les blessures
De nos plus vieilles lunes.
Il marche lentement son silence,
Mais connaît toutes les distances.
Il voit l’invisible
Et apprivoise celui qu’il a choisi.
Il prend la vie à pleines griffes
Et s’en va, impassible sage,
Se cacher pour mourir.

(Patrick Bertrand)

 

Recueil: Silence la queue du chat balance
Traduction:
Editions: Actes Sud

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L’inconnu est percé de maintes portes (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2023



Illustration: Josephine Wall
    
L’inconnu est percé de maintes portes
mais toutes nous sont invisibles.

(Jean Rousselot)

 

Recueil: Minimes
Traduction:
Editions: Les Deux-Siciles

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Arbre (Bernard Perroy)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2023



Illustration: Rachid Koraïchi
    
Arbre,

Apprends-moi les
richesses du ciel
comme ces fruits
suspendus à ton corps,

éclos des pluies
et du soleil,

échos de noces invisibles
entre l’azur
et l’obscur de la terre…

(Bernard Perroy)

 

Recueil: Une gorgée d’azur
Traduction:
Editions: Al Manar

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Rêves déchus fleurs coupées (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2023



Illustration
    
Rêves déchus fleurs coupées
langue morte dans le deuil des chambres

plus d’incendie de gares départs fougueux
plus d’après

dans notre dos l’invisible grignote
sans trace d’infini

à peine un bruit de pas enfoncés dans le sable
en sourdine une mélodie
vestige des notes d’avant

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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Créatrice (Badawi al-Jabal)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2023



Illustration: Freydoon Rassouli
    
Créatrice
(extrait)

Tes grâces j’en ai mille et elles sont variées,
chacune est un monde de Lumière.
Sur les deux ailes de la puissance et de la passion,
tu m’as élevé vers un monde magique — vision de tes yeux.

Je leurre le sommeil par compassion
pour un rêve ivre et bienveillant
sur de minces lèvres brunes.

Ton chuchotement plein de douceur est un murmure
que porte le zéphyr rôdant parmi les fleurs.

Ton apparition a visité mes pupilles
et les a parfumées,
combien gracieuses et parfumées
sont ces apparitions !

Dans mon cœur j’ai savouré ta voix,
vin vieux non distillé
et Lumière invisible.

Tu m’as créé du Désir
assoiffé de folies
et de pondération.

J’ai loué l’exaltante apparition
afin de lui rendre gloire,
qu’elle soit Dieu ou beauté.

Ô Étoile qui tantôt se dissimule
et qui tantôt se dévoile à moi
sous les catégories du défini
et de l’indéfini.

Tu as abandonné ta soeur l’Aurore,
le Soleil du matin a ouvert l’oeil
sur la lamentation de la délaissée.
Dans le ciel, sur le bleu humide,
je vois des sillages par Toi tracés.

J’ai des trésors de compassion intarissables,
je les ai mis à disposition de l’opprimé et du persécuté.
Je prodigue avec l’humilité d’un indigent,
hélas ! mendiant rejeté qui répand la grâce.

Mes Pierres précieuses, lasses,
sommeillent dans un flot de senteurs
après avoir voyagé à l’aube et en plein soleil.

Elles ont erré loin du Cou bienheureux
mais vers Sa splendeur
la nostalgie de la Lumière pour la Lumière
les a guidées.

(Badawi al-Jabal)

***

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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