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Poésie

Posts Tagged ‘jungle’

JUNGLE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: Velasquez
    
JUNGLE

Matin et toutes choses au monde
posées
à la distance idéale du duel.
On a choisi les armes,
toujours les mêmes,
tes besoins, mes besoins.
Celui qui devait compter un, deux, trois, feu
était en retard,
en attendant qu’il vienne
assis sur le même bonjour
nous avons regardé la nature.

La campagne en pleine puberté,
la verdure se dévergondait.
Loin des villes Juin poussait des cris
de sauvagerie triomphante.
Il sautait s’accrochant
de branche d’arbre et de sensations
en branche d’arbre et de sensations,
Tarzan de court métrage
pourchassant des fauves invisibles
dans la petite jungle d’une histoire.
La forêt promettait des oiseaux
et des serpents.

Abondance venimeuse de contraires.
La lumière tombait catapulte
sur tout ce qui n’était pas lumière,
et la splendeur érotomane dans sa fureur
embrassait même ce qui n’était pas l’amour,
et jusqu’à ton air morose.

Dans la petite église personne
a part son nom pompeux, Libératrice.
Un Christ affairé comptait
avec une passion d’avare
ses richesses :
clous et épines.
Normal qu’il n’ait pas entendu
les coups de feu.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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La lumière creuse les masques sans un cri (Frankétienne)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2024




    
La lumière creuse les masques sans un cri.
Douleur plus durable que le feu,
ma discordante déchirante.

La nuit s’infléchit vers les blessures
qui saignent entre la muraille à effacer
et le regard à supprimer.

Des chrysalides bougent lentement sur un chemin boiteux
raturant les nourritures archaïques
sous les chuchotements imperceptibles d’une aube lointaine.

Gardons l’oeil en éveil
à travers le balbutiement des lucioles de solitude.
Vivre/survivre dans la jungle à la terreur des chimères.

Faute de lumière, apprenons à mûrir
en suçant le miel occulte des ténèbres.
Les feux du désir peu à peu mangent la nuit.

(Frankétienne)

Recueil: Anthologie secrète
Editions: Mémoire d’encrier

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La Frontière (Bernard Lavilliers)

Posted by arbrealettres sur 12 mars 2023



    

La Frontière

Allongé sur le sable on dirait qu’il dort
Il est beau et très calme dans le froid qui mord
C’est un guerrier nomade, un homme du désert
Qui est couché dans le sable les yeux grands ouverts

Jusqu’où vont les nomades plus loin que la mort
Dans le chant des étoiles y’a le mirador
A quoi rêvent les nomades sous le ciel ouvert
A des pur-sang arabes écumant la mer.

Reste dans ton rêve, c’est peut-être mieux
Mais le jour se lève et en plein milieu
Il y a la frontière.

La violence est silence,
Silence est désert
Sentinelles de sable tournés vers la mer
Tirez sur tout ce qui bouge, même sur la poussière
Tirez sur le soleil rouge qui meurt dans la mer.

Qui partage les pierres, les jungles et le sable
Qui a mis l’univers à plat sur la table
Qui a peur de son ombre et qui fait la guerre
Mais déjà le vent efface ton nom sur la pierre.
Couché sur le sable, on dirait qu’il dort
Mais pour un nomade, c’est après la mort
Qu’y a plus de frontière.

Où est la frontière?
Où est la frontière?
Pour qui la frontière?
C’est loin la frontière?
Pourquoi la frontière?
C’est loin la frontière?
Où est la frontière?

(Bernard Lavilliers)

Recueil: Frontières Petit atlas poétique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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L’hippopotame (Théophile Gautier)

Posted by arbrealettres sur 13 novembre 2021



 

L’hippopotame

L’hippopotame au large ventre
Habite aux Jungles de Java,
Où grondent, au fond de chaque antre,
Plus de monstres qu’on n’en rêva.

Le boa se déroule et siffle,
Le tigre fait son hurlement,
Le buffle en colère renifle ;
Lui, dort ou pait tranquillement.

Il ne craint ni kriss ni zagaies,
Il regarde l’homme sans fuir,
Et rit des balles des cipayes
Qui rebondissent sur son cuir.

Je suis comme l’hippopotame :
De ma conviction couvert,
Forte armure que rien n’entame,
Je vais sans peur par le désert.

(Théophile Gautier)

 

 

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Dans la jungle (Jean-Luc Moreau)

Posted by arbrealettres sur 26 juillet 2021



Dans la jungle, un jour, s’aventure
Un curé. Le tigre survient.
« Prions », se dit l’abbé.
« Seigneur,je t’en conjure,
Fais que ce tigre soit chrétien. »

Comment le Très-Haut se débrouille,
La chronique n’en parle pas.

Le fauve en tout cas s’agenouille :
« Seigneur », dit-il,
« bénissez ce repas. »

(Jean-Luc Moreau)

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Si dure, si forte, si froide (Langston Hughes)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2020



Tous les tam-tams de la jungle battent dans mon sang
Toutes les lunes farouches et ardentes de la jungle
brillent au fond de mon âme.
J’ai peur de cette civilisation,
Si dure,
Si forte,
Si froide.

(Langston Hughes)


Illustration: Charlie Chaplin

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POEME (Langston Hughes)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2020



 

Halina Menaï Bleus -

POEME
Pour le portrait d’un jeune Africain
à la manière de Gauguin.

Tous les tam-tams de la jungle battent dans mon sang,
Toutes les lunes farouches et ardentes de la jungle brillent
au fond de mon âme.
J’ai peur de cette civilisation,
si dure,
si forte,
si froide.

***

POEM
For the portrait of an African boy
after the manner of Gauguin

All the tom-toms of the jungles beat in my blood,
And all the wild hot moons of the jungles shine in my soul.
I am afraid of this civilization—
So hard,
So strong,
So cold.

(Langston Hughes)

Illustration: Halina Menaï

 

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L’ATTENTE (Mihai Beniuc)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2020



Illustration: Tamara Lunginovic
    
L’ATTENTE

Des attentes sans nombre
Parcourent les jungles du coeur.
Les unes hurlent comme les loups.
Qu’elle arrive une bonne fois, elle,
La femme, colonne en marbre de la lune,
Dansant sur des alpages ensoleillés;
D’autres guettent aux alentours de ponts
Pour vous attirer dans le gouffre;
D’autres dorment, ours dans leur tanière
Ou serpents engourdis
Par les brumes de l’automne;
Les unes croisent votre sentier,
Lapins effrayés,
Et courent, courent à travers champs.
Mais il y a une grande attente
Qui ressemble à l’ombre.
Elle est tantôt devant, tantôt derrière,
Elle se roule à vos pieds,
Elle s’apprête à vous saisir la nuque,
Elle s’arrête, vous abandonne
Puis se remet à vous pister.
Parfois vous l’oubliez, elle commence alors
A suinter doucement sur votre cerveau
Sa pluie froide.
Vous vous secouez, elle s’enfuit.
Une fois,
Quand vous ne serez pas sur vos gardes,
Elle jettera sur vous ses filets
Où se brisent désespérées
Toutes les flèches de la lumière.

(Mihai Beniuc)

 

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NE CROIS PAS… (Itzhak-Leibush Peretz)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2019



Illustration: Bernard Buffet
    
NE CROIS PAS…

Ne crois pas le monde une auberge – créée
Pour se frayer chemin par la griffe et le poing
Vers la table où l’on boit et l’on bâfre, tandis
Que regardent de loin les autres, les yeux glauques,
Défaillant, ravalant leur salive, serrant
Leur estomac que les crampes secouent,
Ô ne crois pas le monde une auberge!

Ne crois pas le monde une Bourse – créée
Afin que le puissant marchande avec le faible
Pour acheter leur déshonneur aux filles pauvres
Et aux femmes leur lait nourricier, aux hommes
La moelle de leurs os, leur sourire aux enfants,
Rare apparition des visages de cire,
Ô ne crois pas le monde une Bourse!

Ne crois pas le monde une jungle – créée
Pour les loups, les renards, rapine et duperie,
Le ciel – rideau tiré pour que Dieu ne voie rien,
La brume – afin qu’au mur nul regard ne te fixe,
Le vent – pour étouffer les plus farouches cris,
La terre pour lécher le sang des innocents,
Ô ne crois pas le monde une jungle!

Non, le monde n’est point auberge, Bourse ou jungle
Car tout y est pesé, tout y est mesuré,
Nulle goutte de sang et nul pleur ne s’effacent
Nulle étincelle en aucun oeil ne meurt en vain,
Les pleurs deviennent fleuve et le fleuve une mer
Et déluge la mer, l’étincelle tonnerre,
Ô ne crois pas qu’il n’est Juge ni Jugement!

***

MEYN NISHT

Meyn nisht di welt iz a kretshme – bashafn
Makhn a weg mit foystn un negl
Tsum shenk-pass un fresn un zoyfn, wen andere
Kukn fun weitn mit glezerne oygn
Farkhalesht, un shlingen dos shpayertz un tsyen
Tsuzamen dem mogn, wos warft zikh in krempfn ! –
O, meyn nisht di welt iz a krethsme !

Meyn nisht di welt iz a berze – bashafn
Der shtarker zol handlen mit mide un shwakhe,
Zol koyfn bey oreme meydlakh di bushe
Bey froyen di milkh fun di bristn, bey mener
Dem markh di beyner, bey kinder dem shmeikhl,
Dem zeltenem gast oyfn waksenem ponim –
O, meyn nisht di welt iz a berze !

Meyn nisht di welt iz a hefker – bashafn
Far welf un far fuksn, far royb un far shwindl;
Der himl – a forhang, az Got zol nisht zehn;
Der nebl – men zol oyf di hent nisht kukn;
Der wint – tsu farshtikn di wilde geschreyen;
Di erd iz tsu zapn dos blut kun korbones,
O, meyn nisht di welt iz a hefker !

Di welt iz keyn kretshme, keyn berze, keyn hefker !
Gemostn wert alles, gewoygn wert alles !
Keyn trer un keyn blutiker trop fargeyen,
Umzist wert keyn funk in keyn oyg nisht farloshn!
Fun trern wern teikhn, fun teikhn wert yamen,
Fun yamen a mabl, fun funken a duner –
O meyn nisht les din weles dayan !

***

(Itzhak-Leibush Peretz)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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LES ZOOLOGIES (Robert Sabatier)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2018


 


 

Igor Morski -9 [1280x768]

LES ZOOLOGIES

Un poisson nage au fond de ma poitrine,
Un oiseau plane au creux de mon cerveau.
Je me soumets à leurs libres critiques :
Ils ont la grâce éclatante des mots
Venus tout droit de leurs zoologies.

Ce manuscrit, qu’en dirait le coyote,
Et ce roman, plairait-il au lézard ?
Cette musique, est-ce toi qui la portes
Ou l’hirondelle ou le sage cafard ?
Et si mon corps n’était que faune et flore !

Jamais genette ici ne put survivre.
Les animaux fiancés à la mort,
En s’enfermant dans leurs prisons de cuivre
Ont fait chanter mon âme un peu plus fort.
Je les aimais du fond de mes élytres.

Zèbre ici-bas de pampas se contente
Et zèbre ailleurs marche au fond de la mer.
Un rouge-gorge est un bijou qui chante,
Une prunelle un oiseau toujours vert
Et chaque lèvre un frisson d’eau dormante.

Ils sont tous là : aigles, poissons, virgules
Et double V, redoutable animal.
Tout leur cortège en ma phrase circule,
Un cri s’élève : amour est le fanal,
Je suis gardé par ses tendres globules.

Il n’est qu’ara pour parler de contrainte,
Il n’est que lièvre à dévorer le vent.
Je me soumets, animaux, à vos plaintes.
Toute douleur est préface du chant,
Vivez en moi, frères venus des limbes.

Imprimez-vous en ma peau, lettres vives,
Et gardez-moi d’oublier vos pelages.
Qu’un livre soit le jumeau, le sosie
Des animaux échappant à nos cages.
Un tigre d’or circule dans mes phrases,
La coccinelle est au bout de ma ligne,
Tout livre est jungle où la parole est libre.

(Robert Sabatier)

Illustration: Igor Morski

 

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