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Posts Tagged ‘mordre’

QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2024



Illustration: OTSUKIMI: Fête de la pleine lune! 
    
QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES

Quoi que tu écrives, tu n’exprimeras point le sens,
car au commencement n’était pas le verbe
mais la joie des corps.

Ensuite est venue la saison de la douce faim.

L’horizon a blanchi et les oiseaux ont attaqué les blés.
Les petits fauves des mots que nous nous lancions
mordaient, de plus en plus acharnés,
notre avenir commun et j’ai compris
que seuls mes sens articulaient
toutes les nuances du bleu
dont ton langage est imprégné.
C’est alors que je t’ai perdu
à la fin d’un poème.

À présent, le silence dans le coeur,
je regarde le ventre lisse de la lune d’août
frémir dans la tasse en porcelaine,
mais tu ne peux pénétrer dans ce paysage
car au-dessus des épaules
tu es un véritable hiver.

Aussi je reste dans ma réalité:
je te rends les mots
je garder ma joie.

(Aksinia Mihaylova)

Recueil: Ciel à perdre
Editions: Gallimard

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PARTIR ! (Pascal Bonetti)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




PARTIR !

Oh ! la joie
De vivre, d’être fort, d’être jeune et d’avoir
L’inapaisé désir de toute humaine proie !

Oh ! la joie
De tout aimer, de tout vouloir et de savoir
Que l’on va mordre à tous les fruits qui sont sur terre
Et saisir d’une main avide et volontaire
Tout ce qui fait le clair trésor du jour qui fuit :
La fragile beauté des fleurs, la fugitive
Caresse tour à tour du bon soleil qui luit
Et de l’ombre qui rêve, entre ses rais captive,
L’ivresse de courir, de bondir, de lutter,
De courber un cheval, de larguer une voile,
De se lancer sur une route, la fierté
De chevaucher un peu de métal et de toile
Dans la nue, et enfin la triple royauté
De l’amour, de l’étreinte et de la volupté !

Oh ! la joie
De regarder la vie avec des yeux d’amant
Qui sait devoir trouver la lumineuse voie
Du bonheur !

Oh ! la joie, oh ! l’émerveillement
D’être ainsi jeune, fort, absolu, téméraire
Et de penser qu’on va, demain, courir la terre,
Qu’on va partir ! Partir ! Ô destin sans pareil
Qui doit nous rapprocher chaque jour du soleil !
Destin qui fut celui de Jason et d’Hercule,
Celui d’Ulysse et de Moïse et de César,
Celui des conquérants qui domptent le hasard
Et des chercheurs par qui l’ignorance recule !

Partir ! Sublime sort des Colomb, des Gama
Et de tous ceux qu’un rêve auguste consuma :
Croisés qui s’en allaient soumettre l’infidèle,
Soldats qui traversaient les mers pour apporter
L’aide de leur jeunesse aux jeunes libertés,
Prêtres, porteurs de dieux, poètes, faiseurs d’ailes…

(Pascal Bonetti)

Illustration: Vladimir Kush

 

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RIEN QUE (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024



Illustration: Lucie Llong
    
RIEN QUE

Rien que le goût d’habiter nus
dans la maison légère de l’odeur

Rien que deux folies au secret
faisant crier la douceur de la greffe

Rien que ce goût de sel aux bouches
deux chairs cognées par un seul bruit de coeur

Rien que mordre à l’un mordre à l’autre
forts de l’instant qui va jusqu’à nos pieds

Rien que boire à l’un boire à l’autre
l’ombre est dedans on y ferme les yeux

Respirer rien que respirer
en voyageant par le calme du lit

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

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Pomme ronde… (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2024




    
Pomme ronde…

Pomme ronde, poire, banane
et groseille… Tout cela parle
de vie, de mort dans la bouche. Je sens…
Lisez plutôt sur le visage de l’enfant

lorsqu’il mord dans ces fruits. Oui, ceci vient de loin.
Sentez-vous l’ineffable dans votre bouche ?
Là où étaient des mots coulent des découvertes,
comme affranchies soudain de la pulpe du fruit.

Osez dire ce que vous nommez pomme.
Cette douceur qui d’abord se concentre,
puis, tandis qu’on l’éprouve, doucement érigée,

se fait clarté, lumière, transparence.
Son sens est double : terre et soleil.
Expérience, toucher : ô joie immense !

(Rainer Maria Rilke)

Recueil: Sonnets à Orphée
Editions:

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C’est très loin sous la mer (Brigitte Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024




    
C’est très loin sous la mer
l’amour est au milieu
vous étiez en enfer
vous revenez heureux

Dans la ville engloutie
vous faites les cent pas
et le sang cramoisi
coule sur le sang froid

Les blessures du coeur
s’évadent dans les rues
votre amour de couleur
vous soigne droit au but

Il vous panse avec l’or
la fourrure et les fleurs
le fruit confit vous mord
d’un baiser de bonheur

(Brigitte Fontaine)

Recueil: FATRASIE
Editions: LE TRIPODE

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Та figure douce… (Francis Jammes)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



Illustration
    
Та figure douce…

Та figure douce souffrirait.
Tes larmes que j’ai avalées,
petite amie, étaient salées
comme une herbe de marée.

Elles m’ont mordu la langue…
Tu t’en allais tristement
prendre l’omnibus lourd et lent,
en pleurant que je m’en aille;

et ta bouche sur ma bouche,
ta tête faisait des sauts,
et tu étais douce
en pleurant doucement…

II y a là sur la fenêtre
des liserons bleus où il a plu.
Ils bougent comme un baiser sur
ta fine et douce tête.

Tu ne m’as pas ennuyé.
Les autres m’ont ennuyé.
Mon coeur triste est ennuyé
comme un ange ennuyé.

Les mouches volent aux vitres
pendant que je pense à toi.
Tout est triste comme moi.
Tout est triste.

(Francis Jammes)

 

Recueil: De l’Angelus de l’aube à l’Angelus du soir
Traduction:
Editions: Gallimard

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Chantiers de la poésie (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 1 décembre 2023



Chantiers de la poésie

Nous remontons les rigoles du temps
Pour capter l’insigne reflet

Nous explorons chaque motte
Chaque caverne
Pour dépister l’empreinte

Nous mordons les fruits
Jusqu’au noyau
Nous soutirons de chaque pousse
Le grain nu

Nous sondons le vide et l’onde
En quête du sens perdu

De ces replis et sédiments
Nous dérobons quelques lueurs
D’une clarté qui se dérobe
Et transmettons quelques vocables
A vivre
Et à mourir.

(Andrée Chedid)

 

 

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Solitude (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2023




    
Solitude

Les portes saignent qui nous séparent
Les heures sont des piliers de cendre
Le froid mord entre les chemins
Où tu n’es pas

Les ailes ont pris le poids des tombes
Pour se noyer avec mes mots
Dans les marais d’ennui

Je suis l’aride servante
De ce retour
Qui ne sera pas.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Quand je vois tes belles cuisses blanches et fermes (Florentine Rey)

Posted by arbrealettres sur 23 août 2023




    
Quand je vois tes belles cuisses blanches et fermes
j’ai envie de mordre dedans

Il paraît que la chair humaine a le goût du poulet

Viens, je te paie les frites pour aller avec

(Florentine Rey)

Recueil: L’ANNÉE-DU-PIED-DE-BICHE
Editions: Le Castor Astral

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Complainte à sa dame (Théodore Agrippa d’Aubigné)

Posted by arbrealettres sur 13 août 2023




    
Complainte à sa dame
Stances

Ne lisez pas ces vers, si mieux vous n’aimez lire
Les écrits de mon coeur, les feux de mon martyre :
Non, ne les lisez pas, mais regardez aux Cieux,
Voyez comme ils ont joint leurs larmes à mes larmes,
Oyez comme les vents pour moi lèvent les armes,
À ce sacré papier ne refusez vos yeux.

Boute feux dont l’ardeur incessamment me tue,
Plus n’est ma triste voix digne y être entendue :
Amours, venez crier de vos piteuses voix
Ô amours éperdus, causes de ma folie,
Ô enfants insensés, prodigues de ma vie,
Tordez vos petits bras, mordez vos petits doigts.

Vous accusez mon feu, vous en êtes l’amorce,
Vous m’accusez d’effort, et je n’ai point de force,
Vous vous plaignez de moi, et de vous je me plains,
Vous accusez la main, et le coeur lui commande,
L’amour plus grand au coeur; et vous encor plus grande,
Commandez à l’amour; et au coeur et aux mains.

Mon péché fia la cause, et non pas l’entreprendre ;
Vaincu, j’ai voulu vaincre, et pris j’ai voulu prendre.
Telle fut la fureur de Scevole Romain :
Il mit la main au feu qui faillit à l’ouvrage,
Brave en son désespoir; et plus brave en sa rage,
Brûlait bien plus son coeur qu’il ne brûlait sa main.

(Théodore Agrippa d’Aubigné)

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