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Poésie

Posts Tagged ‘souffrir’

J’aime te voir souffrir (Jane Catulle-Mendès)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2023



Illustration: Rolf Armstrong
    
J’aime te voir souffrir. Je suis douce pourtant.
Mais j’aime, sur ton front, la douleur qui ravage
Et j’aime, dans tes yeux, cette lueur sauvage
Comme un couteau brandi sur un sein palpiltant.

Je t’aime. Et d’un coeur sec, attentif, ínsistant,
Je verse la douleur, lent et brûlant breuvage,
Dans tes veines, afin d’y mettre un esclavage
Aussi fort que la joie et que l’amour constant.

Je t’aime. Mais l’amour porte une face double;
Il me faut ton bonheur et ton plus mauvais trouble,
Ton bonheur rayonnant, ton trouble qui l’éteint.

Il faut que l’un en l’autre et s’habite et s’obsède,
Pour que soient satisfaits, lorsque je te possède,
L’âme grande et suave et le cruel instinct.

(Jane Catulle-Mendès)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Il y a une Langueur de la Vie (Emily Dickinson)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2023




    
Il y a une Langueur de la Vie
Plus menaçante que la Douleur –
C’est ce qui Succède à la Douleur – lorsque l’Âme
A souffert tout ce qu’elle pouvait.

(Emily Dickinson)

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Attente (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration: Fanny Verne
    
Attente

J’ai vécu sans le savoir,
Comme l’herbe pousse…
Le matin, le jour, le soir
Tournaient sur la mousse.

Les ans ont fui sous mes yeux
Comme, à tire-d’ailes,
D’un bout à l’autre des cieux
Fuient les hirondelles…

Mais voici que j’ai soudain
Une fleur éclose.
J’ai peur des doigts qui demain
Cueilleront ma rose,

Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage.

Dans l’Amour si grand, si grand,
Je me perdrai toute,
Comme un agnelet errant
Dans un bois sans route.

Dans l’Amour, comme un cheveu
Dans la flamme active,
Comme une noix dans le feu,
Je brûlerai vive.
Dans l’Amour, courant amer,
Las ! comme une goutte,
Une larme dans la mer,
Je me noierai toute.

Mon cœur libre, ô mon seul bien,
Au fond de ce gouffre,
Que serai-je ? Un petit rien
Qui souffre, qui souffre !

Quand deux êtres, mal ou bien,
S’y fondront ensemble,
Que serai-je ? Une petit rien
Qui tremble, qui tremble !

J’ai peur de demain, j’ai peur
Du vent qui me ploie,
Mais j’ai plus peur du bonheur,
Plus peur de la joie

Qui surprend à pas de loup,
Si douce, si forte
Qu’à la sentir tout d’un coup
Je tomberai morte,

Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage…

………………

Quand mes veines l’entendront
Sur la route gaie,
Je me cacherai le front
Derrière une haie.

Quand mes cheveux sentiront
Accourir sa fièvre,
Je fuirai d’un saut plus prompt
Que le bond d’un lièvre.

Quand ses prunelles, ô dieux !
Fixeront mon âme,
Je fuirai, fermant les yeux,
Sans voir feu ni flamme.

Quand me suivront ses aveux
Comme des abeilles,
Je fuirai, de mes cheveux
Cachant mes oreilles.

Quand m’atteindra son baiser
Plus qu’à demi-morte,
J’irai sans me reposer
N’importe où, n’importe

Où s’ouvriront des chemins
Béants au passage,
Eperdue et de mes mains
Couvrant mon visage.

Et, quand d’un geste vainqueur,
Toute il m’aura prise,
Me débattant sur son cœur,
Farouche, insoumise,

Je ferai, dans mon effroi
D’une heure nouvelle,
D’un obscur je ne sais quoi,
Je ferai, rebelle,

Quand il croira me tenir
A lui tout entière,
Pour retarder l’avenir,
Vingt pas en arrière !…

S’il allait ne pas venir !…

(Marie Noël)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Lauraine Jungelson
Editions: Gallimard

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COEUR DE PIERRE (Michel Collatti)

Posted by arbrealettres sur 22 mai 2023




    
COEUR DE PIERRE

Comme un quartz donnant le tempo
Coeur de pierre bat froidement
Sans le recours de son cerveau
Il cogne mécaniquement.

Depuis si longtemps sans amour
Coeur de pierre bat froidement
Désespéré de tous ces jours
Au vide proche du néant.

Depuis si longtemps sans amour
Tout son être reste en sommeil
Désespéré de tous ces jours
À tous les autres jours pareils.

Tel un loir hibernant l’hiver
Coeur de pierre bat froidement
Son âme souffre ce calvaire
Un vide proche du néant.

(Michel Collatti)

Recueil: Anthologie poétique 2019 volume 2
Editions: Flammes Vives

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FADAISES (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 19 mai 2023



    

FADAISES

Daignez souffrir qu’à vos genoux, Madame
Mon pauvre coeur vous explique sa flamme

Je vous adore autant et plus que Dieu,
Et rien jamais n’éteindra ce beau feu.

Votre regard, profond et rempli d’ombre,
Me fait joyeux, s’il brille, et sinon, sombre

Quand vous passez, je baise le chemin,
Et vous tenez mon coeur dans votre main

Seule, en son nid, pleure la tourterelle.
Las, je suis seul et je pleure comme elle.

L’aube, au matin ressuscite les fleurs,
Et votre vue apaise les douleurs.

Disparaissez, toute floraison cesse,
Et, loin de vous, s’établit la tristesse.

Apparaissez, la verdure et les fleurs
Aux prés, aux bois, diaprent leurs couleur

Si vous voulez, Madame et bien-aimée,
Si tu voulais, sous la verte ramée,

Nous en aller, bras dessus, bras dessous,
Dieu! Quels baisers! Et quels propos de fous!

Mais non! Toujours vous vous montrez revêche
Et cependant je brûle et me dessèche,

Et le désir me talonne et me mord,
Car je vous aime, ô Madame la Mort!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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CHANSON ENTRE L’AME ET L’EPOUX (Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2023



Illustration: Guy Baron
    
CHANSON ENTRE L’AME ET L’EPOUX

Epouse

Mais où t’es-tu caché
me laissant gémissante mon ami
toute tu m’as blessée
tel le cerf qui bondit
criant je suis sortie tu avais fui

Pâtres qui monterez
là-haut sur les collines aux bergeries
si par chance voyez
qui j’aime dites-lui
que je languis je souffre et meurs pour lui

Mes amours poursuivrai
à travers les montagnes les rivières
les fleurs ne cueillerai
ne craindrai lions panthères
et passerai les forts et les frontières

[…]

***

Esposa

Adónde te escondiste
amado y me dejaste con gemido ?
como el ciervo huiste habiéndome herido
salí tras ti clamando, y eras ido.

Pastores los que fuerdes
allá por las majadas al otero
si por ventura vierdes
aquel que yo más quiero
decidle que adolezco, peno, y muero

Buscando mis amores
iré por esos montes y riberas
ni cogeré las flores
ni temeré las fieras
y pasaré los fuertes y fronteras.

[…]

(Jean de la Croix)

Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard

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L’AMOUR (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 12 mai 2023




    
L’AMOUR

N’est-il pas toujours provoquant ?
Mieux que l’éloquence, il enflamme
Il est plus fort et convaincant
Qu’un beau discours que l’on acclame,
Sa nature est inexprimable,
Il apparaît dans le regard
Doux, possessif ou désirable
Il ne souffre pas de retard

«L’amour fervent pour mon semblable !»

Soleil de Dieu jusqu’en mon coeur,
Force inouïe, incomparable,
Sois donc, enfin, le grand vainqueur
Dans notre monde inexorable.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

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LE POSTE DÉSERT (Jean Mambrino)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



Illustration: Joseph Galante    
    
LE POSTE DÉSERT

Une route attire les yeux au point de mire.
Toute route ! Mais celle-là qui part du coeur
et se perd dans les brumes proches, à venir,
aspirée par le grondement muet du gouffre,
le souffle au coeur, l’énorme souffle sans odeur,
je la connais avec ses arbres à contre jour,
et les cris des oiseaux venus d’un autre monde.

Quels cris?
On n’entend crisser que les corps qui souffrent
(baignés d’un soleil noir qui monte à contre-jour).
Un seul poste désert, quand la route est coupée.
La voix du fond répond : le creux en toi te sonde.
Maintenant, dans ton coeur, où le temps s’est vidé.

(Jean Mambrino)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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J’AI TROP AIMÉ (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2023




    
J’AI TROP AIMÉ…

J’ai trop aimé, j’ai trop souffert
Trop perdu ce qui m’était cher
Je n’en peux plus respirer l’air
Et j’habite au fond d’une mer
Une mer faite de mes larmes
Où silences sont les vacarmes
Où pourrissent de vieilles armes
Et dont l’amertume a ses charmes.

(Jean Cocteau)

Recueil: Clair-obscur
Editions: Points

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On ne doit plus peindre d’intérieurs (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
On ne doit plus peindre
d’intérieurs, de gens qui lisent
et de femmes qui tricotent
Ce doit être des personnes
vivantes qui respirent et
s’émeuvent, souffrent et aiment –
Je vais peindre une série
de tableaux de ce genre
Les gens en comprendront
la dimension sacrée
et ils enlèveront leur chapeau
comme à l’église

*

Mieux vaut peindre
un bon tableau inachevé
qu’un mauvais achevé –
Beaucoup croient
qu’un tableau est achevé
quand ils y ont mis
le plus de détails possible
Un trait peut être
une oeuvre d’art achevée
Ce que l’on peint doit
l’être avec volonté
et sentiment – Cela n’aide
en rien de l’exécuter
si c’est pour y mettre
des choses involontaires
et non ressenties

*

L’art est le contraire
de la nature. Une oeuvre
d’art ne peut surgir que
de l’intérieur de l’être humain.
— L’art est la forme que prend
l’image une fois passée
à travers les nerfs de l’être
humain — son coeur —
son cerveau — son oeil.
— L’art correspond chez
l’homme à son besoin
de cristallisation.
La nature est le royaume
éternellement vaste d’où
l’art tire sa nourriture.

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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