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La stupéfiante réalité des choses (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 12 Mai 2024




    
La stupéfiante réalité des choses
Est ma découverte de tous les jours.
Chaque chose est ce qu’elle est,
Et il est difficile d’expliquer à quelqu’un combien cela me met en joie,
Et combien cela me suffit.

Il suffit d’exister pour être complet.
J’ai écrit suffisamment de poèmes.
J’en écrirai beaucoup plus, bien entendu.
Chacun de mes poèmes dit cela,
Et tous mes poèmes sont différents.
Chaque chose qui existe est une façon de le dire.

Parfois je me prends à regarder une pierre.
Je ne pense pas qu’elle puisse ressentir quelque chose.
Mais je ne me hasarde pas de l’appeler ma soeur.
Je l’aime parce qu’elle est une pierre,
Je l’aime parce qu’elle ne ressent rien,
Je l’aime parce qu’elle n’a aucune parenté avec moi.

D’autres fois, j’écoute le vent passer,
Ça vaut la peine d’être né juste pour écouter passer le vent.

Je ne sais pas ce que les autres penseront en lisant cela ;
Mais je trouve ça bien parce que ça me vient sans effort,
Sans avoir l’idée que d’autres personnes m’entendent penser.
Parce que je le pense sans pensées,
Parce que je le dis comme le disent mes mots.

On m’a traité une fois de poète matérialiste,
Et ça m’a étonné parce que je ne pensais pas
Qu’on puisse me traiter de quoi que ce soit.
Je ne suis même pas poète : je vois.

Si ce que j’écris a de la valeur ce n’est pas moi qui en ai :
La valeur est là, dans mes vers.
Tout cela est absolument indépendant de ma volonté.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Je n’ai désiré qu’être au soleil ou sous la pluie (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 12 Mai 2024




    
Je n’ai désiré qu’être au soleil ou sous la pluie —
Au soleil quand il y avait du soleil
Et sous la pluie quand il pleuvait,
(Et jamais l’inverse)
Et ressentir la chaleur, le froid et le vent,
Sans chercher plus loin.
Une fois, j’ai aimé, j’ai cru qu’on m’aimait, Mais je n’ai pas été aimé.

Je n’ai pas été aimé pour une seule bonne raison.
Parce que je n’ai pas été aimé.
Je me suis consolé en retournant tout seul au soleil et sous la pluie,
Et en m’asseyant à nouveau sur le pas de ma porte.
Les champs, en fin de compte, ne sont pas aussi verts pour ceux qui sont aimés
Que pour ceux qui ne le sont pas.
Ressentir, c’est avoir l’esprit ailleurs.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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VENT ET NUIT (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024





VENT ET NUIT

Heure de vent,
nuit contre la nuit,
ici, dans ma nuit.

Le vent taureau,
court, s’arrête, tourne,
va-t-il quelque part ?

Vent courroucé :
aux carrefours
l’âme se brise.

Comme moi-même,
colère accumulée
sans dénouement.

Vers où suis-je ?
Le vent vient et va.
Ni ici ni là.

Miroir aveugle.

(Octavio Paz)

Illustration

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Aube (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 8 Mai 2024




Aube

Sur le sable
écriture d’oiseaux:
mémoires du vent.

(Octavio Paz)

Illustration

 

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Quel silence (André Durand)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024


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Dans la cour mais quel silence
pour qui revient, le visage tiré par le vent,
de la montagne radieuse!

(André Durand)

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Errant asile (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




Le vent se délie et rassemble le feuillage,
la nation des nuages se disperse.

Fragile est le réel et inconstant;
et aussi, sa loi le changement, infatigable :

tourne la roue des apparences
sur l’axe du temps, sa fixité.

La lumière dessine tout et tout enflamme,
elle plante dans la mer des poignards qui sont des torches,

elle fait du monde un bûcher de reflets :
nous autres ne sommes que moutonnements.

Elle n’est pas la lumière de Plotin, mais lumière terrestre,
lumière d’ici, mais lumière intelligente.

Elle me réconcilie avec mon exil :
patrie est sa vacuité, errant asile.

(Octavio Paz)

Illustration: ArbreaPhotos
 

 

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La voiture de fleurs (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    

La voiture de fleurs

I
L’ivresse des jasmins, la tendresse des roses,
Ces robes, ces figures, ces yeux, toutes les nuances,
Les violettes pâles et les pivoines roses
Où l’amour se pâme avec indolence :

Ainsi s’en va, traîné le long des rues,
Le songe de mes anciens printemps,
Cependant qu’une femme a rougi d’être nue
Dans la foule indiscrète des amants.

Pourquoi ? Tu as senti l’odeur de mon désir ?
Tu as senti la fraîcheur amoureuse des nuées
Tomber sur tes épaules, et le plaisir
Souffler du vent dans tes cheveux dénoués ?

Je ne te voyais pas. Je regardais les femmes et les fleurs
Comme on regarde des étoffes ou des images :
Je me souviens alors de toutes les couleurs
Qui enchantaient mes premiers paysages.

Ces belles fleurs m’apportent des campagnes et des jardins,
Dans leurs aisselles et parmi les plis frais de leurs feuilles,
Je reconnais le goût des filles des chemins,
Du sureau, de la sauge, du tendre chèvre-feuille ;

Je promène mon rêve autour de tes rosiers
Et de tes pavots, parc aux antiques sourires ;
Puis je me glisse à travers la houle de vos halliers,
Bois où mon cœur avec joie se déchire.

II
Je me souviens des bois et des jardins,
Des arbres et des fontaines,
Des champs, des prés et aussi des chemins
Aux figures incertaines.

Ce vieux bois qui, dans sa verte douceur,
Aimait mon adolescence,
II a toujours l’adorable fraîcheur
Et la chair de l’innocence.

Il a toujours le chant de son ruisseau,
Et les plumes de ses mésanges
Et de ses geais et de ses poules d’eau,
Et le rire de ses anges

Car on entend souvent au fond des bois
Des souffles, des voix frileuses,
Et l’on ne sait si ce sont des hautbois
Ou l’émoi des amoureuses.

Il a toujours les feuilles de ses aulnes
Dont les troncs sont des serpents ;
Il a toujours ses genêts aux yeux jaunes
Et ses houx aux fruits sanglants,

Ses coudriers aimés des écureuils,
Ses hêtres, qui sont des charmes,
Ses joncs, le cri menu de ses bouvreuils,
Ses cerisiers pleins de larmes ;

Ses grands iris, dans leur gaîne de lin,
Qu’on appelle aussi des flambes,
Ses liserons, désir rose et câlin,
Qui grimpe le long des jambes :

Liserons blancs, aussi liserons bleus,
Liserons qui sont des lèvres,
Et liserons qui nous semblent des yeux
Doux de filles ou de chèvres ;

Beaux parasols semés d’insectes verts,
Angéliques et ciguës ;
Vous qui montrez à nu vos cœurs amers
Belladones ambiguës ;

Blonds champignons tapis sous les broussailles,
Oreilles couleur de chair,
Morilles d’or, bolets couleur de paille,
Mamelles couleur de lait !

Il a toujours tout ce qui fait qu’un bois
Est un lit et un asile,
Un confident aimable à nos émois,
Une idée et une idylle.

*

Mais un désir me ramène au jardin :
Je retrouve ses allées,
Ses bancs verdis, ses bordures de thym,
Ses corbeilles dépeuplées.

Voici ses ifs, ses jasmins, ses lauriers,
Ses myrtes un peu moroses,
Et voici les rubis de ses mûriers
Et ses guirlandes de roses.

Je viens m’asseoir à l’ombre du tilleul,
Dans la rumeur des abeilles,
Et je retrouve, en méditant, l’orgueil,
O sourire, et tes merveilles.

Sur ce vieux banc, je retrouve l’espoir
Et la tendresse des aubes :
Je veux, ayant vécu de l’aube au soir,
Vivre aussi du soir à l’aube.

Le présent rit à l’abri du passé
Et lui emprunte ses songes :
Le renouveau d’octobre a des pensées
Douces comme des mensonges.

O vieux jardin, je vous referai tel
Qu’en vos nobles jours de grâce ;
J’effacerai tous les signes de gel
Qui meurtrissaient votre face.

III
Voilà toutes les fleurs, qui passaient dans les rues,
En ce matin équivoque de mai.
Viens, leurs demeures me sont connues :
Nous les retrouverons aux jardins du passé.

Viens respirer l’odeur jeune de la vieille terre,
Du bois et du grand parc abandonné aux oiseaux.
Viens, nous ferons jaillir de son cœur solitaire
Des moissons de fruits et de rêves tendres et nouveaux.

(Rémy de Gourmont)

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Les grands lys pâles (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    

Les grands lys pâles

Songez au sourire pâle des grands lys dans la nuit.
Ils ont des faces tristes et de beaux airs penchés ;
Leur regard s’allonge en lueur douce et poursuit
Ceux qui marchent dans le jardin le front penché.

Songez que les grands lys écoutent les paroles
Qui sortent des abîmes où sommeillent les cœurs.
Ils tendent comme des oreilles leurs corolles
Et ils n’oublient jamais le murmure des cœurs.

Ils écoutent si bien qu’ils entendent le silence ;
Ils entendent le bruit du sang dans les artères,
Ils entendent les épaules frissonner en silence.
Ils entendent ce qu’on fait et qu’on voudrait taire.

Les lys aux faces tristes entendent les dentelles
Que le vent et la vie gonflent sur les corsages,
Ils entendent les cheveux doux comme des dentelles
Qu’un souffle agite et tourmente en signe d’orage.

Les lys aux faces tristes regardent dans la nuit ;
Ils voient lorsque les mains se rapprochent tremblantes
D’avoir osé s’unir un instant dans la nuit,
Et leur sourire a des ironies complaisantes,

Car ils savent ce qu’ignorent les hommes et les femmes
Et ils pourraient prédire aux âmes leurs destins
Et enseigner aux hommes à lire le cœur des femmes :
Songez aux grands lys pâles indulgents et divins.

(Rémy de Gourmont)

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La dame de l’automne (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024




    
La dame de l’automne

La dame de l’automne écrase les feuilles mortes
Dans l’allée des souvenirs :

C’était ici ou là… le vent passe et emporte
Les feuilles de nos désirs.

O vent, emporte aussi mon cœur : il est si lourd !

La dame de l’automne cueille des chrysanthèmes
Dans le jardin sans soleil :

C’est là que fleurissaient les roses pâles que j’aime,
Les roses pâles au cœur vermeil.

O soleil, feras-tu fleurir encore mes roses ?

La dame de l’automne tremble comme un oiseau
Dans l’air incertain du soir :

C’était ici ou là, et le ciel était beau
Et nos yeux remplis d’espoir.

O ciel, as-tu encore des étoiles et des songes ?

La dame de l’automne a laissé son jardin
Tout dépeuplé par l’automne :

C’était là… Nos cœurs eurent des moments divins…
Le vent passe et je frissonne…

O vent qui passe, emporte mon cœur : il est si lourd !

(Rémy de Gourmont)

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LE SOIR (Rémy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2024



Illustration
    
LE SOIR

Heure incertaine, heure charmante et triste : les roses
Ont un sourire si grave et nous disent des choses
Si tendres que nos coeurs en sont tout embaumés ;
Le jour est pâle ainsi qu’une femme oubliée,
La nuit a la douceur des amours qui commencent,
L’air est rempli de songes et de métamorphoses ;
Couchée dans l’herbe pure des divines prairies,
Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis,
La vie offre ses lèvres aux baisers du silence.

Heure incertaine, heure charmante et triste : des voiles
Se promènent à travers les naissantes étoiles
Et leurs ailes se gonflent, amoureuses et timides,
Sous le vent qui les porte aux rives d’Atlantide ;
Une lueur d’amour s’allume comme un adieu
À la croix des clochers qui semblent tout en feu
Et à la cime hautaine et frêle des peupliers :
Le jour est pâle ainsi qu’une femme oubliée
Qui peigne à la fenêtre lentement ses cheveux.

Heure incertaine, heure charmante et triste : les heures
Meurent quand ton parfum, fraîche et dernière fleur,
Épanche sur le monde sa candeur et sa grâce :
La lumière se trouble et s’enfuit dans l’espace,
Un frisson lent descend dans la chair de la terre,
Les arbres sont pareils à des anges en prière.
Oh ! reste, heure dernière ! Restez, fleurs de la vie !
Ouvrez vos beaux yeux bleus déjà presque endormis…

Heure incertaine, heure charmante et triste : les femmes
Laissent dans leurs regards voir un peu de leur âme ;
Le soir a la douceur des amours qui commencent.
Ô profondes amours, blanches filles de l’absence,
Aimez l’heure dont l’oeil est grave et dont la main
Est pleine des parfums qu’on sentira demain ;
Aimez l’heure incertaine où la mort se promène,
Où la vie, fatiguée d’une journée humaine,
Entend chanter enfin, tout au fond du silence,
L’heure des songes légers, l’heure des indolences !

(Rémy de Gourmont)

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