A San Juan de los Lagos
j’ai trouvé un chapeau rouge:
je l’ai caché dans la mer,
je l’ai enterré dans la montagne,
je l’ai gardé en tête.
Aujourd’hui, il jaillit de cette table,
marée de mots
et la nappe se couvre
de regards.
Seigneur du vertige,
l’épervier
solitaire dans la hauteur
trace un signe,
aussitôt
évanoui dans la lumière, dans l’air.
Obstiné, de l’aube jusqu’au soir
il le répète.
Il dessine, sans le savoir,
une question :
le pouvoir est-il liberté,
la liberté est-elle destin ?
Lumière et air.
Avec un morceau de charbon
avec ma craie cassée et mon crayon rouge
dessiner ton nom
le nom de ta bouche
le signe de tes jambes
sur le mur de personne
Sur la porte interdite
graver le nom de ton corps
jusqu’à ce que la lame de mon couteau
saigne
et la pierre crie
et le mur respire comme un sein
***
Garabato
Con un trozo de carbón
con mi gis roto y mi lápiz rojo
dibujar tu nombre
el nombre de tu boca
el signo de tus piernas
en la pared de nadie
En la puerta prohibida
grabar el nombre de tu cuerpo
hasta que la hoja de mi navaja
sangre
y la piedra grite
y el muro respire como un pecho
Architectures instantanées
sur une pause suspendues,
apparitions non appelées
ni pensées, formes de vent,
insubstantielles comme du temps
et comme du temps dissipées.
Faites de temps, elles ne sont pas le temps;
elles sont la fente, l’interstice,
le vertige bref du entre
où s’ouvre la fleur diaphane :
haute sur la tige d’un reflet
elle s’évanouit pendant qu’elle tourne.
Jamais touchées, clartés
vues avec les yeux fermés :
la naissance transparente
et la chute cristalline
dans cet instant de cet instant,
interminable encore.
Derrière la fenêtre : terrasses
désolées et nuages rapides.
Le jour s’éteint, la ville
s’allume, proche et lointaine.
Heure sans poids. Je respire
l’instant vide, éternel.