Non-vision
Heure nulle, citerne
où ma pensée
elle-même se boit.
Un instant immense
j’ai oublié mon nom.
Peu à peu je dénais,
diaphane avènement.
(Octavio Paz)
Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024
Non-vision
Heure nulle, citerne
où ma pensée
elle-même se boit.
Un instant immense
j’ai oublié mon nom.
Peu à peu je dénais,
diaphane avènement.
(Octavio Paz)
Posted in poésie | Tagué: (Octavio Paz), avènement, boire, citerne, dénaître, diaphane, nom, nulle, oublier, pensée, vision | 2 Comments »
Posted by arbrealettres sur 27 avril 2024
Illustration: Gunther von Hagens
CONTRE-MORT
moi
qui chaque jour creuse sous ma peau
je n’ai soif
ni de vérité ni de bonheur ni de nom
mais de la source de cette soif
je ne promène pas mon petit démon bien policé
j’en ai dix mille me rongeant
et je leur souris
non pas comme une Joconde
non pas comme un bouddha satisfait de son détachement
non pas comme un yogi à l’âme soigneusement musclée
mais comme un homme
auquel tous les chemins ne sont pas bons
et
à mesure que le creux là-dessous va grandissant
d’étranges machines apparaissent dans mon corps
et d’abord cet oeil qui a percé à la racine du nez
et qui me fait douter de la valeur de mes yeux
condensation du regard
triangle à l’intérieur de mon crâne
triangle sans base
tel un entonnoir où s’engouffrent les cris
venus de la moelle épinière et du ventre
(du ventre dans lequel pousse
un énorme faisceau de racines flexibles
et dures comme des aiguilles d’acier)
triangle dont les parois incandescentes
tracent dans le cerveau une brûlure drainante
une brûlure qui est la présence même
la présence des choses
qui entrent en moi comme une décharge
une décharge brisant les écailles
brisant la paille et la poutre
brisant le filtre et les dents
il faudrait dire comment
dire la vision claire de cet oeil
qui n’a ni tendresse ni cynisme ni compassion
mais qui est vide et inexorable
tel un nuage d’abeilles au-dessus du gouffre
la présence approche
pattes de miel
douceur tiède
et
soudain
les mille piqûres des dards
il n’y a pas d’autre issue que le saut
mais
LE VIDE PORTE
les yeux regardent à travers le seul oeil
et dans l’épaisseur de midi
les choses entrent dans mon corps
l’espace se retrousse
dedans est immense
alors
tentation d’organiser aussitôt la conquête et d’en jouir
il fait soleil sous les épaules
[…]
(Bernard Noël)
Posted in poésie | Tagué: (Bernard Noël), abeille, acier, aiguille, apparaître, approcher, au-dessus, à mesure, âme, écaille, énorme, épaisseur, épaule, étrange, base, bon, bonheur, bouddha, brûlure, briser, chemin, chose, clair, compassion, conquête, consensation, contre, corps, crâne, creuser, creux, cri, cynisme, dard, décharge, démon, détachement, dent, dire, drainer, dur, entonnoir, entrer, espace, faisceau, filtre, flexible, gouffre, grandir, homme, incandescent, inexorable, intérieur, issue, Joconde, jouir, jour, là-dessous, machine, midi, miel, moelle épinière, mort, muscle, nez, nom, nuage, oeil, organiser, paille, paroi, patte, peau, percer, piqûre, police, porter, pousser, poutre, présence, promener, racine, regard, regarder, ronger, s'engouffrer, satisfait, saut, se retrousser, soif, soifneux, soleil, source, sourire, tendresse, tentation, tracer, triangle, vérité, venir, ventre, vide, vision, yogi | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024
Nuit. Silence. Ferveur. Une simple attente.
Exempte de toute avidité.
La nuit où tu descends exige
que tu aies un regard clair et les mains nues.
Sache te faire de plus en plus docile.
C’est la source qui commande.
Mystère de l’être.
Mystère de cet oeil qui éveille la voix.
De cette voix qui aiguise l’oeil.
Bien souvent, je me perds en chemin.
Arrive là où je n’étais pas appelé.
Si tu veux accompagner la vie dans son inlassable mouvement
mets fin à toute fixité.
Ne préjuge pas de ce que sera le chemin.
Ni des rencontres qui se présenteront.
Ni du lieu où tu vas déboucher.
Qui vit dans l’ignorance de soi
n’a aucun accès à la connaissance.
L’immersion en soi est ignorance.
La connaissance est cet oeil qui surplombe.
Si tu veux parvenir à la vue juste,
ton oeil doit travailler à s’affranchir
de ce qui détermine sa vision.
Seul le regard qui s’inverse
peut rencontrer cette lumière
qui délivre la connaissance.
(Charles Juliet)
Posted in poésie | Tagué: (Charles Juliet), accès, accompagner, aiguiser, appeler, arriver, attente, avidité, éveiller, être, chemin, clair, commander, connaissance, déboucher, délivrer, déterminer, descendre, docile, exempt, exiger, faire, ferveur, fin, fixité, ignorance, immersion, inlassable, juste, lieu, main, mouvement, mystère, nu, nuit, oeil, parvenir, perdre, préjuger, regard, rencontre, rencontrer, s'affranchir, s'inverser, savoir, se présenter, silence, simple, soi, source, souvent, surplomber, travailler, vie, vision, vivre, voix, vouloir, vue | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024
QUEL RAPPORT
Quel rapport
Entre un croissant de lune
Un ciel de crépuscule
Le sillon, le sillage
D’un avion
La silhouette d’un pommier
Du Japon
Le chant d’un merle perché
Sur une antenne télé
Le grondement d’un camion
La rumeur du périph’
Et la mort de l’hiver dans les bras du printemps
La vision d’un sourire
Dans un souvenir amant
La trace d’une pensée
Sur la feuille vierge d’un carnet.
Quel rapport ?
Juste un instant d’éternité
Capté par le regard
D’un rêveur éveillé
Assis devant son verre de vin
Perdu dans la lumière du soir
Qui tombe dans son jardin
Fin du mois de mars
Rue Beaurepaire
Pantin.
(Jacques Higelin)
Posted in poésie | Tagué: (Jacques Higelin), amant, antenne, assis, avion, éternité, éveillé, bras, camion, capter, carnet, chant, ciel, crépuscule, croissant, feuille, grondement, hiver, instant, Japon, jardin, juste, lumière, lune, mars, merle, mort, périphérique, pensée, perché, perdu, pommier, printemps, rapport, rêveur, regard, rumeur, silhouette, sillage, sillon, soir, sourire, souvenir, télé, tomber, trace, verre, vierge, vin, vision | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 février 2024
Les heures défaites
Comme des nuages
Brûlés de soleil
Et les heures fraîches
Rames battant l’aube
Les vieilles images
Informes et lentes
De bruit de silence
De nuits de couleurs
De fruits verts mûris
De fruits mûrs mangés
Les neuves visions
D’horizons précis
De claires clairières
De trésors limpides
Dans mes doigts câlins
Dans mes paumes chaudes
Dans nos yeux cachés.
(Paul Eluard)
Posted in poésie | Tagué: (Paul Eluard), aube, battre, brûler, bruit, cacher, câlin, chaud, clair, clairière, couleur, défait, doigt, frais, fruit, heure, horizon, image, informé, lent, limpide, manger, mûrir, mur, neuf, nuage, nuit, paume, précis, rame, silence, soleil, trésor, vert, vieux, vision, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 25 février 2024
Orage d’hiver
Quand l’air devient blanc,
que la vision perd la vue,
que le ciel tonne et fulmine,
que dans les bureaux s’éteint la lumière,
et que seule la sirène des pompiers
traverse le voile de neige
qui s’amoncelle en congères lumineuses,
les soucis, les affaires, les urgences
disparaissent pour un quart d’heure,
et sans penser à rien, enfin,
tu laisses ton regard se perdre
dans ce monde d’une aveuglante obscurité.
***
Wintergewitter
Wenn die Luft weiß wird,
die Sicht erblindet,
der Himmel knallt und blitzt,
das Licht in den Büros erlischt,
und nur die Sirene der Feuerwehr
durch den stiebenden Vorhang dringt,
der helle Wächten vor sich her treibt,
verschwinden für eine Viertelstunde Sorgen,
Geschäfte, Dringlichkeiten,
und du schaust hinaus,
endlich gedankenlos,
in die blendend verdunkelte Welt.
(Hans Magnus Enzensberger)
Posted in poésie | Tagué: (Hans Magnus Enzensberger), affaire, air, aveuglant, blanc, bureau, ciel, congère, devenir, disparaître, enfin, fulminer, heure, hiver, laisser, lumière, lumineux, monde, neige, obscurité, orage, penser, perdre, pompier, quart, regrad, rien, s'amonceler, s'éteindre, se perdre, seul, sirène, souci, tonner, traverser, urgence, vision, voile, vue | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 22 février 2024
La question, des amis parfois me la posent:
« Comment vis-tu donc, et comment l’âme ardente
Veux-tu donner force aux cœurs qu’a fui l’espoir ?
Le pain et le besoin sont ton lot pourtant. »
Quand j’erre dans les rues d’une métropole,
Toutes les misères, tous les dénuements,
Lamentation et révolte l’une à l’autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge.
Je les mêle ainsi à ma souffrance intime,
Préparant avec les poisons de la haine
Un âcre sérum – cet autre sang qui coule
Par tous les vaisseaux de ma chair, de mon âme.
Cet élixir vous semblerait-il étrange ?
Il me rend du moins la conscience du tigre,
Lorsque dents et poings serrés, tout de violence,
Je passe par les rues d’une métropole.
Et qu’on dise de moi: il est fou d’ivresse,
Flux et reflux d’une vision
Ne cessent d’investir mes propres pensées,
Et je me hâte, assuré de la victoire.
(Missak Manouchian)
Posted in poésie | Tagué: (Missak Manouchian), ami, ardent, assurer, âcre, âme, élixir, étrange, besoin, chair, coeur, conscience, couler, dénuement, dent, donner, embler, errer, espoir, flux, force, fou, fuir, haine, intime, ivresse, lamentation, loger, lot, métropole, mêler, misère, pain, point, poison, poser, préparer, privation, question, rassembler, révolte, reflux, rendre, rue, sang, sérum, se hâter, serrer, souffrance, tigre, vaisseau, victoire, violence, vision, vivre, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 21 février 2024
INCIDENT AILÉ
L’allégresse impie des oiseaux
m’a si tôt réveillée
pendant des rêves de tristesses.
Des bruits de va-et-vient
m’ont si tôt réveillée.
De va-et-vient, de cercles
que les oiseaux écrivent
sur l’espace vierge.
Les cercles m’ont réveillée.
Tous dans la ronde, les oiseaux jouent
— allégresse impie —,
tous dans la ronde,
les oiseaux écrivent des cercles effrénés,
tous dans la ronde,
toutes choses dans la ronde,
personne dans la ronde
— schéma redoutable —,
rien dans la ronde
et toi au milieu.
Mais voici la lumière,
et la vision nette, la traîtresse.
Elle a pris leurs empreintes aux cercles,
leurs dépositions aux oiseaux,
interrogé les bruits et les ardeurs.
Et vérifié ton identité.
Comme quoi tu n’es pas et ne t’appelles pas,
tu es née en plein dépeuplement.
Et l’on en reste là.
(Kiki Dimoula)
Posted in poésie | Tagué: (Kiki Dimoula), aile, allégresse, appeler, ardeur, écrire, bruit, cercle, dépeuplement, déposition, effréné, empreinte, espace, identité, impie, incident, interroger, jouer, lumière, milieu, naître, net, oiseau, prendre, réveiller, rêve, redoutable, rester, ronde, schéma, traître, tristesse, va-et-vient, vérifier, vierge, vision | Leave a Comment »