Il était une dame tartine,
Dans un beau palais de beurre frais,
La muraille était de praline,
Le parquet était de croquet,
La chambre à coucher,
De crème de lait,
Le lit de biscuits,
Les rideaux d’anis.
Elle épousa monsieur Gimblette
Coiffé d’un beau fromage blanc
Son chapeau était de galette
Son habit était d’vol-au-vent
Culotte en nougat,
Gilet d’chocolat,
Bas de caramel,
Et souliers de miel.
Leur fille, la belle Charlotte,
Avait un nez de massepain,
De superbes dents de compote,
Des oreilles de craquelin.
Je la vois garnir,
Sa robe de plaisirs
Avec un rouleau
De pâte d’abricot.
Le puissant prince Limonade
Bien frisé, vient lui faire sa cour
Ses longs cheveux de marmelade
Ornés de pommes cuites au four
Son royal bandeau
De petits gâteaux
Et de raisins secs
Portait au respect.
On frémit en voyant sa garde
De câpres et de cornichons
Armés de fusils de moutarde
Et de sabre en pelure d’oignons
Sur de drôles de brioches
Charlotte vient s’asseoir,
Les bonbons d’ ses poches
Sortent jusqu’au soir.
Voici que la fée Carabosse,
Jalouse et de mauvaise humeur,
Renversa d´un coup de sa bosse
Le palais sucré du bonheur
Pour le rebâtir,
Donnez à loisir,
Donnez, bons parents,
Du sucre aux enfants.
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Trouve l’Amour de tous les commencements,
Connais-le,
Alors chaque jour est émotion durable
Jamais ne se rompra le commencement.
Si le doux sage joue, subtil, du Plein Amour,
Pierre précieuse,
Lotus flottant sur le lac,
Alors la lune s’élève dans le ciel bleu,
L’étoile accrochée,
Les deux prises l’une à l’autre ;
Deux lettres enlacées pour être,
Trois pour le rituel,
L’extase portée vers.
L’Amour agit
Si tu sais mourir vivant à l’Amour,
Immortel tu deviendras dans le monde mortel
Trouve l’Amour de tous les commencements,
Connais-le.
(Dîn Doyal)
Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard
Après une nuit d’amour j’ai rêvé d’amour
sans me limiter au battage de cuisses et de seins
Qui portent mon poids ainsi qu’un esprit
Léger et libre. Je voulais être lié
À l’intérieur d’une liberté fraîche comme le nom de Dieu
À travers tous les siècles d’absence de Dieu.
Après une nuit d’amour je me suis tourné vers l’amour,
Les cuisses batteuses, les seins chantants,
Épuisé par l’acte, le désirant encore,
Dans une liberté vieille comme la terre
Et fraîche comme le nom de Dieu, à travers tous
Les siècles de beauté assombrie.
(Nissim Ezekiel) (1924-2004)
Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard
Embrassée par son bien-aimé,
on eût dit qu’elle eût envie d’entrer chez lui
jusqu’au milieu du coeur : peut-être, en vérité !
Ne savait-elle pas qu’en lui-même
il lui réservait une demeure perpétuelle.
Rempli des eaux de l’amour,
le corps de la femme portait sans doute en soi une source,
car dans les bras de son amant qui l’étreignait avec vigueur,
l’eau, ayant d’abord mouillé sa robe, en tombait comme une pluie.
(Mâgha) (VIIe siècle)
Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard
Il me fait entendre
quand il danse avec moi…
des mots…
qui ne ressemblent pas à des mots
il me saisit
par le bras
me plante
dans l’un des nuages
et dans mes yeux
tombe la pluie noire
averse …
averse
il m’emporte avec lui…
il m’emporte
vers un soir de balcons roses
et moi comme une enfant dans ses mains
comme une plume… portée par la brise
il apporte pour moi…
sept lunes dans ses mains
et un bouquet de chansons
il m’offre un soleil.
Il m’offre…
un été…
un troupeau d’hirondelles…
il m’informe…
que je suis sa merveille
que je vaux…
des milliers d’étoiles
que je suis un trésor…
et que je suis…
le tableau le plus beau qu’il ait jamais vu
il raconte…
des choses qui me font tourner la tête
me font oublier le tintamarre de la musique
me font oublier…
la piste…
et les pas
des mots
qui retournent sens dessus-dessous mon histoire…
qui me font femme en quelques instants
une autre femme…
en quelques instants…
Il me fait entendre quand il danse avec moi…
des mots…
qui ne ressemblent pas à des mots
il me laisse…
perdue pendant des heures…
il me laisse
m’amuser avec un fil
un fil dont les noeuds sont serrés
un fil fait de cauris
un fil fait de mots
il me laisse
au milieu du drame…
je ressasse…
je ressasse…
les mots
avec moi rien…
que…
les mots
***
(Nizar Qabbani)
Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral
Tes grâces j’en ai mille et elles sont variées,
chacune est un monde de Lumière.
Sur les deux ailes de la puissance et de la passion,
tu m’as élevé vers un monde magique — vision de tes yeux.
Je leurre le sommeil par compassion
pour un rêve ivre et bienveillant
sur de minces lèvres brunes.
Ton chuchotement plein de douceur est un murmure
que porte le zéphyr rôdant parmi les fleurs.
Ton apparition a visité mes pupilles
et les a parfumées,
combien gracieuses et parfumées
sont ces apparitions !
Dans mon cœur j’ai savouré ta voix,
vin vieux non distillé
et Lumière invisible.
Tu m’as créé du Désir
assoiffé de folies
et de pondération.
J’ai loué l’exaltante apparition
afin de lui rendre gloire,
qu’elle soit Dieu ou beauté.
Ô Étoile qui tantôt se dissimule
et qui tantôt se dévoile à moi
sous les catégories du défini
et de l’indéfini.
Tu as abandonné ta soeur l’Aurore,
le Soleil du matin a ouvert l’oeil
sur la lamentation de la délaissée.
Dans le ciel, sur le bleu humide,
je vois des sillages par Toi tracés.
J’ai des trésors de compassion intarissables,
je les ai mis à disposition de l’opprimé et du persécuté.
Je prodigue avec l’humilité d’un indigent,
hélas ! mendiant rejeté qui répand la grâce.
Mes Pierres précieuses, lasses,
sommeillent dans un flot de senteurs
après avoir voyagé à l’aube et en plein soleil.
Elles ont erré loin du Cou bienheureux
mais vers Sa splendeur
la nostalgie de la Lumière pour la Lumière
les a guidées.
(Badawi al-Jabal)
***
Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral
Il y a des comètes
qui traversent en un éclair
nos bouches, elles portent
la grâce
d’océans et de galaxies.
Dieu sait
que nous essayons de faire de
notre mieux.
Il y a des comètes
liées à des produits chimiques
qui télescopent nos langues
pour se consumer dans
l’air.
Je sais
que nous essayons.
Il y a des comètes
qui se rient de nous
de derrière nos dents,
elles portent des habits
de poissons et d’oiseaux.
Nous essayons.
***
Comets
There are comets
that flash through
our mouths wearing
the grace
of oceans and galaxies.
God knows,
we try to do the best
we can.
There are comets
connected to chemicals
that telescope
down our tongues
to burn out against
the air.
I know
we do.
There are comets
that laugh at us
from behind our teeth
wearing the clothes
of fish and birds.
We try.
(Richard Brautigan)
Recueil: C’est tout ce que j’ai à déclarer Oeuvres poétiques complètes
Traduction: Thierry Beauchamp, Frédéric Lasaygues et Nicolas Richard
Editions: Le Castor Astral