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VIERGE ROYALE (Guillaume Le Vinier)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2024



Illustration: Sandro Botticelli
    
VIERGE ROYALE

Vierge royale,
par qui le doux Jésus-Christ,
joyau de toute gloire,
fut conçu et nourri,
comme votre coeur fut empli
de sa grâce et de son amour,
au jour où,
par le Saint-Esprit,
le Fils de Dieu s’incarna en vous.

Douce dame souveraine,
pure fleur de lys,
verger ruisselant de douceur,
où le saint fruit fut cueilli,
royal rosier entre tous élu,
vous avez porté la fleur
et la suave odeur
qui nous ont ouvert
et promis le Paradis.

Vous êtes l’amour sincère
dont s’éprennent les coeurs des pécheurs,
la source et le ruisseau
qui abreuvent le monde,
le réconfort et la joie,
la fontaine de douceur
où l’on vient puiser les pleurs
qui rachètent les péchés.

Ah ! très haut sanctuaire,
plus que tout autre vénéré,
très précieux vase de douceur,
plein de toutes grâces,
trésor béni où Dieu a enclos
la fleur de virginité,
vous avez atteint, Dame,
une telle perfection
que nulle ne peut vous égaler.

Noble dame de haut lignage,
vous qui sauvez les affligés
de tous péchés et de tous maux,
protégez-moi, ma vie durant,
et au jour de ma mort,
priez votre créateur
que j’adore
de mettre mon âme parmi les siens,
en ce lieu auquel elle aspire.

(Guillaume Le Vinier)

Recueil: Poèmes d’amour des XIIé et XIIIè siècles
Traduction: Emmanuèle Baumgartner et Françoise Ferrand
Editions: Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1986

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Sois lune Dans le songe de l’aimée… (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024


IM-158022-lune-soleil-au-pole-nord

Si tu n’es pas pluie, mon amour,
Sois arbre
Fécond… Sois arbre, mon amour,
Sois pierre
Humide … sois pierre.
Et si tu n’es pas pierre, mon amour,
Sois lune
Dans le songe de l’aimée… Sois lune.

Ainsi parla une femme
A son fils qu’on enterrait.

(Mahmoud Darwich)

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RETOUR (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2024




    
RETOUR

Nous rentrons à la maison qui garde nos cheveux blancs
Là où le ciel s’engouffre dans les fenêtres en flots bleus
Où on a planté un arbre et élevé un fils
où on a construit la maison devenue humide sans nous

Notre chemin fleurit de mines
Le stipa et le brouillard recouvrent les cratères
Nous rentrons amers, taiseux, coupables
Il nous faudrait juste une maison et un peu de paix

Il nous faudrait juste être là, respirer l’humidité
Extraire les photos des albums familiaux
Nous rentrons à la maison où nous avons grandi
Attendus par les parents, les tombes et les murs

Nous marcherons, même les pieds nus
Si nous ne retrouvons pas notre maison
Nous en construirons une autre au-dessus des abricots
Du ciel bleu, des nuages généreux

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin
Editions: des femmes

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FIN D’UN MONSTRE (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024



Illustration
    
FIN D’UN MONSTRE

II faut que tu te voies mourir
Pour savoir que tu vis encore
La mer est si haute et ton cœur bien bas
Fils de la terre mangeur de fleurs fruit de la cendre
Dans ta poitrine les ténèbres pour toujours couvrent le ciel

Soleil lâche la corde les murs ne dansent plus
Soleil laisse aux oiseaux des voies impénétrables.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR

Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Jamais de ma vie je n’ai fait de mal à une énigme :
je n’en ai résolu aucune.
Même pas celles qui voulaient mourir
aux côtés de mon enfance :
j’ai dans mon petit tonneau deux petits vins différents.
Je l’ai gardée jusqu’à présent
intacte inexpliquée,
car jusqu’à présent
deux petits vins différents, c’est ce que contient
tout ce qui m’arrive, soluble ou insoluble.
J’ai cohabité rudement
avec un grand moine qui n’a pas d’os
sans jamais lui demander
de quel feu il est le fils,
vers quel dieu il monte et me quitte.

Je n’ai pas réduit le nombre
des êtres masqués du monde,
j’ai nourri le mystère du monde
par sacrifices et privations.
Avec le sang qui m’a été donné
pour l’expliquer.

Ce qui est venu les yeux bandés
avec des intentions cachées
je m’en suis séparée
tel que je l’avais reçu :
Énigme empruntée,
énigme rendue.
J’ai accepté de ne pas savoir
comment se résout un hier,
un ça dépend,
l’énigme des asymptotes.
J’ai accepté de ne pas savoir ce que je touche,
un visage ou un je suis pressé.

Toi je ne t’ai pas non plus tiré dans la lumière
pour mieux te voir.
Je suis restée Pénélope
dans ton incurie obscure.
Et si une fois j’ai demandé comment te résoudre,
et si tu es source ou fontaine,
ce devait être un jour d’été
où, Pénélopes ou non,
s’empare de nous ce démon de l’eau
pour que grâces soient rendues à l’énigme
de ce que nous gardons notre soif.
Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Sans péché :
avec ma soif.

Vers l’énigme de la mort
je m’en vais bravement.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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CANZONE DE L’ÉTREINTE OU LA VRAIE CANZONE DES CANZONES (Paul Fort)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2024




    
CANZONE DE L’ÉTREINTE OU LA VRAIE CANZONE DES CANZONES
A ma Tourangelle bien-aimée.

partageons, lèvres jointes, et à cils rapprochés,
le soleil recherché des lianes en étreinte,

des fleurs sous la rosée, des prairies sous l’autan
échangeant leurs pensées, échangeant tout autant

violettes embaumées, oiseaux cherchant ramées, fils de la Vierge…
attends!… Et Dieu s’il a le temps;

tièdes ou chauds rayons, mais dont le coeur frissonne,
soyez nous en personnes, lorsque nous partageons

le soleil du Printemps ou (qui peu nous étonne,
amant, amante, amants!) le soleil de l’Automne,

lorsque l’orage tonne. — Partageons, lèvres jointes,
et à coeurs se touchant, un soleil recherchant

deux lianes en étreinte.
Aimons-nous en aimant le soleil d’un Moment

vif éternellement !

(Paul Fort)

Recueil: Ballades du beau hasard
Editions: Flammarion

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Le chêne abandonné (Anatole France)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024



Illustration
    
Le chêne abandonné

Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil,
Le grand chêne noueux, le père de la race,
Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse
Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.

Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre,
Robuste, il a nourri ses siècles florissants,
Fait bouillonner la sève en ses membres puissants,
Et respiré le ciel avec sa tête sombre.

Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs
Sinistrement dressés sur sa couronne verte ;
Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte
Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.

La sève du printemps vient irriter l’ulcère
Que suinte la torpeur de ses âcres tissus.
Tout un monde pullule en ses membres moussus,
Et le fauve lichen de sa rouille l’enserre.

Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui
Se brise sur son corps et tombe. Un vent d’orage
Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage,
Et peut-être qu’il doit s’écrouler aujourd’hui.

Car déjà la chenille aux anneaux d’émeraude
Déserte lentement son feuillage peu sûr ;
D’insectes soulevant leurs élytres d’azur
Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;

Dès hier, un essaim d’abeilles a quitté
Sa demeure d’argile aux branches suspendue ;
Ce matin, les frelons, colonie éperdue,
Sous d’autres pieds rameux transportaient leur cité ;

Un lézard, sur le tronc, au bord d’une fissure,
Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit ;
Et voici qu’inondant l’arbre glacé, la nuit
Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure.

(Anatole France)

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Ceci (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2023




    
Ceci

« Ceci était mon fils ma fille
mon père ma mère

Cette chose mon aimé
mon aïeul mon enfant ! »

La femme vêtue de noir
agglutinée aux mouches
tournoie dans une houle d’amour
et d’aversion

Tournoie et se déchire
autour d’un tas de chair
qui suinte sous le jour

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

Ce sang dilapidé sur le bitume
s’ordonnait, hier encore, dans un réseau de veines
retissait, hier encore, la loi de l’existence

Ce coeur-sentinelle
s’est raidi sous le plomb

Ce sac-à-vermine
abritait des entrailles
où s’ouvrait le plaisir
où germinait la vie

Un rictus a drainé toute la pulpe de ces lèvres
Ces orbites-à-fourmis logeaient oeil et regards

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

L’esprit travaillait cette motte d’indifférence

La parole soulevait cette forme interrompue

La femme vêtue de noir
tremble sous la tourmente
hurle dans le chaos

s’agglutine aimantée

à ce profil d’écorce
à cette main qui stagne
à ce marécage d’humeurs
à ce baluchon putride

à ce « Toi que j’appelle
et qui ne seras plus ! »

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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VILLAGE PRÈS D’UNE RIVIÈRE (Tu Fu)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



VILLAGE PRÈS D’UNE RIVIÈRE

Eau claire, méandres qui enserrent le village.
Longues journées d’été où tout est poésie.
Sans crainte, vont et viennent les couples d’hirondelles ;
Les mouettes, les unes contre les autres, dans l’étang.
Ma vieille épouse dessine un échiquier sur papier.
Mon fils, pour pêcher, tord son hameçon d’une aiguille.
Souvent malade, je cherche les plantes qui guérissent :
Quoi d’autre peut-il désirer, mon humble corps ?

(Tu Fu)

 

 

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L’HISTOIRE (Ursula K. Le Guin)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2023




    
L’HISTOIRE

Ce n’est qu’une bribe d’histoire, de nombreuses histoires à vrai dire,
le moment où le troisième fils ou bien la belle-fille
envoyée accomplir une tâche impossible à travers la forêt menaçante
rencontre un renard à la patte prise au piège,
de petits moineaux tombés du nid
des fourmis en perdition dans une flaque d’eau.

Il libère le renard, elle remet les oisillons dans leur nid,
ils montrent aux fourmis le chemin de la fourmilière.
Le renardeau reviendra et lui montrera
le chemin du château de la princesse captive
le moineau la guidera jusqu’à la cachette de l’oeuf d’or,
la fourmi triera pour eux les graines de pavot,
dans le tas de sable avant le matin fatidique,
et je ne crois pas pouvoir ajouter grand-chose à cette histoire.

Toute ma vie, elle m’a répété
qu’il n’est que d’écouter pour savoir qui est le héros
et comment vivre heureuse jusqu’à la fin de mes jours.

***

THE STORY

It’s just part of a story, actually quite a lot of stories,
the part where the third son or the stepdaughter
sent on the impossible errand through the uncanny forest
comes across a fox with its paw caught in a trap
or little sparrows fallen from the nest
or some ants in trouble in a puddle of water.

He frees the fox, she puts the fledglings in the nest,
they get the ants safe to their ant-hill.
The little fox will come back later
and lead him to the castle where the princess is imprisoned,
the sparrow will fly before her to where the golden egg is hidden,
the ants will sort out every poppyseed
for them from the heap of sand before the fatal morning,
and I don’t think I can add much to this story.

All my life it’s been telling me
if I’ll only listen who the hero is
and how to live happily ever after.

(Ursula K. Le Guin)

Recueil: Derniers poèmes
Editions: Aux Forges de Vulcain

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