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Poésie

Posts Tagged ‘s’écrouler’

TOUT PEUT ARRIVER (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
TOUT PEUT ARRIVER

Tout peut arriver
d’un instant à l’autre

Tout peut arriver
à soi comme à d’autres

Tout peut arriver
et peut repartir

Tout peut s’écrouler
et se rebâtir

À toute heure du jour
la haine et l’amour

Tout peut s’enflammer
ou se refroidir

Tout peut se faner
et tout refleurir

Tout peut basculer
du meilleur au pire

Un mot de travers
un acte manqué une tuile,
un pavé une rose,
un baiser

Tout peut s’aggraver
ou bien s’arranger
avec le sourire

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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DE VIEILLESSE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
DE VIEILLESSE

Grand-père et grand-mère sont morts
Sont morts le même jour
La même heure
La même minute —
On a dit que c’était de vieillesse

Est crevé leur coq
Leur chèvre et chien
(Le chaton n’était pas à la maison)
Et on a dit que c’était de vieillesse

S’est écroulée leur maison
La grange s’est muée en ruine
Et la cave a été recouverte de terre
On a dit que c’était de vieillesse s’ils s’étaient écroulés

Leurs enfants sont venus, enterrer le grand-père et la grand-mère

Olya était enceinte
Serhiy était ivre
Sonya, elle, avait trois petites années

Et eux aussi ils sont morts
Et on a dit que c’était de vieillesse

Le vent froid fend les feuilles jaunes
Et en a recouvert grand-père, grand-mère, Olya, Serhiy, Sonya

Morts de vieillesses

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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Le chêne abandonné (Anatole France)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024



Illustration
    
Le chêne abandonné

Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil,
Le grand chêne noueux, le père de la race,
Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse
Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.

Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre,
Robuste, il a nourri ses siècles florissants,
Fait bouillonner la sève en ses membres puissants,
Et respiré le ciel avec sa tête sombre.

Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs
Sinistrement dressés sur sa couronne verte ;
Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte
Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.

La sève du printemps vient irriter l’ulcère
Que suinte la torpeur de ses âcres tissus.
Tout un monde pullule en ses membres moussus,
Et le fauve lichen de sa rouille l’enserre.

Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui
Se brise sur son corps et tombe. Un vent d’orage
Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage,
Et peut-être qu’il doit s’écrouler aujourd’hui.

Car déjà la chenille aux anneaux d’émeraude
Déserte lentement son feuillage peu sûr ;
D’insectes soulevant leurs élytres d’azur
Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;

Dès hier, un essaim d’abeilles a quitté
Sa demeure d’argile aux branches suspendue ;
Ce matin, les frelons, colonie éperdue,
Sous d’autres pieds rameux transportaient leur cité ;

Un lézard, sur le tronc, au bord d’une fissure,
Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit ;
Et voici qu’inondant l’arbre glacé, la nuit
Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure.

(Anatole France)

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Paroles — soleil (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2023




    
Paroles — soleil

Broyés par la violence
Minés par la haine
Les corps se rompent
L’âme s’écroule
Le coeur se râpe

Pourtant d’éclipses en éclipses
Enjambant lacunes et lagunes
Rendant arme
Rendant grâce
Sur le sable des mémoires
Les hommes retracent parole d’amour

Parole d’héritage et d’amour
Qu’aucune redite n’érode
Qu’aucun pillage ne décime

Fraîche parole
parmi nos loques

Parmi nos ombres
parole soleil!

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Je marche dans un désert (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2023




Je marche dans un désert
dans une forêt
Dans des couloirs
Pour arriver à une oasis
A une clairière
A une chambre
En vain j’essaie d’ouvrir
Une fenêtre sur l’inconnu
Tout autour les murs s’écroulent
Et je ne vois toujours rien
A travers cette fenêtre immobile

(Jean-Baptiste Besnard)

Illustration

 

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L’Amour de l’Amour (Germain Nouveau)

Posted by arbrealettres sur 2 novembre 2023



Illustration: Marc Chagall
    
L’Amour de l’Amour
I

Aimez bien vos amours ; aimez l’amour qui rêve
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
C’est lui que vous cherchez quand votre avril se lève,
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

Aimez l’amour qui joue au soleil des peintures,
Sous l’azur de la Grèce, autour de ses autels,
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.

Aimez l’amour qui parle avec la lenteur basse
Des Ave Maria chuchotés sous l’arceau ;
C’est lui que vous priez quand votre tête est lasse,
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l’amour que Dieu souffla sur notre fange,
Aimez l’amour aveugle, allumant son flambeau,
Aimez l’amour rêvé qui ressemble à notre ange,
Aimez l’amour promis aux cendres du tombeau !

Aimez l’antique amour du règne de Saturne,
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché,
Qui suspendait, ainsi qu’un papillon nocturne,
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

Car c’est lui dont la terre appelle encore la flamme,
Lui dont la caravane humaine allait rêvant,
Et qui, triste d’errer, cherchant toujours une âme,
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

Il revient ; le voici : son aurore éternelle
A frémi comme un monde au ventre de la nuit,
C’est le commencement des rumeurs de son aile ;
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.

Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes,
C’est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois,
C’est ce Dieu. C’est ce Dieu qui tord les oriflammes
Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits.

Il palpite toujours sous les tentes de toile,
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ;
C’est lui que les lions contemplent dans l’étoile ;
L’oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.

La source le pleurait, car il sera la mousse,
Et l’arbre le nommait, car il sera le fruit,
Et l’aube l’attendait, lui, l’épouvante douce
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche,
Aimez l’amour, riez ! Aimez l’amour, chantez !
Et que l’écho des bois s’éveille dans la roche,
Amour dans les déserts, amour dans les cités !

Amour sur l’Océan, amour sur les collines !
Amour dans les grands lys qui montent des vallons !
Amour dans la parole et les brises câlines !
Amour dans la prière et sur les violons !

Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres !
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !
Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres !
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles !
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux !
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes !
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II

Mais adorez l’Amour terrible qui demeure
Dans l’éblouissement des futures Sions,
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure
Sur la croix, dont les bras s’ouvrent aux nations.

(Germain Nouveau)

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VAGUES (Gabriel Zaïd)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
VAGUES

Le soleil déferle, s’écroule dans
la fraîcheur de ta joie. Déferlent
les vagues sur ton sein. Je me
baigne dans ton rire.

Hautes vagues et soleils
des plages à l’écart.
Ton rire est la Création
heureuse d’être aimée.

(Gabriel Zaïd)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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FABLE ET LABYRINTHE (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
FABLE ET LABYRINTHE

La petite fille ouvrit une porte et se perdit
dans la Tour du Vent
et chemina dans le froid et eut soif
et pleura de peur.
Tour du Vent où chaque cri s’amplifie
interminablement sans rencontrer d’écho.

La petite fille se trouvait dans cette Tour,
dans cette Tour vieille comme mon corps, abandonnée,
seule, en ruine comme mon corps.
Cherche-la dans la Tour, suis-la,
suis les empreintes de son pied menu,
l’odeur de jasmin de ses cheveux
et ses mains qui coulent comme deux ruisseaux
et ses yeux égarés.
Tout ici est bien gardé,
bien caché et prisonnier.
Appelle-la, d’un cri fais s’écrouler le mur,
rends-lui la vie avec ton sang si elle est morte.

Ensuite d’une langue abjecte et triste de chien affamé
j’ai léché son ombre jusqu’à l’effacer
et de mon deuil j’ai insulté le jour
et j’ai traîné mes sanglots sur le sol.
Regarde-moi dans mon coin, les cheveux défaits,
comme un jouet cendreux qui roucoule :
je donne le sein à un petit fantôme
tandis que l’araignée tisse sa toile d’épaisse fumée.
Regarde-moi : j’ai ouvert une porte et je me suis perdue
dans la Tour du Vent.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Cailloux roulant sur cailloux (Michel Butor)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2022



Illustration: Catherine Ernst
    
Cailloux roulant sur cailloux
s’entraînant l’un après l’autre
dans une lente avalanche
produisant ici et là
des accumulations brèves
que le vent fait s’écrouler
ou le galop d’un chamois

(Michel Butor)

 

Recueil: Montagnes en gestation
Traduction:
Editions: Notari

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Les mères attentives (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 28 novembre 2022



 

 

 

Les mères attentives au souffle lumineux de leur nouveau-né dormant
savent qu’il n’est pas nécessaire de mourir pour connaître un autre monde :
toute pure contemplation fait s’écrouler en silence les murailles du temps.

(Christian Bobin)

Illustration: Alex Alemany

 

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