Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘ruine’

Quitte ou double (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Quitte ou double

Nous sommes tous amoureux.
Seuls certains d’entre nous sont éveillés.

*

L’amour est une parenthèse ouverte.

*

Je sais que tu me rends heureuse
car ma tristesse ne te reconnaît pas.

*

Elle était si belle qu’elle m’a fait douter :
Allais-je l’aimer de l’extérieur
ou m’aimer de l’intérieur ?

*

Je l’aimais avec l’éternité que concède
la brièveté d’un moment inoubliable.

*
Elle m’a demandé de lui écrire
un poème d’amour.
J’ai dessiné un oiseau
Et elle est partie.

*

Je suis aussi faible et aussi forte
qu’une fleur au milieu d’un champ en ruine.

*

Je t’aime jusqu’à ce que tu me prouves le contraire.

*

Il est des moments où la vie te place à égale distance
de l’envie de fuir ou de rester pour toujours.

*

La paix, ce n’est pas l’absence de bruits,
mais les écouter et les changer en silence.

*

Écrire est une affaire de lâches ;
l’amour est pur courage.
Les deux ensemble, poésie.

*

Deux personnes qui s’oublient
s’aiment juste différemment.
L’oubli arrive avec la solitude,
quand un n’est plus qu’un
et qu’il n’y a pas de place pour un autre.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Depuis la poussière (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Yuhsin U. Chang
    
Depuis la poussière mon visage me regarde.

Moi je ne sais d’où je le regarde,
mais entre les deux monte comme un rideau en ruines
la distance nue,
celle que personne n’occupera.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

DE VIEILLESSE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
DE VIEILLESSE

Grand-père et grand-mère sont morts
Sont morts le même jour
La même heure
La même minute —
On a dit que c’était de vieillesse

Est crevé leur coq
Leur chèvre et chien
(Le chaton n’était pas à la maison)
Et on a dit que c’était de vieillesse

S’est écroulée leur maison
La grange s’est muée en ruine
Et la cave a été recouverte de terre
On a dit que c’était de vieillesse s’ils s’étaient écroulés

Leurs enfants sont venus, enterrer le grand-père et la grand-mère

Olya était enceinte
Serhiy était ivre
Sonya, elle, avait trois petites années

Et eux aussi ils sont morts
Et on a dit que c’était de vieillesse

Le vent froid fend les feuilles jaunes
Et en a recouvert grand-père, grand-mère, Olya, Serhiy, Sonya

Morts de vieillesses

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

RUINE (Jean-Pierre Duprey)

Posted by arbrealettres sur 27 janvier 2024




    
RUINE

La ruine a manqué la maison
D’une pierre qui
N’est retombée dans le salon
Qu’après le cri.

La ruine a manqué le salon
Où s’entretient la famille défunte.
Les grands-parents prêchent le pardon
Pour la branche éteinte.

Et le cousin mort à Sainte-Anne
Cherche son esprit sur un âne
Galopant par les champs d’avoine
Que sema la maladie feinte.

(Jean-Pierre Duprey)

 

Recueil: LA FIN et LA MANIÈRE
Editions: SOLEIL NOIR

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

A la place déserte (Antonio Machado)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024




    
A la place déserte
conduit un labyrinthe de ruelles.
D’un côté, le vieux mur sombre
d’une église en ruine;
de l’autre, la clôture blanchâtre
d’un jardin de cyprès et de palmiers,
et, devant moi, la maison,
et sur la maison la grille
devant la vitre où se dessine, brume légère,
sa silhouette paisible et rieuse.

Je m’en irai.
Je ne veux pas frapper à ta fenêtre…
Le Printemps vient
— son blanc manteau flotte
dans l’air de la place morte –;
il vient incendier les roses
rouges de tes rosiers…

C’est lui que je veux voir.

(Antonio Machado)

 

Recueil: Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre
Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

MIDI (André Pieyre de Mandiargues)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2023



 

Shotei  -39

MIDI

Au bord de la mer Tyrrhénienne
Au pied d’une tour en ruine
Sous la rousse lumière de midi
Trois amis se sont assis
Qui devisent de choses vagues
De simples choses qu’il est doux d’agiter entre amis.

Voyez ce vaisseau génois
Tout blanc dans le feu de midi
Qui fuit à toutes voiles vers le large
Et vers l’éclat de l’Orient rose.

Le vaisseau disparaît à l’autre bout du monde
Le ciel est pur l’heure est comble
Et les amis font silence
Unis dans une quiète nostalgie.

Qu’est-ce donc qui est venu qui ne reviendra plus
Qui est le secret d’un instant perdu
Quelle ombre a passé soudain
Comme un épervier fauve
Dans la lumière dorée de midi
Sur la mer calme et sur une belle journée ?

(André Pieyre de Mandiargues)

Illustration: Shotei 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

CHANT DU FEU VAINQUEUR DU FEU (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 décembre 2023



CHANT DU FEU
VAINQUEUR DU FEU

Ce feu prenait dans la chair
Et l’aube était son égale
Ce feu prenait dans les mains
Dans le regard dans la voix
ll me faisait avancer
Et je brûlais le désert
Et je caressais ce feu
Feu de terre et de terreur
Contre les terreurs de la nuit
Contre les terreurs de la cendre
Un feu comme une ligne droite
Un feu fatal dans les ténèbres
Comme un pas dans la poussière
Un feu vocal et capital
Qui criait par-dessus les toits

Au feu la mort

Ce feu prenait dans la chair
Ce feu s’en prenait aux chaînes
Aux chaînes et aux murs aux bâillons aux serrures
Aux aveugles aux larmes
Aux naissances infirmes
À la mort que j’avais méchamment mise au monde
Un feu qui s’attaquait aux étoiles éteintes
Aux ailes chues aux fleurs fanées
Un feu qui s’attaquait aux ruines
Un feu qui réparait les désastres du feu

(Paul Eluard)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

L’INCENDIE (André Pieyre de Mandiargues)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2023



 

Julie Heffernan  00wi [1280x768]

L’INCENDIE

Qu’allais-tu donc chercher à travers l’incendie
Derrière des vapeurs à la splendeur baroque
Par le secret d’un escalier en loques
Étranglé de lierres écarlates ?

Quel voeu te fit pousser une porte brûlante
Sainte face de feu et de cendre
A la limite d’un monde morne
Sournoiserie silence délabrement ?

Devant toi ce n’est plus maintenant
Que diamants et rubis qui jouent dans la poussière
Que plâtres retombés sur des carreaux de marbre
Avec des statues blanches des armes
Des mains de verre des vases pleins de larmes
Des nègres de velours et des roses passées
Au bas de murs caducs.

Il vient une dame éclatante et funèbre
Tôt apparue tôt disparue tôt reparue
Plus tôt encore nue
Qui est comme l’ombre d’une désolation.

Nue saignante et noire
Une flammèche en ses cheveux défaits
Rouge comme un oeillet qui crèverait la suie.

Foulant aux pieds les pierres
L’or et l’argent le fracas du cristal
Indifférente à l’opulence ou à la ruine
Dans la beauté d’une heure catastrophique.

Et tu la trouveras peut-être bonne actrice
La géante qui s’étend avec tranquillité
Sur le pavement comme sous un couteau
Tandis qu’alentour explose et se disperse
Le luxe fou de son théâtre de toujours
Que mille langues engloutissent.

(André Pieyre de Mandiargues)

Illustration: Julie Heffernan 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

Quand tout bascule dans la folie (Tahar Ben Jelloun)

Posted by arbrealettres sur 24 novembre 2023




    
Quand tout bascule dans la folie
Il faut garder son calme
Détruire
C’est ce qu’ils savent faire:
Humanité et oeuvres d’art
Culture et civilisation
Livres et chants
Fraternité et élégance
Pudeur et délicatesse
Après les massacres
Ils adressent au Ciel une dernière insulte:
Ils prient les genoux posés sur les ruines du monde.

(Tahar Ben Jelloun)

Recueil: Douleur et lumière du monde
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

La vie passe (Christina Rossetti)

Posted by arbrealettres sur 22 novembre 2023



Illustration
    
La vie passe

La vie passe dit le monde, la vie passe :
Chances, beauté, jeunesse, chaque jour sont minées :
Ta vie jamais ne se poursuit immobile.
L’œil s’obscurcit-il, les cheveux noirs grisonnent-ils
De n’avoir gagné ni myrte ni laurier ?
Je me vêtirai au printemps et fleurirai en mai :
Toi, flétrie au cœur, ne relèveras point ta ruine
Sur mon sein à jamais.
J’ai répondu : C’est vrai.

La vie passe, dit mon âme, la vie passe.
Lourde de crainte et d’espoir, de jeu et de peine ;
Écoute ce qu’en témoin affirme le passé :
Rouille en ton or, une mite ronge tes atours,
Un chancre ton bourgeon, ta feuille doit périr.
A minuit, au chant du coq, au matin un certain jour,
Voici, le fiancé viendra et viendra sans retard :
Toi donc, guette et prie.
J’ai répondu : Oui.

La vie passe, dit mon Dieu, la vie passe :
L’hiver passe après la longue attente :
Raisins neufs sur le cep, figues neuves sur le tendre rameau,
La tourterelle appelle la tourterelle au mai du Paradis.
Je tarde, mais attends-Moi, crois en Moi, guette et prie.
Lève-toi, viens, la nuit a pris fin et vois, il fait jour,
Je te dirai : Mon amour, Ma sœur, Mon Épouse.
J’ai répondu : Oui, pour toujours.

(Christina Rossetti)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »