Neige dehors neige dedans
neige lente sur les frissons
neige noire à crever les yeux
pas un humain qui vous réponde
il doit leur neiger sur la voix
est-ce que tout le monde est mort
est-ce que je suis le dernier vivant
enfoui sous quelques flocons de rien
(posant le rien tout autour je veux dire)
corrompu jusqu’à l’os par le deuil et le froid
car il neige à n’en plus finir
de plein fouet sur le chagrin
comme autrefois doucement sans pardon
neige légère à serrer le coeur
neige lourde à tuer le temps
c’est bien l’éternité comme prévu
qui précipite exactement sur moi
c’est tout simple il ne fallait pas naître
Chaque jour
je me rapproche de mon squelette.
Il a des raisons de se montrer.
Je lui en ai fait voir de bonnes et de mauvaises
sans rien lui demander
lui toujours me demandant, sans voir
comment était le bonheur ou le malheur,
sans se plaindre, sans
distances éphémères de moi.
Maintenant qu’il scrute presque
l’air autour,
que pensera la clavicule cassée,
bijou splendide, les genoux
que j’ai traînés sur des pierres
entre de faux pardons, etcétéra.
Squelette pillé, bientôt
ta vue ne gênera plus aucune velléité.
Tu supporteras l’univers tout nu.
*
Verdad es
Cada día
me acerco más a mi esqueleto.
Se está asomando con razón.
Lo metí en buenas y en feas sin preguntarle nada,
él siempre preguntándome, sin ver
cómo era la dicha o la desdicha,
sin quejarse, sin
distancias efímeras de mí.
Ahora que otea casi
el aire alrededor,
qué pensará la clavícula rota,
joya espléndida, rodillas
que arrastré sobre piedras
entre perdones falsos, etcétera.
Esqueleto saqueado, pronto
no estorbará tu vista ninguna veleidad.
Aguantarás el universo desnudo.
Si vive était la clarté
Que je fermai les yeux
Si pure était la beauté
Que se taire valait mieux
Et maintenant s’il m’arrive de les citer
C’est un peu
Comme on demande pardon de tenter
Dieu
Sais-tu qu’il faut aimer pour devenir heureux ?
C’est la loi de la vie on ne peut la trahir
Sans se blesser soi-même et parfois se haïr
Heureuse condition pour le coeur généreux.
Tu n’as jamais médit. Surtout n’y songe pas
Reste bien grand de paix et fais chanter ta lyre
Au-dessus du pardon comme l’amour délire
C’est la belle prière à faire encor tout bas.
Il te faut donc aimer au grand jeu du destin
Le soleil et les fleurs, le prix de la souffrance
Alors t’apparaîtra celui de l’espérance
Plus grand que la douleur lumineux et certain.
Puisque tu crois au ciel il faut lever les yeux
Ne fais jamais douter ton cœur de sa puissance
Prends ce chemin qui monte et console joyeux
Toutes choses, un jour perdent leur suffisance.
Il te faut donc aimer au fort de l’aquilon
Et même plus encor comme au jour le plus long
Dieu peut-il oublier et le roseau qui tremble
Et l’amour qui se donne à lui et marche d’amble.
Désuet, avec sa médiocre colonnade,
Le vieux château se dresse ; et, d’une aile malade
Sur les mauves asters voletant au hasard,
Un dernier papillon frissonne.
Tout, au jardin fané d’automne,
Dit que je suis venu trop tard.
Là-haut, sur le balcon, dans ses robes de soie,
Avec un cerne autour de ses fiers yeux sans joie,
Orgueilleuse, la reine morne au teint blafard
Retient la main qu’elle veut tendre.
Point de pardon : comment comprendre
Pourquoi je suis venu trop tard ?
***
ZU SPÄT
Altmodisch steht mit schmächtigen Pilastern
Wie sonst das Schloß. Auf violetten Astern
Irrt noch ein später Falter her und hin
Mit krankem Flügelschlagen,
Und welke Beete sagen
Daß ich zu spät gekommen bin.
Und am Balkon in seidenen Gewändern,
Mit stolzen Augen in vertrübten Rändern,
Steht trüb und stolz die blasse Königin,
Und will die Hand erheben, —
Und kann mir nicht vergeben,
Daß ich zu spät gekommen bin.
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
Quittant ses genêts et sa lande
Quand le Breton se fait marin
En allant aux pêches d’Islande
Voici quel est le doux refrain
Que le pauvre gars
Fredonne tout bas
J’aime Paimpol et sa falaise
Son église et son Grand Pardon
J’aime surtout la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !
Le brave Islandais, sans murmure
Jette la ligne et le harpon
Puis, dans un relent de saumure
Il se glisse dans l’entrepont
Et le pauvre gars
Fredonne tout bas
Je serais bien mieux à mon aise
Devant mon joli feu d’ajonc
À côté de la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !
Mais souvent l’océan qu’il dompte
Se réveillant lâche et cruel
Et lorsque que le soir on se compte
Bien des noms manquent à l’appel
Et le pauvre gars
Soupire tout bas
Pour trotter la flotte irlandaise
Puisqu’il faut plus d’un moussaillon
J’épouserons ma petite Paimpolaise
En rentrant au pays breton !
Puis, quand la vague le désigne
L’appelant de sa grosse voix
Le brave Islandais se résigne
En faisant un signe de croix
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas
Serrant la médaille qu’il baise
Glisse dans l’océan sans fond
En songeant à sa Paimpolaise
Qui l’attend au pays breton!
(Théodore Botrel)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette