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Posts Tagged ‘dehors’

Toute chose fait signe vers autre chose (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Toute chose fait signe vers autre chose.

Vers quoi fait signe
l’histoire verticale de l’arbre?
Vers quoi fait signe
l’oasis de ton corps ?
Vers quoi fait signe la lumière
et vers quoi la nuit ?
Vers quoi fait signe
la raideur méthodique des morts ?

Peut-être que tout fait signe vers un centre.
Mais tout centre fait signe vers le dehors.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Recueillir la forme intérieure (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




    
Recueillir la forme intérieure,
celle qui commence aux mêmes bords que l’autre
mais se retourne ensuite
comme une cruche vers sa propre soif.
Recueillir la forme qui n’est le négatif de rien,
qui ne se soucie pas du monde,
ni même des autres formes
et qui semble parfois ne pas se soucier
du propre corps qui la détient.
La recueillir dans sa source invertie,
dans son explosion invertie,
dans son geste d’une intensité si intime
qu’il pourrait créer l’autre côté.
Recueillir l’unique forme qui pourrait nous recueillir
et nous effacer l’autre,
celle qui par erreur s’est tournée vers le dehors.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Des fils (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Gilbert Garcin
    
Des fils qui viennent du dehors
me composent un geste
qui se retourne et m’atteint au-dedans.

Je ne sais qui recherchent ces fils,
quelle autre complicité ou réponse ou lien,
quelle autre conjuration de formes.

Ou peut-être qu’aucun geste ne leur importe
et qu’ils poursuivent simplement
les fils épars de l’autre côté,
pour s’attacher à eux,
et que je suis uniquement
le lieu où le noeud est possible ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Aucun amant n’a osé… (Maria-Mercè Marçal)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024




    
Aucun amant n’a osé…

Aucun amant n’a osé approcher
cet endroit extrême d’où tu me touches.
Dedans dehors, amour, je sens la houle
et je deviens dune et grève et rocher.

Sable et souvenir de demain, mains braves du risque,
miroir de l’ombre de l’hier qui t’a ourdie
hôte de moi, lierre.
Je vis en toi, tes gestes et abordages.

Tu vis en moi, vas dans le clos commun
— eau aux aguets des échos de la terre
qui lave au sel les traces de la guerre —.

Sens-tu le vent qui sonde, coeur à jeun,
les quais lointains où mon orgueil se perd?
Montant en toi, la mer et moi font un.

(Maria-Mercè Marçal)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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LE VENT (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
LE VENT

Le vent
ça brasse de l’air
ça fait danser les feuilles mortes
ça fait claquer les portes
et baisser les paupières

Le vent ça donne des ailes
à ceux qui traînent la patte
ça ramène des nouvelles
de la Terre de Feu aux Carpates

Le vent ça vous matraque
juste ce qu’il faut derrière l’oreille

Ça fait voler les châles
ça fait gonfler les voiles
ça fait danser les flammes
et ça plaque les volants des robes
sur les cuisses des femmes…
ça fait chanter les morts
et vibrer les étoiles

Le vent ça hurle dehors
ça hurle dans la nuit
ça murmure sous les portes
et puis ça pousse des cris

Le vent ça affole les cerveaux
ça bouscule les poivrots
ça retourne les bagnoles

Le vent
ça enflamme les crinières
ça gicle dans l’ornière
ça souffle dans les crânes

Le vent ça sculpte les rochers
ça couche les champs de blé
ça décoiffe les beautés

Le vent ça claque les étendards
ça déchire les drapeaux
ça balaie les remparts

Le vent ça vous plaque contre un mur
ça vous lèche la figure
comme un grand chien joyeux.

Le vent
qui fait tourner la Terre
et tourner la poussière autour de tes pieds nus

Le vent
qui souffle dans ma tête
me chante un air de fête un air de liberté

Le vent

Emportera mes restes
balaiera la poussière
de mes os sur la terre
où j’ai dansé
mortel
parmi les ombres
entre les flammes
autour du feu qui crache
sur le ciel étoilé
des milliards d’étincelles

Vendredi 30 décembre 1994, à Calvi
Un soir de grand vent, la nuit, dans la citadelle.
En repensant aux feux de la Saint-Jean.

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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Sois présent dans l’absence (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



absence

 

Chaque fois que l’absence t’a abandonné,
Tu t’es trouvé impliqué dans la solitude des dieux.
Sois donc « le dedans » errant de ton dehors
Et « le dehors » de ton dedans,
Sois présent dans l’absence.

(Mahmoud Darwich)

 

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IMPRUDENT (Denise Jallais)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



IMPRUDENT

Je t’avais cueilli une maison tiède
Mais tu as voulu jouer tout seul
Dehors
Et tu as joué à mourir

(Denise Jallais)

Illustration

 

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NEIGE (Ludovic Janvier)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
NEIGE

Neige dehors neige dedans
neige lente sur les frissons
neige noire à crever les yeux
pas un humain qui vous réponde
il doit leur neiger sur la voix
est-ce que tout le monde est mort
est-ce que je suis le dernier vivant
enfoui sous quelques flocons de rien
(posant le rien tout autour je veux dire)
corrompu jusqu’à l’os par le deuil et le froid
car il neige à n’en plus finir
de plein fouet sur le chagrin
comme autrefois doucement sans pardon
neige légère à serrer le coeur
neige lourde à tuer le temps
c’est bien l’éternité comme prévu
qui précipite exactement sur moi
c’est tout simple il ne fallait pas naître

(Ludovic Janvier)

Recueil: La mer à boire
Editions: Gallimard

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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Métro, station Wittenbergplatz (Hans Magnus Enzensberger)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2024



    

Métro, station Wittenbergplatz

Ceux qui, sous tes yeux, descendent vers toi
dans l’Hadès quotidien
par l’escalator, ce vieil homme renfrogné
au coeur morose,
et la femme fripée
qui marmonne à part soi son amertume…

Eux aussi pourtant ont été épris,
autrefois, un jour, oublieux d’eux-mêmes,
absents, rayonnants peut-être
d’exaltation, ou pas?
Comment est-ce arrivé? Depuis quand? Et pourquoi?
Dehors, la neige elle aussi s’est déjà transformée

en gadoue

***

U-Bahn Wittenbergplatz

Die dir da entgegensinken, abwärts
in den alltäglichen Hades
auf der Rolltreppe, dieser alte Mann,
ganz bei sich in seinem mürrischen Herzen,
und die zerknitterte Frau,
die etwas Bitteres vor sich hinmurmelt —

die waren doch auch einmal entflammt,
früher, irgendwann, selbstvergessen,
außer sich, strahlend
vor Übermut, oder nicht?
Wie kam es? Seit wann? Und warum?
Draußen der Schnee ist auch schon wieder

zu Matsch geworden

(Hans Magnus Enzensberger)

Recueil: L’HISTOIRE DES NUAGES 99 méditations
Traduction: de l’allemand par Frédéric Joly et Patrick Charbonneau
Editions: Vagabonde

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