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Poésie

Posts Tagged ‘derrière’

Presque hors du ciel (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration: Silvia Leveroni Calvi
    
Presque hors du ciel jette l’ancre entre deux montagnes
la moitié de la lune.
Tournante, errante nuit, la terrassière des yeux.
Que d’étoiles en morceaux à voir dans la flaque.

Elle fait une croix de deuil entre mes sourcils, elle fuit.
Forge de métaux bleus, nuits des luttes silencieuses,
mon coeur tourne comme un volant fou.
Petite venue de si loin, amenée de si loin,
parfois fulgure son regard sous le ciel.

Plainte incessante, tempête, tourbillon de furie,
traverse sur mon coeur, sans t’arrêter.
Ô vent des sépulcres charrie, détruis,
disperse ta racine somnolente.

Déracine les grands arbres de l’autre côté d’elle.
Mais toi, claire petite, question de fumée, épi.
Elle était celle que formait peu à peu le vent
avec des feuilles illuminées.

Derrière les montagnes nocturnes, blanc lys d’incendie,
ah je ne peux rien dire !
Elle était faite de toutes les choses.

Désir violent, toi qui me fendis la poitrine à coups de couteau,
il est l’heure de suivre un autre chemin,
où elle ne sourira pas.

Tempête qui enterra les cloches,
trouble et nouvel essor des tourments
pourquoi la toucher maintenant,
pourquoi l’attrister.

Suivre hélas le chemin qui s’éloigne de tout,
où ne taillade pas l’angoisse, la mort, l’hiver,
avec ses yeux ouverts parmi la rosée.

***

Casi fuera del cielo ancla entre dos montañas la mitad de la luna.
Girante, errante noche, la cavadora de ojos.
A ver cuántas estrellas trizadas en la charca.

Hace una cruz de luto entre mis cejas, huye.
Fragua de metales azules, noches de las calladas luchas,
mi corazón da vueltas como un volante loco.
Niña venida de tan lejos, traída de tan lejos,
a veces fulgurece su mirada debajo del cielo.
Quejumbre, tempestad, remolino de furia,
cruza encima de mi corazón, sin detenerte.

Viento de los sepulcros acarrea, destroza, dispersa tu raíz soñolienta.
Desarraiga los grandes árboles al otro lado de ella.
Pero tú, clara niña, pregunta de humo, espiga.
Era la que iba formando el viento con hojas iluminadas.
Detrás de las montañas nocturnas, blanco lirio de incendio,
ah nada puedo decir! Era hecha de todas las cosas.

Ansiedad que partiste mi pecho a cuchillazos,
es hora de seguir otro camino, donde ella no sonría.
Tempestad que enterró las campanas, turbio revuelo de tormentas
para qué tocarla ahora, para qué entristecerla.

Ay seguir el camino que se aleja de todo,
donde no esté atajando la angustia, la muerte, el invierno,
con sus ojos abiertos entre el rocío.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Une frêle embarcation (Christophe Manon)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2024




    
Une frêle embarcation
dérivant
sur l’océan
sans savoir pourquoi
cherchant une direction
sous le ciel brouillé
voici
(peut-être)
ce que nous sommes
mais le coeur pèse tant
et nous sombrons
dans l’onde
incertaine et trouble
sans recours
adressant de vaines suppliques
à l’ombre
qui se tient dressée
derrière nous.

(Christophe Manon)

Recueil: Provisoires
Editions: NOUS

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Je souffre avec ma créature de tous les jours (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024



Illustration: Guy Swyngedau
    
Je souffre avec ma créature de tous les jours
et j’aime avec ma créature de toutes les nuits,
mais derrière elles deux il est une autre créature
qui n’est pas forcément moins pauvre,
avec quoi je palpe les alentours du monde.

Je ne sais quand sont nées mes trois créatures,
ni quand elles ont appris à se connaître,
mais les trois écoutent quelque chose qui les appelle
de derrière le néant
et savent que le visible est une faille de l’invisible
et peut-être même un appel de l’invisible,
qui peut-être est seul
comme une autre créature
et les attend elles trois.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Étayer la construction du regard (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024



Illustration: Odilon Redon
    
Étayer la construction du regard
avec des poutres de cécité,
pour qu’il ne s’affaisse pas
comme une figure hystérique dans le vent
quand le visible se convertira naturellement en invisible.

puisque ce n’est qu’en mettant
d’autres mains derrière les mains,
d’autres pieds sous les pieds,
une autre ombre au bout de l’ombre,
que nous pourrons connaître le toucher de l’envers,
le chemin de l’envers,
la forme de l’envers
à quoi nous sommes irrémédiablement destinés.

Car l’invisible n’est pas la négation du visible,
mais seulement son inversion et son but.
L’ombre d’une fleur aussi parfume.
Un souvenir ouvre et ferme les paupières.

L’amour est le mot d’ordre du temps.

L’envers est la zone
où tout le perdu se retrouve.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Les regards (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 11 avril 2024



Illustration: Catherine Thiam-Vernanchet
    
Les regards essaient des rencontres nouvelles.

Deux regards perpendiculaires
se croisent sans se voir
ou en se voyant d’autre manière.

Deux regards convergents
se rencontrent dans la pierre qu’ils regardent.

Deux regards qui se séparent
se touchent derrière leurs commencements.

Deux regards parallèles
se frôlent par leur bord le plus fin.

A nul regard il ne suffit de regarder.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Chemin des neiges profondes (Nakamura Kusatao)

Posted by arbrealettres sur 11 avril 2024



Chemin des neiges profondes
Ce qui est derrière semblable
À ce qui est devant.

(Nakamura Kusatao)

 

 

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Pensées marquées (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




    
Pensées marquées.
Nous-mêmes ne leur voyons pas de marques,
mais celui qui distribue le jeu les lit de derrière.

Si nous rendons les cartes nous restons hors du jeu
(et il n’en est pas d’autre).
Si nous ne les rendons pas, le jeu reste hors de nous
(et il n’en est pas d’autre).

Pensées marquées
pour jouer à ne pas jouer.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Pourquoi (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2024




    
Pourquoi les feuilles occupent-elles le lieu des feuilles
et non celui qui reste entre les feuilles ?
Pourquoi ton regard occupe-t-il le vide qui est devant la raison
et non celui qui est derrière ?
Pourquoi te souviens-tu que la lumière meurt
et par contre oublies-tu que l’ombre meurt aussi ?

Pourquoi s’affine le coeur de l’air
jusqu’à ce que le chant devienne un autre vide dans le vide ?.
Pourquoi ne fais-tu silence à l’endroit même
où mourir est la juste présence
suspendue à l’arbre de sa propre vie ?

Pourquoi ces traits où le corps cesse
et non un autre corps et un autre et un autre ?
Pourquoi cette courbe du pourquoi et non le signe
d’une droite sans fin avec un point dessus ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Il se pourrait (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Eric Principaud
    
Il se pourrait que la clarté soit dans le dos
et pivote avec moi
quand je me retourne vivement pour la surprendre.

Il se pourrait que cette apparence de jeu soit la plus
sérieuse donnée physiologique
et que la clarté soit une partie de moi,
celle de derrière.

Il se pourrait qu’il n’y ait pas eu erreur mais pureté :
la clarté, sans mains ;
les yeux donc, près d’autres yeux.

Il se pourrait que tout tende à ouvrir quelque chose,
à nous mettre les mains ou les yeux
dans l’unique clarté tangible,
dans le dos de l’autre,
nous apprenant à faire volte-face dans l’autre.

Il se pourrait que la clarté soit un organe
pour multiplier l’obscur à travers nous,
par on ne sait quelle affaire sans nous.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Je tourne les yeux vers l’arrière (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Odilon Redon
    

Je tourne les yeux vers l’arrière,
comme parfois j’ai placé dieu vers l’avant
ou le toucher pensif avec quoi j’ai aimé.

Et comme parfois je n’ai rien placé,
ni devant ni derrière,
j’ai mis mon ombre
ou celle peut-être de quelque chose qui m’échappe.

Je tourne les yeux vers l’arrière et je meurs derrière moi,
je meurs de ce qu’il n’est là dieu ni quelqu’un.

La mort serait-elle
une pure marche arrière,
une marche arrière sans personne ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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