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Poésie

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Je tourne les yeux vers l’arrière (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Odilon Redon
    

Je tourne les yeux vers l’arrière,
comme parfois j’ai placé dieu vers l’avant
ou le toucher pensif avec quoi j’ai aimé.

Et comme parfois je n’ai rien placé,
ni devant ni derrière,
j’ai mis mon ombre
ou celle peut-être de quelque chose qui m’échappe.

Je tourne les yeux vers l’arrière et je meurs derrière moi,
je meurs de ce qu’il n’est là dieu ni quelqu’un.

La mort serait-elle
une pure marche arrière,
une marche arrière sans personne ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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« Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière… » (Les Dix-Neuf Poèmes anciens des Han)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024



Illustration: Zheng Jian
    
« Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière… »

Verte, si verte l’herbe qui aborde la rivière
Amples, si amples se déploient les saules du jardin
Belle, si belle cette femme qui se tient en haut des marches
Claire et brillante, elle apparaît dans la fenêtre
Charmant, si charmant son visage poudré
Fines, si fines ses mains blanches qui se découvrent
Autrefois chanteuse, elle ornait la maison de musique
La voilà aujourd’hui à un petit qui délaisse son foyer
Comment se résoudre à voir encore son lit inoccupé ?

Le banquet remplit le jour d’échos hilares
Et les joies délicieuses épuisent encore nos mots.
Comment dire cette merveille que le luth accentue ?
Son chant m’amène au voisinage céleste,
Le génie musical embrase l’écoute de ceux qui s’attardent
Et c’est d’un seul coeur que nous portons l’élan de nos souhaits
Mais la fête entamée garde encore une pensée silencieuse.
Les jours des hommes tourbillonnent puis se dispersent.
Si peu de temps pour jouir du beau séjour !
Pourquoi ne pas laisser ses ambitions galoper ?
Pour être ainsi le premier arrivé aux commandes du monde
Pourquoi rester pauvre et ignoré,
Enlisé dans les marais aigres du ressentiment !

(Les Dix-Neuf Poèmes anciens des Han)
(Ier siècle apr. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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IL NEIGE (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2024



Illustration: Paul Signac
    
IL NEIGE

C’est la neige, c’est la neige.
Fascinés par ses flocons
Les géraniums se tendent
Au-delà des croisillons.

C’est la neige et tout s’égare,
Tout s’envole aux alentours,
L’escalier aux marches noires,
Le tournant du carrefour.

C’est la neige, c’est la neige,
Ces flocons qui tombent, c’est
Le ciel qui descend sur terre
En pelisse rapiécée.

Qui, furtif et l’air fantasque,
Nous arrive du grenier
En jouant à cache-cache
Dans la cage d’escalier.

Car la vie ne peut attendre.
C’est Noël, et moins de temps
Qu’il ne faut pour vous le dire,
C’est déjà le nouvel an.

Et la neige tombe, épaisse.
Dans son pas, du même pied,
Avec la même paresse,
La même célérité

Va peut-être le temps même
Les années peut-être vont
Comme les mots d’un poème
Ou la neige à gros flocons ?

C’est la neige, c’est la neige,
C’est la neige et tout s’égare,
Les passants enfarinés
Et les plantes étonnées,
Le tournant du carrefour.

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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LA MORT ROSE (André Breton)

Posted by arbrealettres sur 8 janvier 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
LA MORT ROSE

Les pieuvres ailées guideront une dernière fois la barque
dont les voiles sont faites de ce seul jour heure par heure
C’est la veillée unique après quoi
tu sentiras monter dans tes cheveux le soleil blanc et noir
Des cachots suintera une liqueur plus forte que la mort
Quand on la contemple du haut d’un précipice
Les comètes s’appuieront tendrement aux forêts avant de les foudroyer
Et tout passera dans l’amour invincible
Si jamais le motif des fleuves disparaît
Avant qu’il fasse complètement nuit tu observeras
La grande pause de l’argent
Sur un pêcher en fleur apparaîtront les mains
Qui écrivirent ces vers et qui seront des fuseaux d’argent
Elles aussi et aussi des hirondelles d’argent sur le métier de la pluie
Tu verras l’horizon s’entrouvrir
et c’en sera fini tout à coup du baiser de l’espace
Mais la peur n’existera déjà plus et les carreaux du ciel et de la mer
Voleront au vent plus fort que nous
Que ferai-je du tremblement de ta voix
Souris valseuse autour du seul lustre qui ne tombera pas
Treuil du temps
Je monterai les cœurs des hommes
Pour une suprême lapidation
Ma faim tournoiera comme un diamant trop taillé
Elle nattera les cheveux de son enfant le feu
Silence et vie
Mais les noms des amants seront oubliés
Comme l’adonide goutte de sang
Dans la lumière folle
Demain tu mentiras à ta propre jeunesse
A ta grande jeunesse luciole
Les échos mouleront seuls tous ces lieux qui furent
Et dans l’infinie végétation transparente
Tu te promèneras avec la vitesse
Qui commande aux bêtes des bois
Mon épave peut-être tu t’y égratigneras
Sans la voir comme on se jette sur une arme flottante
C’est que j’appartiendrai au vide semblable aux marches
D’un escalier dont le mouvement s’appelle bien en peine
A toi les parfums dès lors les parfums défendus
L’angélique
Sous la mousse creuse et sous tes pas qui n’en sont pas
Mes rêves seront formels et vains
comme le bruit de paupières de l’eau dans l’ombre
Je m’introduirai dans les tiens pour y sonder la profondeur de tes larmes
Mes appels te laisseront doucement incertaine
Et dans le train fait de tortues de glace
Tu n’auras pas à tirer le signal d’alarme
Tu arriveras seule sur cette plage perdue
Où une étoile descendra sur tes bagages de sable

(André Breton)

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MÉDITATION DU VIEUX PÊCHEUR (William Butler Yeats)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2023



Illustration: Flo DS
    
MÉDITATION DU VIEUX PÊCHEUR

Ô vagues qui dansez à mes pieds comme des enfants qui jouent
Vous lancez vos éclairs furtifs et vos flèches, vous savez ronronner ;
Mais aux juins plus chauds d’autrefois les vagues étaient plus gaies ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

Le hareng ne vient plus comme autrefois dans les courants;
Quelle tristesse ! comme craquait la bourriche dans la charrette
Qui ramenait la pêche au marché de Sligo ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

Et vous, fière jeune fille, vous n’êtes plus si belle
Quand sur l’eau retentit son aviron, que les fières et solitaires
Qui le soir près des filets marchaient sur les galets ;
Mon coeur d’enfant alors ne s’était pas brisé.

***

THE MEDITATION OF THE OLD FISHERMAN

You waves, though you dance by my feet like children ai play,
Though you glow and you glance, though you purr and you dart;
In the Junes that were warmer than these are, the waves were more gay,
When I was a boy with never a crack in my heart.

The herring are not in the tides as they were of old;
My sorrow! for many a creak gave the creel in the can
That carried the take to Sligo town to be sold,
When I was a boy with never a crack in my heart.

And ah, you proud maiden, you are not so fair when his oar
Is heard on the water, as they were, the proud and apart,
Who paced in the eve by the nets on the pebbly shore,
When I was a boy with never a crack in my heart.

(William Butler Yeats)

Recueil: La Rose et autres poèmes
Traduction; de l’anglais (Irlande) par Jean Briat
Editions: POINTS

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REGLES DE VIE (Max-Pol Fouchet)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2023



 

Jean-Emile Laboureur   -1877-1943-le-soldat-sous-la-pluie 551

REGLES DE VIE

Sur l’un des sentiers de la pluie
Dans une flaque d’eau brisée
Nous lirons au détour la lettre
D’un soldat mort en de vieilles guerres

Il y eut un temps où sa marche
Étoilait les miroirs du gel
Les chemins étaient déserts le jour
Le soir venu les corbeaux criaient

Qu’avons-nous appris de cette lettre
Nous reconnaissons le langage
Un ancien mal s’y lit en clair
Le bruit des pas va vers la forêt

L’heure est entre l’aube et le soir
On ne sait la saison ni l’année
Mais la marche d’un soldat la pluie
La nuit qui efface le sentier

(Max-Pol Fouchet)

Illustration: Jean-Emile Laboureur

 

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JE TENAIS A TOUT (Pierre Reverdy)

Posted by arbrealettres sur 30 août 2023




    
JE TENAIS A TOUT

Dans les cloisons de l’air écoute un bruit de pas
Les oiseaux tournent sur ma tête
Leurs cercles ne resteront pas
Mais au fond de l’allée la porte s’est ouverte
On chante bas
Les gens qui passent
n’écoutent pas

Si vos yeux regardaient en l’air

On n’ira pas plus haut que les marches
du grenier ou du paradis
Le temps s’écaille
Dans la chambre où mon ombre a peu à peu grandi
La cloche appelle les passants
Ceux qui s’en vont et ceux qui rentrent
On voudrait ne pas entendre
Mais il faut bientôt repartir
On ne peut pas toujours dormir
Oublier l’heure qui passe
Connaître ce qui va venir
Un nom crié à toutes forces
Regarde sous tes fenêtres
Une figure inconnue qui n’a pas de corps
La rue déserte
La porte ouverte
Tous les trésors rêvés
Ma liberté aussi
Derrière moi sur le pavé
Une chaîne traîne sans bruit

(Pierre Reverdy)

Recueil: Main d’oeuvre 1913-1949
Editions: Gallimard

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JOUR TRANSPARENT (Pierre Reverdy)

Posted by arbrealettres sur 29 août 2023




    
JOUR TRANSPARENT

La voile c’est le ciel plus bas
L’oiseau qui s’étale
Une voix qui passe
Des marches
La chasse
Tout ce qui s’en va

Immense
Intermittent
L’air bat et se rappelle
L’aile qui va tomber
Les cris qui s’amoncellent
Et le bruit sourd des pas courant sur le pavé
Plus haute que l’arbre
que la croix dépasse
l’ombre échevelée
Et sur le chemin le jour qui se casse
n’est pas achevé

(Pierre Reverdy)

Recueil: Main d’oeuvre 1913-1949
Editions: Gallimard

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Le clair du seuil (Michael Edwards)

Posted by arbrealettres sur 29 juillet 2023


vide

Le clair du seuil

Ce n’est plus La maison. Chaque pièce,
Vide, se remplit d’un jour nouveau.
Les livres, les lampes, qui descendent
Lentement sur les marches du rêve,
S’éloignent dans le vague des camions
Un spectre
Fragile nous soutient, si peu nous-mêmes,
Débarrassés, visibles.
Elle rend tout léger, la lumière
Qui entre et qui possède la maison.
La demeure partout tremble de silence.
Une douce clarté efface les cloisons.
L’air est lourd d’une absence d’être.
Nous touchons le soleil sur les fenêtres.

***

Moving House

Look: the base rooms of what was then
Our home fill with unimpeded,
Unforeseen light. Books from shelves,
Bulbs from ceilings, having been
Lowered and crated, will, I suppose,
Have joined all that the house has shed,
In hollow vans. The house and we,
Without, simplified, curtainless.
The light, as if we were not there,
Brims and possesses, while the house
Trembles with silence everywhere.
What is this light? This lightness? We
Observe the air no presence fills,
And touch the sunlight on the sills.

(Michael Edwards)

(NB: l’auteur est bilingue et il a traduit en français son poème puis reconstruit le poème anglais)

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Bouquet de frissons (Michel Butor)

Posted by arbrealettres sur 24 juillet 2023


lezard

Une pensée fleurie
dans une fissure
la langue du lézard
devant un tesson

La tache de lumière violette
sur les marches du porche
à côté de la flaque
où le vieux chien vient boire

(Michel Butor)

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