Le front aux vitres comme font
les veilleurs de chagrin
Ciel dont j’ai dépassé la nuit
Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes
Dans leur double horizon inerte indifférent
Le front aux vitres comme font
les veilleurs de chagrin
Je te cherche par delà l’attente
Par-delà moi-même
Et je ne sais plus tant je t’aime
Lequel de nous deux est absent.
(Paul Eluard)
Recueil:… Bleue comme une orange
Traduction:
Editions: Alternatives
C ‘EST toi que j’appelais du fond de mon enfance
Je te vois revenir et ton regard sans fin
dépasse notre vie en découvrant demain
celui que je serai pour abolir l’absence
On peut toujours être heureux
quand l’avenir a les yeux bleus
«Je suis dépassé.
Je n’arrête pas d’osciller entre deux états :
soit je me noie, soit je flotte.
Quand vais-je me libérer de ce monde de souffrance ?
Quand serai-je libre?»
Le maître ne répond rien.
Au bout de quelques minutes,
le disciple surpris intervient à nouveau :
« Maître ! Ne suis-je pas là, assis en face de vous,
en train de vous poser une question?
— Où es-tu maintenant? demande le maître.
En train de flotter ou en train de te noyer?»
(Zen)
Recueil: Le doigt et la lune (Alexandro Jodorowsky)
Traduction:
Editions: Albin Michel
Une pitié qui dépasse l’entendement,
Est cachée au cœur de l’amour :
La foule qui achète et vend,
Les nuages, vagabonds en voyage,
Les vents froids et humides qui soufflent
Et la coudraie d’ombre qui grandit,
Où coulent les eaux gris-souris,
Menacent la tête que j’aime.
***
THE PITY OF LOVE
A pity beyond all telling
Is hid in the heart of love :
The folk who are buying and selling,
The clouds on their journey above,
The cold wet winds ever blowing,
And the shadowy hazel grove
Where mouse-grey waters are flowing,
Threaten the head that I love.
nous respirons bruyamment de chaleur suffocante
dormant dans la même pièce
l’angoisse plus lourde que l’air
remplit l’espace comme le dioxyde de carbone
et nous étouffons dans le cauchemar
dans le rêve de mon père le vide prolifère
comme les doryphores sur les pommes de terre
jusqu’à la destruction complète des plantations
souvent il tousse
comme un chat qui rejette
une boule de poils
mon frère grince des dents
ma mère est immobile
les lèvres serrées
à l’image de la madone qu’elle prie
quelquefois je me penche sur son visage
pour vérifier si elle respire
j’écoute aussi
nos pieds dépasser les chaussures devenues étroites
nos cheveux s’assombrir
nos cartilages s’user à courir
dehors l’atmosphère se consume
et en nous brûlent nos corps d’enfants
comme les bougies d’anniversaire
suffisamment vite pour que le matin on
ne s’en souvienne plus
(Monika Herceg)
Traduit du croate par Martina Kramer
Recueil: Voix Vives de méditerranée en méditerranée Anthologie Sète 2019
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Les nombres premiers grandissaient avec notre infortune;
En quantité illimitée, voilà que s’additionnaient nos malheurs.
Je connus un instant les lois éparses et presque vaines
de cette raison qu’on qualifie souvent de science exacte;
Et alors, proscrite aux sens, humide face au brouillard,
Elle sentait la complexité de ce qui dépasse la vie.