Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘désert’

INSOMNIE (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2024




INSOMNIE

Veille du miroir :
la lune l’accompagne.
Reflet sur reflet
l’araignée ourdit ses trames.

À peine cligne-t-elle
la pensée en veille :
elle n’est ni fantôme ni idée
ma mort sentinelle.

Je ne suis ni vivant ni mort:
réveillé je suis, réveillé
dans un oeil désert.

(Octavio Paz)

Illustration: Salvador Dali

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Les matins passent clairs et déserts (Cesare Pavese)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024



    

Les matins passent clairs et déserts.
C’est ainsi que tes yeux naguère s’ouvraient.
Le matin s’écoulait lentement,
gouffre de lumière immobile.

En silence. Tu vivais en silence;
les choses vivaient sous tes yeux
(sans peine sans fièvre sans ombre)
comme une mer au matin, claire.

Le matin est partout où, lumière, tu es.
Tu étais les choses et la vie.
En toi éveillés nous respirions
sous le ciel qui encore est en nous.

Sans peine sans fièvre en ce temps,
sans cette ambre pesante du jour foisonnant et étrange.
O lumière, ô lointaine clarté, haleine angoissée,
tourne vers nous tes yeux immobiles et clairs.

Sombre est le matin qui passe
sans la lumière de tes yeux.

(Cesare Pavese)

Recueil: Travailler fatigue La mort viendra et aura tes yeux
Traduction: Gilles de Van
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Blanche abeille (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration
    
Blanche abeille tu bourdonnes — ivre de miel — dans mon âme
et tu te tords en lentes spirales de fumée.

Je suis le désespéré, la parole sans échos,
celui qui perdit tout, et celui qui posséda tout.

Ultime amarre, en toi craque mon anxiété ultime.
En ma terre déserte tu es l’ultime rose.

Ah silencieuse !

Clos tes yeux profonds. Là bat des ailes la nuit.
Ah dénude ton corps de statue craintive.

Tu as des yeux profonds où la nuit bat des ailes.
De frais bras de fleur et giron de rose.

Tes seins ressemblent aux escargots blancs.
Un papillon d’ombre est venu s’endormir sur ton ventre.

Ah silencieuse !

Voici la solitude d’où tu es absente.
Il pleut. Le vent marin chasse d’errantes mouettes.

L’eau marche pieds nus dans les rues trempées.
De cet arbre geignent, comme des malades, les feuilles.

Blanche abeille, absente, encore tu bourdonnes dans mon âme.
Tu revis dans le temps, fine et silencieuse.

Ah silencieuse !

***

Abeja blanca zumbas — ebria de miel — en mi alma
y te tuerces en lentas espirales de humo.

Soy el desesperado, la palabra sin ecos,
el que lo perdió todo, y el que todo lo tuvo.

Última amarra, cruje en ti mi ansiedad última.
En mi tierra desierta eres la última rosa.

Ah silenciosa !

Cierra tus ojos profundos. Allí aletea la noche.
Ah desnuda tu cuerpo de estatua temerosa.

Tienes ojos profundos donde la noche alea.
Frescos brazos de flor y regazo de rosa.

Se parecen tus senos a los caracoles blancos.
Ha venido a dormirse en tu vientre una mariposa de sombra.

Ah silenciosa !

He aquí la soledad de donde estás ausente.
Llueve. El viento del mar caza errantes gaviotas.

El agua anda descalza por las calles mojadas.
De aquel árbol se quejan, como enfermos, las hojas.

Abeja blanca, ausente, aún zumbas en mi alma.
Revives en el tiempo, delgada y silenciosa.

Ah silenciosa !

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

À MA FILLE (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2024




    
À MA FILLE

Ô mon enfant, tu vois, je me soumets.
Fais comme moi : vis du monde éloignée ;
Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.
— Résignée ! —

Sois bonne et douce, et lève un front pieux.
Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
Toi, mon enfant, dans l’azur de tes yeux
Mets ton âme !

Nul n’est heureux et nul n’est triomphant.
L’heure est pour tous une chose incomplète ;
L’heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite.

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
Pour être heureux, à tous, — destin morose ! —
Tout a manqué. Tout, c’est-à-dire, hélas !
Peu de chose.

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l’univers chacun cherche et désire :
Un mot, un nom, un peu d’or, un regard,
Un sourire !

La gaîté manque au grand roi sans amours ;
La goutte d’eau manque au désert immense.
L’homme est un puits où le vide toujours
Recommence.

Vois ces penseurs que nous divinisons,
Vois ces héros dont les fronts nous dominent,
Noms dont toujours nos sombres horizons
S’illuminent !

Après avoir, comme fait un flambeau,
Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,
Ils sont allés chercher dans le tombeau
Un peu d’ombre.

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,
Prend en pitié nos jours vains et sonores.
Chaque matin, il baigne de ses pleurs
Nos aurores.

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,
Sur ce qu’il est et sur ce que nous sommes ;
Une loi sort des choses d’ici-bas,
Et des hommes.

Cette loi sainte, il faut s’y conformer,
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
Ou tout plaindre !

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Au bien (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Au bien:
Celle que j’aime incarne mon désir de vivre
je l’ai prise au présent elle reste au présent
sa douce nudité dispense la lumière

L’air pur passe plus pur de sa bouche à ses yeux
elle voit tout pour moi et je choisis pour elle
la feuille au coeur de l’arbre et le point clair de l’eau

Elle est l’arbre et la feuille et fait déborder l’eau
nous naissons l’un à l’autre ensemble à chaque aurore
et notre rire efface le désert du ciel.

(Paul Eluard)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le désert (Jean-Claude Renard)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2024



Le désert du désert est,
comme le silence du silence,
habité.

(Jean-Claude Renard)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , | Leave a Comment »

Il m’est absolument impossible (Anne Frank)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



Anne Frank 
    

Il m’est absolument impossible
de tout construire sur une base de mort, de misère et de confusion,
je vois comment le monde se transforme lentement en un désert,
j’entends plus fort, toujours plus fort,
le grondement du tonnerre qui approche et nous tuera, nous aussi,

je ressens la souffrance de millions de personnes
et pourtant, quand je regarde le ciel,
je pense que tout finira par s’arranger,
que cette brutalité aura une fin,
que le calme et la paix
reviendront régner sur le monde.

En attendant, je dois garder mes pensées à l’abri,
qui sait, peut-être trouveront-elles une application dans les temps à venir!

(15 juillet 1944)
(Anne Frank)

Journal,
traduit de l’allemand par Tylia Caren et Suzanne Lombard, Calmann-Lévy, 1950.

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

JE SAIS (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
JE SAIS

Je sais
Le coeur qui bat trop fort
et le plaisir des dieux à embrasser
les corps des diables amoureux

L’irrésistible attrait du désir interdit
et les peaux affolées
dans les replis du lit

La sauvage emmêlée les appétits de fauve
l’appel et le rejet les secrets de l’alcôve

Les amants séparés
par la distance et par les heures
les secondes d’éternité crispées sur la douleur

Les impatiences extrêmes les rendez-vous manqués
les taxis qui se traînent quand le corps est pressé

Je sais le feu aux joues
les yeux de braise, les faims de loup
les baisers dans le cou le vent qui rend les amant fous

Je sais

Les aveux suspendus à la bouche cousue
l’incendie des nuits blanches la retenue qui flanche

La rivière des souhaits sous le pont des soupirs
et le poids d’un sourire sur l’arche des regrets

Je sais

Je sais le peu de gratitude
le poison de l’ennui le désert de la solitude
et le froid qui détruit

La passion dans l’impasse
le mot blessant qui chasse le mot doux
qui retient le regard qui s’éteint

les «je t’aime», «je te hais»
le mal, le bien que l’on s’est faits
sans même l’avoir jamais cherché je sais l’aube désabusée

Je sais les mots de braise aux lèvres qui se taisent
et la peur qui nous hante et mes larmes brûlantes

Les appels au secours les signaux de détresse
désespérant d’amour et le vide qui oppresse

Je sais
le geste déplacé
tous les actes manqués
les mots qui dépassent la pensée
et les regards estomaqués

L’innocence des beaux jours les promesses oubliées
les serments pour toujours perdus à tout jamais

Je sais le feu qui passe et le spleen qui revient
le bras qui nous enlace et l’angoisse qui étreint

Mais je sais

Je sais les chagrins qui s’envolent au retour du printemps
et les humeurs frivoles sous le souffle du vent

Les frissons du désir et le temps qui s’étire
comme un chat langoureux comme un homme amoureux

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

LA PETITE FILLE RETROUVÉE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



    


Illustration: William Blake

LA PETITE FILLE RETROUVÉE

Toute la nuit dans la douleur
Les parents de Lyca cheminent
A travers les vallées profondes,
Pendant que les déserts se lamentent.

Las, épuisés de douleur,
La voix rauque d’avoir gémi,
Au bras l’un de l’autre, sept jours,
Ils suivirent les traces des chemins du désert.

Sept nuits ils dorment
Parmi les ténèbres profondes
Et rêvent qu’ils voient leur enfant
Mourante de faim dans l’aride désert.

Pâle, battant les chemins perdus,
Le fantôme erre,
Affamé, faible, pleurant,
Avec des cris sourds, pitoyables.

Surgissant de son insomnie,
La femme tremblante se hâta,
Les pieds douloureux de lassitude,
Elle ne put aller plus loin.

Dans ses bras il la porta,
Dans ses bras cuirassés de douleur,
Jusqu’au moment où, leur barrant la route,
Ils virent un lion couché.

Retourner était inutile.
Bientôt sa lourde crinière
Les fit se prosterner sur le sol,
Puis il marcha fièrement alentour

En reniflant sa proie ;
Mais leur frayeur s’apaise
Quand il leur lèche les mains
Et silencieux se tient près d’eux.

Ils regardent ses yeux,
Remplis de profonde surprise,
S’émerveillant d’y voir
Un esprit couvert d’une armure d’or ;

Sur sa tête une couronne
Et sur ses épaules
Coulait sa crinière dorée.
Évanouie était toute leur crainte ;

« Suivez-moi, dit-il,
Ne pleurez pas votre petite fille,
Dans mon palais profond
Lyca repose endormie. »

Alors ils suivirent
Là où les conduisait la vision
Et virent leur enfant endormie
Parmi les tigres féroces.

Depuis ce jour ils demeurent
Dans un vallon solitaire,
Sans craindre le hurlement du loup
Ni le rugissement du lion.

***

The Little Girl Found (1794)

All the night in woe
Lyca’s parents go
Over valleys deep,
While the deserts weep.

Tired and woe-begone,
Hoarse with making moan,
Arm in arm, seven days
They traced the desert ways.

Seven nights they sleep
Among shadows deep,
And dream they see their child
Starved in desert wild.

Pale through pathless ways
The fancied image strays,
Famished, weeping, weak,
With hollow piteous shriek.

Rising from unrest,
The trembling woman pressed
With feet of weary woe;
She could no further go.

In his arms he bore
Her, armed with sorrow sore;
Till before their way
A couching lion lay.

Turning back was vain:
Soon his heavy mane
Bore them to the ground,
Then he stalked around,

Smelling to his prey;
But their fears allay
When he licks their hands,
And silent by them stands.

They look upon his eyes,
Filled with deep surprise;
And wondering behold
A spirit armed in gold.

On his head a crown,
On his shoulders down
Flowed his golden hair.
Gone was all their care.

‘Follow me,’ he said;
‘Weep not for the maid;
In my palace deep,
Lyca lies asleep.’

Then they followed
Where the vision led,
And saw their sleeping child
Among tigers wild.

To this day they dwell
In a lonely dell,
Nor fear the wolvish howl
Nor the lion’s growl.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LA PETITE FILLE PERDUE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: William Blake
    
LA PETITE FILLE PERDUE

Dans l’avenir,
En vérité, je vous le dis,
La terre au-dessus du sommeil
(Gravez profondément la phrase)

Se lèvera et cherchera
Son doux créateur ;
Et le désert sauvage
Deviendra un jardin de douceur.

Dans les pays du Sud
Où l’aube de l’été
Ne se fane jamais,
La charmante Lyca est étendue.

Elle avait sept ans,
On la nommait la charmante Lyca ;
Elle avait erré longtemps,
Écoutant le chant des oiseaux sauvages.

« Doux sommeil ; viens à moi
Sous cet arbre.
Papa et maman pleurent-ils ?
Où peut dormir la petite Lyca ?

Elle est perdue dans le désert sauvage,
Votre petite enfant.
Comment Lyca dormirait-elle,
Puisque sa maman pleure ?

Si son coeur souffre
Alors que Lyca veille ;
Si sa maman sommeille
Lyca ne pleurera pas.

Menaçante, menaçante nuit,
Sur ce désert étincelant
Que ta lune s’élève
Pendant que je ferme les yeux. »

Lyca endormie était étendue
Pendant que les bêtes de proie,
Venues des cavernes profondes,
Contemplaient la petite endormie.

Le royal lion s’arrêta
Et contempla la petite fille.
Puis il tourna
Autour du lieu sacré.

Léopards, tigres jouent
Autour d’elle tandis qu’elle reposait,
Pendant que le vieux lion
Inclinait sa crinière d’or,

Et il lèche sa poitrine
Et sur son cou
De ses yeux de flamme
Tombent des larmes vermeilles,

Pendant que la lionne
Détache la robe légère
Et ils emportèrent nue
Dans leur tanière la petite fille endormie.

***

The Little Girl Lost (1794)

In futurity
I prophetic see
That the earth from sleep
(Grave the sentence deep)

Shall arise and seek
For her Maker meek;
And the desert wild
Become a garden mild.

In the southern clime,
Where the summer’s prime
Never fades away,
Lovely Lyca lay.

Seven summers old
Lovely Lyca told;
She had wander’d long
Hearing wild birds’ song.

‘Sweet sleep, come to me
Underneath this tree.
Do father, mother, weep?
Where can Lyca sleep?

‘Lost in desert wild
Is your little child.
How can Lyca sleep
If her mother weep?

‘If her heart does ache
Then let Lyca wake;
If my mother sleep,
Lyca shall not weep.

‘Frowning, frowning night,
O’er this desert bright,
Let thy moon arise
While I close my eyes.’

Sleeping Lyca lay
While the beasts of prey,
Come from caverns deep,
View’d the maid asleep.

The kingly lion stood,
And the virgin view’d,
Then he gamboll’d round
O’er the hallow’d ground.

Leopards, tigers, play
Round her as she lay,
While the lion old
Bow’d his mane of gold

And her bosom lick,
And upon her neck
From his eyes of flame
Ruby tears there came;

While the lioness
Loos’d her slender dress,
And naked they convey’d
To caves the sleeping maid.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »