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LA PETITE FILLE RETROUVÉE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



    


Illustration: William Blake

LA PETITE FILLE RETROUVÉE

Toute la nuit dans la douleur
Les parents de Lyca cheminent
A travers les vallées profondes,
Pendant que les déserts se lamentent.

Las, épuisés de douleur,
La voix rauque d’avoir gémi,
Au bras l’un de l’autre, sept jours,
Ils suivirent les traces des chemins du désert.

Sept nuits ils dorment
Parmi les ténèbres profondes
Et rêvent qu’ils voient leur enfant
Mourante de faim dans l’aride désert.

Pâle, battant les chemins perdus,
Le fantôme erre,
Affamé, faible, pleurant,
Avec des cris sourds, pitoyables.

Surgissant de son insomnie,
La femme tremblante se hâta,
Les pieds douloureux de lassitude,
Elle ne put aller plus loin.

Dans ses bras il la porta,
Dans ses bras cuirassés de douleur,
Jusqu’au moment où, leur barrant la route,
Ils virent un lion couché.

Retourner était inutile.
Bientôt sa lourde crinière
Les fit se prosterner sur le sol,
Puis il marcha fièrement alentour

En reniflant sa proie ;
Mais leur frayeur s’apaise
Quand il leur lèche les mains
Et silencieux se tient près d’eux.

Ils regardent ses yeux,
Remplis de profonde surprise,
S’émerveillant d’y voir
Un esprit couvert d’une armure d’or ;

Sur sa tête une couronne
Et sur ses épaules
Coulait sa crinière dorée.
Évanouie était toute leur crainte ;

« Suivez-moi, dit-il,
Ne pleurez pas votre petite fille,
Dans mon palais profond
Lyca repose endormie. »

Alors ils suivirent
Là où les conduisait la vision
Et virent leur enfant endormie
Parmi les tigres féroces.

Depuis ce jour ils demeurent
Dans un vallon solitaire,
Sans craindre le hurlement du loup
Ni le rugissement du lion.

***

The Little Girl Found (1794)

All the night in woe
Lyca’s parents go
Over valleys deep,
While the deserts weep.

Tired and woe-begone,
Hoarse with making moan,
Arm in arm, seven days
They traced the desert ways.

Seven nights they sleep
Among shadows deep,
And dream they see their child
Starved in desert wild.

Pale through pathless ways
The fancied image strays,
Famished, weeping, weak,
With hollow piteous shriek.

Rising from unrest,
The trembling woman pressed
With feet of weary woe;
She could no further go.

In his arms he bore
Her, armed with sorrow sore;
Till before their way
A couching lion lay.

Turning back was vain:
Soon his heavy mane
Bore them to the ground,
Then he stalked around,

Smelling to his prey;
But their fears allay
When he licks their hands,
And silent by them stands.

They look upon his eyes,
Filled with deep surprise;
And wondering behold
A spirit armed in gold.

On his head a crown,
On his shoulders down
Flowed his golden hair.
Gone was all their care.

‘Follow me,’ he said;
‘Weep not for the maid;
In my palace deep,
Lyca lies asleep.’

Then they followed
Where the vision led,
And saw their sleeping child
Among tigers wild.

To this day they dwell
In a lonely dell,
Nor fear the wolvish howl
Nor the lion’s growl.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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SOUVENIR (Emile Ripert)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2023




SOUVENIR

Depuis que tu n’es plus, je te sens bien plus près…
Ah ! que d’autres, au pied des funèbres cyprès,
Se lamentent, croyant que, sombre autoritaire,
La tombe a séparé ceux qui s’aimaient sur terre !
Mon père, je te sens marcher à mes côtés
Ainsi que dans la gloire et l’or des beaux étés
Nos pas faisaient jadis sonner la blanche route…
Ces vers, n’est-ce pas toi qui les dictes sans doute ?
Ah ! dans tes derniers jours, si mornes et si lents,
Quand tu traînais péniblement tes pas tremblants,
Quand ta vue hésitait au bord de la distance,
Nous prolongions, craintifs, ta fragile existence,
Imaginant qu’après ce grand pas traversé
Tu serais à jamais perdu dans le passé…
Or tu vis dans un présent sûr et sans tristesse…
Tes cheveux blancs, ton pas tremblant, père, qu’était-ce ?
Qu’était-ce donc ta vieille pipe, ton chapeau
De feutre noir penché sur ton front ? Le tombeau
A saisi l’apparence et la forme des choses,
Ta voix, ton pas, ton front, tout ce dont se composent
A nos yeux les portraits de ceux qui ne sont plus…
Mais par delà nos yeux, dans les airs absolus,
Père, je ne sais point par quel divin mystère,
Je te sens bien plus près de mon coeur que naguère,
Et je sens de nouveau, quand tantôt c’était moi
Qui protégeais ton pas devenu maladroit,
Que maintenant,- et c’est une douceur amère,-
Je retrouve au-delà de cette ombre mon père,
Qui me protège encor, me guide et me défend,
Car c’est dans l’infini que je suis ton enfant…

(Emile Ripert)

Illustration

 

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Chanson (Giraut de Borneil)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023




    
Chanson

— Hélas, je meurs !
— Qu’as-tu, ami ?
— Je suis trahi !
— Comment cela ?
— Un jour j’ai mis tout mon espoir
Dans les beaux regards d’une Dame.
— C’est pour cela que ton coeur geint ?
— C’est pour cela.
— Ton coeur, l’as-tu laissé au loin ?
— Assurément.
— Es-tu donc si près de la mort ?
— Oui, plus près que je ne peux dire.
— Pourquoi vouloir ainsi mourir ?

— Je suis trop timide et sincère.
— L’as-tu priée ? — Moi ? Par Dieu, non !
— Pourquoi te lamenter si fort
Quand tu ne sais rien de son coeur ?
— Seigneur, elle me fait si peur !
— Comment cela ?

— L’amour d’elle me trouble fort.
— Tu as bien tort.
Crois-tu qu’elle va s’offrir à toi ?
— Non, mais je n’ose m’enhardir.
— Lors, ton mal peut durer longtemps !

— Seigneur, dites, que puis-je faire ?
— Sois bon, courtois.
— Oui, mais encore ?
— Va devant elle sans tarder
Lui faire requête d’amour.
— Et si elle la trouve offensante ?
— Allons, qu’importe !
— Et si sa réponse est méchante ?
— Eh, sois patient,
Toujours la patience triomphe.
— Si le jaloux s’en aperçoit?
— Vous n’en serez que plus rusés.

— Nous ? — Bien sûr !
— Ah, pourvu qu’elle veuille !
— Elle voudra, crois-moi.
— Je vous crois !
— Ta joie vraiment sera doublée
Si tu ne crains pas de parler.
— Seigneur ma douleur est si dure
(elle est mortelle)
qu’il faut part égale pour elle !
— T’aideront donc
Ton audace et ton jugement.
— Et aussi ma bonne espérance.
— Veille à t’expliquer gentement.

— Je ne saurai pas m’exprimer !
— Pourquoi, dis-moi ?
— Je la verrai !
— Tu ne pourras donc lui parler ?
Es-tu à ce point égaré ?
— Oui, quand j’arrive devant elle…
— Tu te défais ?
Oui, je ne suis plus sûr de rien.
– – Tous les amants
Traversent les mêmes misères.
– C’est vrai, je me ferai violence.
_ Bien. Alors, ne perds pas de temps.

– Chacun sait bien
Où l’amour amène les êtres.
Mal vit celui qui meurt d’aimer,
Je sais, je ne peux donc me plaindre !

– Cours au plaisir
Avant que ton secret s’évente.
Ami, ne perds pas ton élan.
Si vulnérable est le bonheur !

(Giraut de Borneil)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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MÉLUSINE (Georg Trakl)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2023



    

MÉLUSINE

A ma fenêtre pleure la nuit —
La nuit est muette, c’est le vent qui pleure,
Le vent, comme un enfant perdu —
Pourquoi pleure-t-il ainsi?
Ô pauvre Mélusine!

Comme du feu sa chevelure flotte dans la tourmente,
Comme du feu passant sur les nuages, et se lamente —
Alors pour toi, pauvre fille,
Mon coeur dit en silence une prière nocturne!
Ô pauvre Mélusine!

(Georg Trakl)

Recueil: Oeuvres complètes
Traduction: de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider
Editions: Gallimard

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BALLADE (Georg Trakl)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2023




    
BALLADE

Un cœur se lamente : tu ne la trouveras pas,
Son pays est bien loin d’ici,
Et étrange est son visage!
La nuit pleure derrière une porte!

Dans la salle de marbre brûlent les lumières,
Ô sourdes, ô sourdes! Quelqu’un meurt ici!
Quelque part un murmure : ô ne viens-tu pas?
La nuit pleure derrière une porte!

Un sanglot encore : ô s’il pouvait voir la lumière!
Alors partout l’obscurité se fit —
Un sanglot : frère, ô ne pries-tu pas?
La nuit pleure derrière une porte.

(Georg Trakl)

Recueil: Oeuvres complètes
Traduction: de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider
Editions: Gallimard

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KLAGELIED (Léon-Paul Fargue)

Posted by arbrealettres sur 8 mars 2023




Illustration: Raymond Peynet

KLAGELIED

O misère de trop aimer.
On se tient mal à cause de cela.
Lorsqu’on donne la main, on rougit.
Pourtant, nous touchons aux fleurs,
Aux cristaux, aux petits encriers.
Et l’on se touche, pour pleurer.
Il me faut beaucoup de silence.
Rien qu’un bruit…
Tranquille au parc bleu :
Pas de l’enfant qui se lamente
En souvenir de tes yeux bleus.

(Léon-Paul Fargue)

Recueil: Poésies Tancrède. Ludions. Poëmes. Pour la musique.
Editions: Gallimard

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POURQUOI? (Franz Hellens)

Posted by arbrealettres sur 15 Mai 2022



 

POURQUOI ?

Pourquoi te lamenter comme le râle
Dans les roseaux, te tordre comme le peuplier,
Pleurer comme le saule,
Entends couler la source, elle rit, fais comme elle
Toujours neuve et pareille en son entier.

Qu’est tout ce mouvement, que sont ces cris, silence
Dans l’énorme concert.
Seuls, une voix, un geste à peine
De cette eau toujours pleine
Donnent un sens à l’instant toujours vert.

(Franz Hellens)

Illustration

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Le feu se lamentait (Malcolm de Chazal)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2021




Le feu
Se lamentait
Que
Le bois
Ne le
Comprenait
Pas.

(Malcolm de Chazal)

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Ange mort, réveille-toi (Rafael Alberti)

Posted by arbrealettres sur 10 novembre 2021




– Ange mort, réveille-toi.
Où te tiens-tu? Illumine
de ton rayon le retour.
[…]
Pour, sans que je me lamente,
creuser une rivière de lumière douce dans ma poitrine
et rendre mon âme navigable.

***

– Ángel muerto, despierta.
Dónde estàas ? Illumina
con tu rayo el retorno.
Para, sin lastimarme,
cavar una ribera de luz dulce em mi pecho
y hacerne el alma navegable.

(Rafael Alberti)

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Sensualité (Jean Moréas)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2021



Sensualité

N’écoute plus l’archet plaintif qui se lamente
Comme un ramier mourant le long des boulingrins ;
Ne tente plus l’essor des rêves pérégrins
Traînant des ailes d’or dans l’argile infamante.
Viens par ici : voici les féeriques décors,
Dans du Sèvres les mets exquis dont tu te sèvres,

Les coupes de Samos pour y tremper tes lèvres,
Et les divans profonds pour reposer ton corps.
Viens par ici : voici l’ardente érubescence
Des cheveux roux piqués de fleurs et de béryls,
Les étangs des yeux pers, et les roses avrils
Des croupes, et les lis des seins frottés d’essence
Viens humer le fumet-et mordre à pleines dents
A la banalité suave de la vie,
Et dormir le sommeil de la bête assouvie,
Dédaigneux des splendeurs des songes transcendants.

(Jean Moréas)

Illustration: Louis Courtat

 

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