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Poésie

Posts Tagged ‘brûler’

Avec les mains brûlées (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024



Illustration: Nébuleuse de l’Aigle Piliers de la Création  
    
Avec les mains brûlées
Je ne suis pas d’ici
Je viens des nébuleuses
J’incise les époques
Et je joue sur les places
Des musiques douloureuses
Des chiens perdus hurlent dans l’Atlantique
Je commence un voyage
Avec les mains brulées
Et je finirai bien
Par faire de mon visage
Une île intraduisible.

(Tristan Cabral)

Recueil: Poèmes à dire
Editions: Chemins de Plume

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OÙ DONC EST LE BONHEUR ? (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Salvador Dali
    
OÙ DONC EST LE BONHEUR ?

Sed satis est jam posse mori.
LUCAIN.

Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné.

Naître, et ne pas savoir que l’enfance éphémère,
Ruisseau de lait qui fuit sans une goutte amère,
Est l’âge du bonheur, et le plus beau moment
Que l’homme, ombre qui passe, ait sous le firmament !

Plus tard, aimer, – garder dans son coeur de jeune homme
Un nom mystérieux que jamais on ne nomme,
Glisser un mot furtif dans une tendre main,
Aspirer aux douceurs d’un ineffable hymen,

Envier l’eau qui fuit, le nuage qui vole,
Sentir son coeur se fondre au son d’une parole,
Connaître un pas qu’on aime et que jaloux on suit,
Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit,

Pleurer surtout cet âge où sommeillent les âmes,
Toujours souffrir ; parmi tous les regards de femmes,
Tous les buissons d’avril, les feux du ciel vermeil,
Ne chercher qu’un regard, qu’une fleur, qu’un soleil !

Puis effeuiller en hâte et d’une main jalouse
Les boutons d’orangers sur le front de l’épouse ;
Tout sentir, être heureux, et pourtant, insensé
Se tourner presque en pleurs vers le malheur passé ;

Voir aux feux de midi, sans espoir qu’il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l’illusion, l’espérance, et sentir
Qu’on vieillit au fardeau croissant du repentir,

Effacer de son front des taches et des rides ;
S’éprendre d’art, de vers, de voyages arides,
De cieux lointains, de mers où s’égarent nos pas ;
Redemander cet âge où l’on ne dormait pas ;

Se dire qu’on était bien malheureux, bien triste,
Bien fou, que maintenant on respire, on existe,
Et, plus vieux de dix ans, s’enfermer tout un jour
Pour relire avec pleurs quelques lettres d’amour !

Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
Rappeler notre enfance et nos beaux jours flétris,
Boire le reste amer de ces parfums aigris,

Être sage, et railler l’amant et le poète,
Et, lorsque nous touchons à la tombe muette,
Suivre en les rappelant d’un oeil mouillé de pleurs
Nos enfants qui déjà sont tournés vers les leurs !

Ainsi l’homme, ô mon Dieu ! marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d’ombre.
C’est donc avoir vécu ! c’est donc avoir été !
Dans la joie et l’amour et la félicité

C’est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.
Voilà de quel nectar la coupe était remplie !
Hélas ! naître pour vivre en désirant la mort !
Grandir en regrettant l’enfance où le coeur dort,

Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie !
Où donc est le bonheur, disais-je ? – Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné !

(Victor Hugo)

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LA PAROLE (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024



Illustration: I.A. 
    
LA PAROLE

Dans le désordre de l’ex-précis
on passe la parole à l’acte

Beau comme

Beau bé bi ba boue
Laid la li lo loup

Sur la table de dissection
la machine à coudre
rend contre
le parapluie

Comme le haut
le bas
sur la table d’émeraude

Phosphènes

Le four de gloire est arrivé

Brûler les états
brûler les étapes

Étreindre le feu
éteindre l’enfer

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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Créer certaines paroles (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024



Illustration: Chantal Dufour
    
Créer certaines paroles non pour les dire,
mais seulement pour les contempler
comme si elles étaient les visages de
créatures nouveau-nées de l’abîme.

Créer ces paroles
avec la gratuité exaltée
d’un feu qui n’aura pas d’usage
et brûlera comme un miroir hypnotique
de notre propre gratuité fondamentale.

Créer ces paroles
uniquement pour que le jeu continue
comme si certaine mer qui n’existe pas
attendait à la fois
certains poissons qui n’existent pas
et certaines vagues qui néanmoins existent.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Tout saut finit par prendre appui (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024




    
Tout saut finit par prendre appui.
Mais est possible en quelque lieu
un saut comme un incendie,
un saut qui consume l’espace
où il devrait prendre fin.

J’ai atteint mes insécurités définitives.
Ici commence le territoire
où l’on peut brûler tout ce qui est final
et créer son propre abîme
pour disparaître au-dedans

La pierre du non-être,
la sûre condition négative,
la pression du néant,
est l’ultime appui qui nous reste.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Tout a brûlé (Tachibana Hokushi)

Posted by arbrealettres sur 10 avril 2024



incendie [800x600]

Tout a brûlé
Heureusement, les fleurs
Avaient achevé de fleurir.

(Tachibana Hokushi)

 

 

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Variations d’orgue (Mireille Gaglio)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024




Variations d’orgue

La musique retentit :
Secrète, harmonieuse,
Tendre et amoureuse.
Les accords, les accents
Ont une saveur d’encens.
L’orgue danse, ondule,
Ses sons nous brûlent :
Séduisants, lancinants,
Amènent l’oubli, le rêve
Dans nos chagrins une trêve…
Le rythme dansant

Est comme un joyau scintillant.
Perle rare,
Prodigieux art
Venu d’antan.

(Mireille Gaglio)

 

 

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LE TIGRE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024



Illustration: William Blake
    
LE TIGRE

Tigre, tigre, brûlant éclair
Dans les forêts de la nuit ;
Quel oeil, quelle main immortelle
A pu ordonner ta terrifiante symétrie ?

Dans quelles profondeurs lointaines, dans quels cieux
Brûlait le feu de tes yeux ?
Sur quelles ailes ose-t-il se dresser ?
Quelle main osa saisir ce feu ?

Et quelle épaule et quel art
Put tordre les muscles de ton coeur ?
Et quand ton coeur commença à battre,
Quelle terrible main, quels terribles pieds ?

Quel fut le marteau, quelle fut la chaîne ?
Dans quelle fournaise était ta cervelle ?
Quelle fut l’enclume ? Quel terrible pouvoir
Osa en étouffer les mortelles terreurs ?

Quand les étoiles jetèrent leurs lances
Et abreuvèrent le ciel de leurs armes,
Sourit-il en contemplant son oeuvre ?
Celui qui créa l’agneau te créa-t-il ?

Tigre, tigre, brûlant éclair
Dans les forêts de la nuit,
Quel oeil, quelle immortelle main
Osa ordonner ta terrifiante symétrie ?

***

The Tyger

Tyger Tyger, burning bright,
In the forests of the night;
What immortal hand or eye,
Could frame thy fearful symmetry?

In what distant deeps or skies.
Burnt the fire of thine eyes?
On what wings dare he aspire?
What the hand, dare seize the fire?

And what shoulder, & what art,
Could twist the sinews of thy heart?
And when thy heart began to beat.
What dread hand? & what dread feet?

What the hammer? what the chain,
In what furnace was thy brain?
What the anvil? what dread grasp.
Dare its deadly terrors clasp?

When the stars threw down their spears
And water’d heaven with their tears:
Did he smile his work to see?
Did he who made the Lamb make thee?

Tyger Tyger burning bright,
In the forests of the night:
What immortal hand or eye,
Dare frame thy fearful symmetry?

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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Les heures défaites (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    
Les heures défaites
Comme des nuages
Brûlés de soleil
Et les heures fraîches
Rames battant l’aube

Les vieilles images
Informes et lentes
De bruit de silence
De nuits de couleurs
De fruits verts mûris
De fruits mûrs mangés

Les neuves visions
D’horizons précis
De claires clairières
De trésors limpides
Dans mes doigts câlins
Dans mes paumes chaudes

Dans nos yeux cachés.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    

ROSACES SOUS L’ANGLE D’OR

Lorsque nous nous regardons
Des nappes de neige étincellent
Sous le soleil qui se rapproche

Des fenêtres ouvrent leurs bras
Tout le long de la voie du bien
S’ouvrent des mains et des oiseaux
S’ouvrent les jours s’ouvrent les nuits
Et les étoiles de l’enfance
Aux quatre coins du ciel immense
Par grand besoin chantent menu

Lorsque nous nous regardons
La peur disparaît le poison
Se perd dans l’herbe fine fraîche

Les ronces dans les temples morts
Tirent de l’ombre enracinée
Leurs fruits ardents rouges et noirs
Le vin de la terre écumante
Noie les abeilles en plein vol
Et les paysans se souviennent
Des années les mieux enfournées

Lorsque nous nous regardons
La distance s’ouvre les veines
Le flot touche à toutes les plages

Les lions les biches les colombes
Tremblants d’air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l’abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle
Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D’un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l’obscur
Voir est partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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