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THE NIGHT YOU SLEPT (Cesare Pavese)

Posted by arbrealettres sur 28 avril 2024



    

THE NIGHT YOU SLEPT

La nuit elle aussi te ressemble,
nuit lointaine qui pleure
muette, dans le coeur profond,
et mornes les étoiles passent.

Une joue effleure une joue
— c’est un frisson glacé,
quelqu’un se débat et t’implore,
seul, perdu en toi, dans ta fièvre.

La nuit souffre et aspire vers
l’aube, pauvre coeur qui tressailles.
O visage fermé, sombre angoisse,
fièvre qui attristes les étoiles,

certains attendent l’aube
comme toi épiant ton visage en silence.
Tu reposes sous la nuit
comme un horizon mort et fermé.

Pauvre coeur qui tressailles,
un jour lointain tu étais l’aube.

(Cesare Pavese)

Recueil: Travailler fatigue La mort viendra et aura tes yeux
Traduction: Gilles de Van
Editions: Gallimard

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Pour mon coeur (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024




    
Pour mon coeur suffit ta poitrine,
pour ta liberté suffisent mes ailes.
De ma bouche parviendra au ciel
ce qui était endormi sur ton âme.

Est en toi la joie naïve de chaque jour.
Tu viens comme la rosée aux corolles.
Tu sapes l’horizon par ton absence.
Éternellement en fugue comme la vague.

J’ai dit que tu chantais dans le vent
comme les pins et comme les mâts.
Comme eux tu es haute et taciturne.
Et tu t’attristes soudain, comme un voyage.

Accueillante comme un vieux chemin.
Tu es peuplée d’échos et de voix nostalgiques.
Je me suis éveillé et parfois émigrent et fuient
des oiseaux qui dormaient sur ton âme.

***

Para mi corazón basta tu pecho,
para tu libertad bastan mis alas.
Desde mi boca llegará hasta el cielo
lo que estaba dormido sobre tu alma.

Es en ti la ilusión de cada día.
Llegas como el rocío a las corolas.
Socavas el horizonte con tu ausencia.
Eternamente en fuga como la ola.

He dicho que cantabas en el viento
como los pinos y como los mástiles.
Como ellos eres alta y taciturna.
Y entristeces de pronto, como un viaje.

Acogedora como un viejo camino.
Te pueblan ecos y voces nostálgicas.
Yo desperté y a veces emigran y huyen
pájaros que dormían en tu alma.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2024



Illustration: OTSUKIMI: Fête de la pleine lune! 
    
QUAND JE SUIS PRISE DE DOUTES

Quoi que tu écrives, tu n’exprimeras point le sens,
car au commencement n’était pas le verbe
mais la joie des corps.

Ensuite est venue la saison de la douce faim.

L’horizon a blanchi et les oiseaux ont attaqué les blés.
Les petits fauves des mots que nous nous lancions
mordaient, de plus en plus acharnés,
notre avenir commun et j’ai compris
que seuls mes sens articulaient
toutes les nuances du bleu
dont ton langage est imprégné.
C’est alors que je t’ai perdu
à la fin d’un poème.

À présent, le silence dans le coeur,
je regarde le ventre lisse de la lune d’août
frémir dans la tasse en porcelaine,
mais tu ne peux pénétrer dans ce paysage
car au-dessus des épaules
tu es un véritable hiver.

Aussi je reste dans ma réalité:
je te rends les mots
je garder ma joie.

(Aksinia Mihaylova)

Recueil: Ciel à perdre
Editions: Gallimard

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À MA FILLE (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2024




    
À MA FILLE

Ô mon enfant, tu vois, je me soumets.
Fais comme moi : vis du monde éloignée ;
Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.
— Résignée ! —

Sois bonne et douce, et lève un front pieux.
Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
Toi, mon enfant, dans l’azur de tes yeux
Mets ton âme !

Nul n’est heureux et nul n’est triomphant.
L’heure est pour tous une chose incomplète ;
L’heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite.

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
Pour être heureux, à tous, — destin morose ! —
Tout a manqué. Tout, c’est-à-dire, hélas !
Peu de chose.

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l’univers chacun cherche et désire :
Un mot, un nom, un peu d’or, un regard,
Un sourire !

La gaîté manque au grand roi sans amours ;
La goutte d’eau manque au désert immense.
L’homme est un puits où le vide toujours
Recommence.

Vois ces penseurs que nous divinisons,
Vois ces héros dont les fronts nous dominent,
Noms dont toujours nos sombres horizons
S’illuminent !

Après avoir, comme fait un flambeau,
Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,
Ils sont allés chercher dans le tombeau
Un peu d’ombre.

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,
Prend en pitié nos jours vains et sonores.
Chaque matin, il baigne de ses pleurs
Nos aurores.

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,
Sur ce qu’il est et sur ce que nous sommes ;
Une loi sort des choses d’ici-bas,
Et des hommes.

Cette loi sainte, il faut s’y conformer,
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
Ou tout plaindre !

(Victor Hugo)

Recueil: Les Contemplations
Editions:

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Les peupliers d’argent (Federico Garcia Lorca)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2024


Les peupliers d’argent
Qui s’inclinent sur l’eau
Savent tout, mais ne parleront jamais.
Le lys de la fontaine
Tait sa tristesse.
Tout est plus digne que l’humanité!

Face au ciel étoilé, la science du silence
Appartient à la fleur tout autant qu’à l’insecte.
La science du chant pour le chant
Habite les bois murmurants
Et les flots de la mer.
Le silence profond de la terre qui vit,
C’est la rose qui nous l’enseigne
Au rosier épanouie.

Il faut répandre le parfum
Que nos âmes enclosent!
Il faut être musique,
Tout lumière et bonté.
Il faut s’ouvrir entier
A l’obscur de la nuit
Pour nous emplir d’immortelle rosée!

Il faut coucher le corps
Dans notre âme inquiète!
Aveugler nos regards du jour de l’au-delà.
Nous devons nous pencher
Sur l’ombre de nos coeurs
Et jeter à Satan l’astre qu’il nous tendit.

Il faut imiter l’arbre
Constamment en prière
Et l’eau de la rivière
Fixe en l’éternité!

Il faut blesser son âme aux griffes des douleurs
Pour qu’y entrent les flammes
De l’horizon astral!

Alors dans l’ombre de l’amour défait
Jaillirait une aurore
Tranquille et maternelle.
Des cités dans le vent disparaîtraient
Et sur un nuage Dieu même
Viendrait nous visiter.

(Federico Garcia Lorca)

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LA CHANSON D’UNE PLINTHE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024



    

LA CHANSON D’UNE PLINTHE

Il était une fois une modeste plinthe
(Modeste pour la plinthe est très-pléonastique
Qu’elle soit composée de bois ou de plastique)
Trop modeste en tout cas pour s’être jamais plainte.

Elle avait bien son lot d’accumulés moutons
Qui provoquaient bientôt de vifs coups de balai
Qui lui tombaient dessus lui pleuvant tout le long.
Ce dont elle souffrait davantage encor c’est

Que nul événement dans sa vie ne survienne:
Uniquement des murs, des couloirs, des jours mornes
Où elle poursuivait sa triste vie de chienne,

N’ayant d’autre horizon que celui qu’elle borne.
Ah! quelle perspective entrevoir pour la plinthe ?
Quelle expérience avoir? Offrons-lui la complainte.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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DÉCOMPOSITION (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
DÉCOMPOSITION

À l’est rien de nouveau
pour combien encore rien de nouveau
Le métal devant la mort devient brûlant
Alors que de lui les gens deviennent glacés
Ne me parlez pas d’un certain Louhansk
Depuis longtemps n’en reste que hansk
Lou rasé sur l’asphalte rouge
Mes amis maintenus en otage —
Et do nestk a tourné son dos
Je ne peux les libérer du sous-sol, au-dessus du sol du dessous du sol
Et vous composez des vers, ouvragés comme des chemises brodées
Vous composez des vers sans aucune aspérité
De la haute poésie d’or
Dans la guerre n’advient pas la poésie
La guerre n’est que décomposition
N’est que lettres
Et toutes font — rrr

Pervomaïsk a été atomisé en pervo et maïsk
Souffrant le martyre dans un éternel recommencement
La guerre y est de nouveau terminée
Sans que la paix éclose pour autant
De baltsevo ?
Dé-terrer mon baltsevo ? Sossioura n’y naîtra plus,
Plus rien d’humain n’y naît plus

Je scrute l’horizon
Réduit à un triangle étranglé
Dans les champs les tournesols ont baissé leur tête
Ils sont devenus noirs et secs, et moi
Je suis déjà une vieille baba
Je ne pourrai jamais plus être Luba
Ne reste que ba

***

 

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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Amants séparés (Hubert Haddad)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024



Illustration: Edvard Munch
    
Amants séparés
scrutant chacun d’un côté
l’horizon vide

(Hubert Haddad)

Recueil: Les Haïkus du peintre d’éventail
Editions: Zulma

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Les heures défaites (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2024




    
Les heures défaites
Comme des nuages
Brûlés de soleil
Et les heures fraîches
Rames battant l’aube

Les vieilles images
Informes et lentes
De bruit de silence
De nuits de couleurs
De fruits verts mûris
De fruits mûrs mangés

Les neuves visions
D’horizons précis
De claires clairières
De trésors limpides
Dans mes doigts câlins
Dans mes paumes chaudes

Dans nos yeux cachés.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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À LA MAUVAISE HEURE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: Vincent Van Gogh
    
À LA MAUVAISE HEURE
Été, en Eubée

Entre nuit et petit jour
j’ai trouvé coincée l’heure sans heure.
L’allégresse impie des oiseaux m’a si tôt réveillée
que je suis sortie dans le reflux des ténèbres.
Mon balcon rame paisiblement
dans les hauts-fonds des couleurs.
Les jardins rêvent encore
de fleurs inconnues.
Lentement se déploie le glorieux horizon
comme un vulgaire mètre-ruban.
La mer a des allures d’oubli : on nous délaisse.
L’immensité a des allures d’oubli. Oubli immense.
Un caïque dans le fond n’avance plus,
la distance l’emporte et joue avec.
Le niveau des couleurs monte en murmurant.
Les formes s’approchent au pas de promenade.
Une rame blanche se réveille,
un toit bat des ailes,
un volet a frémi.
Un clocher se lève effrayé,
coupable : la foi doit se réveiller la première.
première avant tout.
Les formes s’approchent au pas de promenade.
Les portes se dessinent fermées
et les limites s’obstinent.
Les montagnes sorties dans la clarté
te ramènent en arrière.
Et toi où vas-tu, espoir?
Ils sont debout depuis longtemps, les refus.

Et moi, moi qui suis et m’appelle
heure avancée, que viens-je faire
parmi ces bonnes humeurs au berceau?

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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