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Je n’ai pas vu que je passais (Henri Meschonnic)

Posted by arbrealettres sur 17 avril 2024




    
je n’ai pas vu que je passais
puisque le temps c’est moi
c’est fou ce que je nuage
vois mange ce que je vois
le ciel est bleu jusque dans moi

*

je joue avec les nuages
c’est à qui sera plus nuage
plus ciel bleu
je vais plus vite qu’eux
je ne peux plus fermer les yeux
je n’ai plus de limites

(Henri Meschonnic)

Recueil: L’obscur travaille
Editions: Arfuyen

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S’infiltrer dans la substance (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




    
S’infiltrer dans la substance la plus nocturne de l’arbre
et apprendre
la fidélité de la matière à la matière.

La pensée la devine
quand elle pressent sa limite la plus pure :
le saut de pensée par quoi elle s’abandonne.

penser deux choses est déjà ne pas être fidèle,
comme l’est de penser moins d’une.

La matière est un souvenir unique
sous le tulle de l’hiver.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Toujours au bord (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



Toujours au bord.
Mais au bord de quoi?

Nous savons seulement que quelque chose tombe
de l’autre côté de ce bord
et qu’une fois parvenu à sa limite
il n’est plus possible de reculer.

Vertige devant un pressentiment
et devant un soupçon:
lorsqu’on arrive à ce bord
cela aussi qui fut auparavant
devient abîme.

Hypnotisés sur une arête
qui a perdu les surfaces
qui l’avaient formée
et resta en suspens dans l’air.

Acrobates sur un bord nu,
équilibristes sur le vide,
dans un cirque sans autre chapiteau que le ciel
et dont les spectateurs sont partis.

(Roberto Juarroz)

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LIMITE (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024





Illustration: Tamara Lunginovic
    
LIMITE

Le corail imprévu de la fureur d’attendre
Les forêts sont en cage et la rosée est bue
Rancune j’oublierai j’aurai d’autres ivresses
Mais quelle vie les mains fermées sur une absence.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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À LA MAUVAISE HEURE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: Vincent Van Gogh
    
À LA MAUVAISE HEURE
Été, en Eubée

Entre nuit et petit jour
j’ai trouvé coincée l’heure sans heure.
L’allégresse impie des oiseaux m’a si tôt réveillée
que je suis sortie dans le reflux des ténèbres.
Mon balcon rame paisiblement
dans les hauts-fonds des couleurs.
Les jardins rêvent encore
de fleurs inconnues.
Lentement se déploie le glorieux horizon
comme un vulgaire mètre-ruban.
La mer a des allures d’oubli : on nous délaisse.
L’immensité a des allures d’oubli. Oubli immense.
Un caïque dans le fond n’avance plus,
la distance l’emporte et joue avec.
Le niveau des couleurs monte en murmurant.
Les formes s’approchent au pas de promenade.
Une rame blanche se réveille,
un toit bat des ailes,
un volet a frémi.
Un clocher se lève effrayé,
coupable : la foi doit se réveiller la première.
première avant tout.
Les formes s’approchent au pas de promenade.
Les portes se dessinent fermées
et les limites s’obstinent.
Les montagnes sorties dans la clarté
te ramènent en arrière.
Et toi où vas-tu, espoir?
Ils sont debout depuis longtemps, les refus.

Et moi, moi qui suis et m’appelle
heure avancée, que viens-je faire
parmi ces bonnes humeurs au berceau?

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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Je suis celui… (Pierre Seghers)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024




    
Je suis celui…

Je suis celui
d’un seul moment qui durera toute la vie
Eclair, éclat, le miroitement d’un instant
Un ricochet sur une autre peau, le rebond d’un galet qu’emporte
un torrent, le temps des lèvres sur le temps.

Je ne suis rien que la durée insaisissable d’une poussière
Pas de limite pour ce point
Imperceptible, irrécupérable, dans les trombes des Voies lactées

Rien ne me justifie, sinon d’être. Je passe
je reviens et m’efface et je réapparais
toujours le même, un blé venu des sarcophages
né pour ensemencer et faire d’autres grains
du secret qui n’est rien, un homme, une misère…

(Pierre Seghers)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Editions: Bruno Doucey

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CHANT DANS LA NUIT (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



    

CHANT DANS LA NUIT

Le genre humain souffre d’une triple maladie :
la naissance, la vie et la mort.
(Saint Bernard)

Trois peines sont autour de nous :
Naître, vivre, mourir au bout.

Trois misères ouvrent leur bec
Livide pour nous boire avec.

Trois heures attendent, trois nuits,
Pour jeter nos pieds dans leur puits,

Trois gouffres pour tomber dedans…
Pourtant j’ai dans le coeur, pourtant

J’ai dans le coeur un fol chemin
Pour nous enfuir du sort humain.

J’ai dans le coeur — et vous aussi —
Une aile pour sortir d’ici…

J’ai dans le coeur un grand Amour
Qui de la terre fait le tour;

Qui vole au monde, pleure et prend
Le mal du monde au loin souffrant,

Pour le porter entre mes bras
De femme comme mi enfant las;

Pour le porter si je pouvais
À l’abri, hors du temps mauvais;

Le porter pour passer le champ
Qui meurt du levant au couchant;

Le porter pour passer le soir
Sans bornes où crie un mal noir;

Le porter et trouver le pont
Pour passer le destin profond ;

Le porter en volant plus haut
Que le milan, que le gerfaut,

Plus large que l’aigle, plus fort,
Pour passer la Vie et la mort…

***

J’ai dans le coeur un grand Amour…
D’un homme à peine il fait le tour.

J’ai dans le coeur cet amour vain
Qui n’est pas plus grand que ma main.

Cet amour qui n’est long jamais
Aussi long que l’instant mauvais.

Court d’haleine, court d’horizon,
Un amour serré de maison

Qui n’a plus d’yeux pour s’alarmer
Dès que les volets sont fermés…

J’ai dans le coeur une Pitié,
Une servante de quartier

Qui part et va donner ses mains
Aux trois fardeaux de son prochain ;

Qui peine et ne peut faire rien
Que peiner, vaine, et s’en revient,

Les pieds stériles, sans avoir
Déchargé personne le soir…

J’ai dans le coeur ces quatre pas
D’un sentier qui n’arrive pas,

Qui vague dans le mal ardent
De son frère et se perd dedans,

Et l’abandonne à son besoin
Sans pouvoir le guérir plus loin,

Sans pouvoir, ô triste, ô Pitié,
Sauver un homme tout entier…

***

Trois peines sont autour de nous…
J’ai beau pleurer, saigner sur vous,

Gens de douleurs, j’ai beau courir
Pour vous arrêter de mourir,

J’ai beau vous appeler, les bras
Tout grands ouverts, je ne peux pas,

Ô vous tous Ah! — ils sont trop étroits —
Vous donner asile en ma croix,

Je ne peux pas — ils sont trop las,
Trop faibles — vous tirer d’en bas,

Je ne peux pas, gens de douleurs,
Vous soulever hors de malheur…

***

J’ai dans le coeur ce vain amour…
O vous qui périssez autour,

Si le chemin est dans mon coeur,
C’est que le pays est ailleurs;

L’Amour, en mon coeur d’un moment,
S’il souffle, ailleurs est né le vent.

L’Amour, en mon coeur de hasard,
S’il passe, il demeure autre part.

L’Amour que je loge à l’étroit,
Il habite un divin endroit,

Un lieu sans limites, sans murs,
Derrière tous les lieux obscurs.

Et je le vais au loin cherchant
Comme quelqu’un à travers champs,

Quelqu’un qui sera mon Amour
Chargé des pauvres d’alentour;

Quelqu’un qui sera ma Pitié
Qui saigne pour le monde entier;

Quelqu’un qui sera mon coeur gros
De cette terre sans repos ;

Quelqu’un qui sera mon coeur lourd
De cette foule sans secours,

Qui sera mon coeur, mais si grand
Que l’Homme s’y sauve en entrant.

Qui sera mon coeur, mais si fort
Qu’il prendra la Vie et la Mort

Comme deux ailes sur son dos…
Et voleront nos trois fardeaux !

Et voleront nos trois malheurs!
Et naîtront les gens de douleurs,

Et vivront, et mourront, gonflés
D’azur comme le grain de blé

Qui se perd en terre au printemps
Y meurt et pousse au ciel dedans.

….

Quelqu’un… Je crois en Lui, j’attends.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les chants de la Merci suivi de Chants des Quatre-Temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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Ce plein (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2023




    
Ce plein

De l’autre côté
De nous
Ce plein
Regorgeant d’infini

Au travers
De nous
Cet éclair
Inommé

À l’autre versant
De nous
Ce lieu
Bouleversant les limites.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Empreintes (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2023




    
Empreintes

D’où surgissent
Ces empreintes
Qui cisaillent
Le temps?

Où mène
Le signe
Qui rompt
L’encerclement?

Que dévoilent
Ces traces
Qui franchissent
Leurs limites?

Qui invente
D’autres angles
Qui ranime
L’instant?

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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PARS ! (Jetsün Milarépa)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



méditation

PARS !

Pars méditer dans les montagnes désertes,
Prends l’exemple des hautes montagnes,
Pratique sans trembler la méditation.
Prends l’exemple des rivières tout en bas,
Médite ainsi que le flot continu.

Prends l’exemple de l’espace azuré,
Médite l’absence de centre et de limites.
Prends l’exemple du soleil et de la lune,
Médite une lumière qui jamais ne faiblit.
— Pour lire dans les apparences comme dans un livre,
C’est en ton propre esprit que tu dois étudier.

Et à n’importe quel moment,
Fais provision d’une charité inépuisable,
Monte le cheval magique de l’énergie,
Hâte-toi vers la cité de la méditation.

(Jetsün Milarépa)

Illustration

 

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