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Poésie

Posts Tagged ‘au travers’

Ce plein (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2023




    
Ce plein

De l’autre côté
De nous
Ce plein
Regorgeant d’infini

Au travers
De nous
Cet éclair
Inommé

À l’autre versant
De nous
Ce lieu
Bouleversant les limites.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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ÉCHARPE INDIENNE (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
ÉCHARPE INDIENNE

Par inadvertance,
recours réflexe ou inconscient
à des douceurs anciennes,

j’ai noué autour de mon cou
une écharpe indienne à la trame si ténue
qu’on lui voit au travers,

aussitôt Manali, Bénarès, Jaisalmer,
confins tant cajolés du ressouvenir,
sont venus m’effleurer dans notre confinement

d’une étreinte si affectueuse, si légère,
que terre et ciel soudain n’étaient plus
qu’un bel embarcadère.

(André Velter)

Recueil: Séduire l’univers précédé de à contre peur
Editions: Gallimard

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ET TA ROBE EST BLANCHE (Salvatore Quasimodo)

Posted by arbrealettres sur 20 août 2023




    
ET TA ROBE EST BLANCHE

Tu as penché ta tête et me regardes;
et ta robe est blanche,
un sein affleure au travers des dentelles
qui se défont sur ton épaule gauche.

Je te revois. Tu avais
des mots contenus et
rapides avivant soudain ce
coeur accablé par une vie
que je savais de cirque.

La route était profonde
par où le vent coulait
certaines nuits de mars, et
nous réveillait inconnus
ainsi qu’au premier jour.

(Salvatore Quasimodo)

Recueil: Poèmes
Traduction: Pericle Pattocchi
Editions: Rombaldi

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Les parfums (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2023



Illustration: Maureen Wingrove alias Diglee
    
Les parfums

Mon coeur est un palais plein de parfums flottants
Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire,
Et le brusque réveil de leurs bouquets latents
– Sachets glissés au coin de la profonde armoire –

Soulève le linceul de mes plaisirs défunts
Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes…
Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums,
Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes !

Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons,
Odeur du premier feu dans les chambres humides,
Arômes épandus dans les vieilles maisons
Et pâmés au velours des tentures rigides ;

Apaisante saveur qui s’échappe du four,
Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures,
Souvenir effacé de notre jeune amour
Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ;

Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal,
Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie,
Arôme jubilant de l’azur matinal,
Parfums exaspérés de la terre amollie ;

Souffle des mers chargés de varech et de sel,
Tiède enveloppement de la grange bondée,
Torpeur claustrale éparse aux pages du missel,
Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ;

Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers,
Enivrante fraîcheur qui coule des lessives,
Baumes vivifiants aux parfums familiers,
Vapeur du thé qui chante en montant aux solives !

– J’ai dans mon coeur un parc où s’égarent mes maux,
Des vases transparents où le lilas se fane,
Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux,
Des flacons de poison et d’essence profane.

Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement
En un coin retiré sur des nattes de paille,
Et l’arôme subtil de leur avortement
Se dégage au travers d’une invisible entaille…

– Et mon fixe regard qui veille dans la nuit
Sait un caveau secret que la myrrhe parfume,
Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit,
Est un amas de cendre encor chaude qui fume.

– Je vais buvant l’haleine et les fluidités
Des odorants frissons que le vent éparpille,
Et j’ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés,
Un vase d’Orient où brûle une pastille.

(Anna de Noailles)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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AU TEMPS PRÉSENT (Henrique Huaco)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2023




    
AU TEMPS PRÉSENT

Au crépuscule je me lève et m’envole
dans ma grande chemise d’ange
au-dessus de la terre ;
je vole sur les fleuves et les arbres,
je vole sur le bois tendre et fragile
des paliers de ce monde.

Mais mes yeux restent fermés.
Ma bouche à peine montre la tristesse,
pour les humbles jours de terreur qui m’attendent
derrière et devant moi,
comme un grand pont.

Penché sur le bord de ce fleuve à Paris
appelé la «Seine»,
celui qui va aux marchés
les matinées du Samedi
transportant la cendre et la lumière d’autres temps,
je me suis retourné pour me deviner
plus clairement dans l’eau.

Peut-être je me suis perdu,
comme disent les bonnes gens.
Peut-être je me suis perdu
en bougeant la tête,
en secouant la manche de chemise,
en retournant la chaussure
multipliant mon ombre
sur la terre
à chaque geste, chaque mot,
avec la voix qui s’éloigne
et la voix qui revient
sur ce miroir d’eaux.

Nous imaginons des anges et des voix,
nous imaginons des bois et des visages
au travers de l’obscurité
sans personne qui grandit,
au travers du linceul
que jours et nuits nous imposent
avec leurs quatre saisons,
leurs jours, leurs mois,
leurs heures.

Mais où est la grâce ?
En regardant dans quelle direction
au-dessus ou au-dessous de moi ?
Mais où est la grâce ?

Je suis suspendu
sans ombre entre les doigts,
sans ombre aux semelles,
espérant qu’ils m’empoignent
pour entendre.

***

EN EL TIEMPO PRESENTE

Al anochecer me levanto y vuelo
en mi gran camisón de ángel
sobre la tierra;
vuelo sobre los ríos y los árboles,
vuelo sobre la madera tierna y fácil
de los pisos de este mundo.

Pero mis ojos permanecen cerrados.
Mi boca apenas muestra la tristeza,
po los días humildes de terror que me aguardan,
detrás y delante de mí,
como un gran puente.

Reclinado al borde de ese río en París,
llamado «La Seine »,
aquel que va a los mercados
en las mañanas del sábado
trayendo la ceniza y luz de otros tiempos,
me he volteado para adivinarme
más claramente sobre las aguas.

Acaso me he perdido,
como dicen las buenas gentes.
Acaso me he perdido
moviendo la cabeza,
sacudiendo la manga de la camisa,
doblando el zapato,
multiplicando mi sombra
sobre la tierra
con cada gesto, cada palabra,
con la voz que se aleja
y la voz que regresa
sobre este espejo de aguas.

Imagínamos ángeles y voces,
imaginamos bosques y rostros
a través de la oscuridad
sin gente que crece,
a través de la mortaja
que los días y las noches nos imponen
con sus cuatro estaciones,
sus días y sus meses,
sus horas.

Pero dónde está la gracia ?
Y mirando hacia qué lado,
encima o debajo de mí?
Pero dónde está la gracia ?

Estoy suspendido
sin sombra entre los dedos,
sin sombra en las suelas,
esperando que me empujen
para oír.

(Henrique Huaco)

Recueil: La peau du temps
Traduction: Anne-Marie Vindras
Editions: des Crépuscules

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LA CINQUIÈME SAISON (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 26 décembre 2022




    
LA CINQUIÈME SAISON

S’il faut nommer le ciel je commence par toi
Je reconnais tes mains à la forme du toit

L’été je dors dans la grange de tes épaules
Les hirondelles de ta poitrine me frôlent

Dressées contre ma joue les tiges de ton sang
Le rideau de ta chevelure qui descend

Je te cache pour moi dans la ruche des flammes
Reine du feu parmi les frelons noirs des âmes

Par l’automne épargnés tes yeux sont toujours verts
Les fleuves continuent de passer au travers

Ton souffle achève au loin le clapotis des plaines
On ne sait plus si c’est le soir ou ton haleine

En hiver tu secoues la neige de ton front
Tu es la tache lumineuse du plafond

Et je ferme au-delà des mers le paysage
Avec les hautes falaises de ton visage

L’étrave du printemps glisse entre tes genoux
Lentement le soleil s’est approché de nous

Tu traverses la nuit plus douce que la lampe
Tes doigts frêles battant les vitres de ma tempe

Je partage avec toi la cinquième saison
La fleur la branche et l’aile au bord de la maison

Les grands espaces bleus qui cernent ma jeunesse
Sur le mur le dernier reflet d’une caresse.

(René Guy Cadou)

 

Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers

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Assis avec ma femme au début du printemps (Xu Junqian)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Assis avec ma femme au début du printemps

Toilettes et parures audacieuses,
Tu t’apprêtes toujours d’avant-garde.
L’herbe encore courte perce au travers des sandales
Les prunes en promesse détachent leur parfum d’à venir
Les arbres s’inclinent pour cueillir ton châle de brocarts
Et l’air s’élève délicat puis dégage ton col écarlate
Remplis ma coupe de vin d’orchidée !
Cette seule vue fait chanter mon esprit.

(Xu Junqian)

(540-609)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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PRENEZ LES GENS… (Janine Mitaud)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2022




    
PRENEZ LES GENS…

Prenez les gens pour des nuages
Passez au travers des nuages
Et vous ne verrez pas l’orage

L’amour n’est plus qu’un jeu mortel
Et les symboles du langage
Déguisent bien le désespoir
Vous chantez fumées et feuillages
Vous réduisez à des images
Mon corps plus vif que sève et feu
Il perd pour vous l’éclat charnel
Vous le rangez dans l’irréel —
Le son du vent et mes appels
Confondus dans votre savoir —

Je suis vivante et mon cri tranche
Tous ces déserts imaginaires
Oasis, oiseaux indulgents
Ne croissent pas dans mon domaine
Mais je fends la coque des mots
Et j’y surprends la mer sauvage
Dont le désir franchit les plages.

(Janine Mitaud)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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Désaffection (André Frénaud)

Posted by arbrealettres sur 16 juillet 2021



Désaffection

La grande auge au travers de la forêt,
si les moutons n’y passent plus, ni personne,
n’offrant plus rien,
exténuée,
immobile désormais.

(André Frénaud)

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Jour nuit soleil et arbres (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 19 juin 2020



Jean Tardieu
    
(Recueil Jours pétrifiés)
Jour nuit soleil et arbres

Certains mots sont tellement élimés, distendus, que ‘l’on peut voir le jour au travers.
Immenses lieux communs, légers comme des nappes de brouillard – par cela même difficile à manœuvrer.
Mais ces hautes figures vidées, termes interchangeables, déjà près de passer dans le camp des signes algébriques,
ne prenant un sens que par leur place et leur fonction, semblent propres à des combinaisons précises
chaque fois que l’esprit touche au mystère de l’apparition et de l’évanouissement des objets.

I
Est-ce pour moi ce jour ces tremblantes prairies
ce soleil dans les yeux ce gravier encore chaud
ces volets agités par le vent, cette pluie
sur les feuilles, ce mur sans drame, cet oiseau ?

II
L’esprit porté vers le bruit de la mer
que je ne peux entendre
ou bien vers cet espace interdit aux étoiles
dont je garde le souvenir
je rencontre la voix la chaleur
l’odeur des arbres surprenants
j’embrasse un corps mystérieux
je serre les mains des amis

III
De quelle vie et de quel monde ont-ils parlé ?

– De jours pleins de soleil où nous nous avançons,
d’espace qui résiste à peine à nos mains et de nuits
que n’épaissira plus l’obscurité légère.

IV
Entre les murs un visage survint
qui se donnait le devoir de sourire
et m’entraîna vers une autre fenêtre
d’où le nuage à ce moment sortait.

Tout était lourd d’un orage secret
un homme en bleu sur le seuil s’avançait
le tonnerre éclata dans ma poitrine
un chien les oreilles basses
rentrait à reculons.

V
Mémoire
Et l’ombre encor tournait autour des arbres
et le soleil perdait ses larges feuilles
et l’étendue le temps engloutissait
et j’étais là je regardais.

VI
Je dissipe un bien que j’ignore
je me repais d’un inconnu
je ne sais pas quel est ce jour ni comment faire
pour être admis.

VII
Comme alors le soleil (il était dans la nuit
il roule il apparaît avec silence
avec amour, gardant pour lui l’horreur)
ainsi viendront les jours du tonnerre enchaîné
ainsi les monstres souriants ainsi les arbres
les bras ouverts, ainsi les derniers criminels
ainsi
la joie.

VIII
Quand la nuit de mon coeur descendra dans mes mains
et de mes mains dans l’eau qui baigne toutes choses
ayant plongé je remonterai nu
dans toutes les images :
un mot pour chaque feuille un geste pour chaque ombre
« c’est moi je vous entends c’est moi qui vous connais
et c’est moi qui vous change. »

IX
Je n’attends pas un dieu plus pur que le jour même
il monte je le vois ma vie est dans ses mains :
la terre qui s’étend sous les arbres que j’aime
prolonge dans le ciel les fleuves les chemins…
Je pars j’ai cent mille ans pour cet heureux voyage.

X
Epitaphe
Pour briser le lien du jour et des saisons
pour savoir quelle était cette voix inconnue
sur le pont du soleil à l’écart de ma vie
je me suis arrêté.
Et les fleuves ont fui, l’ombre s’est reconnue
espace les yeux blancs j’écoute et parle encore
je me souviens de tout même d’avoir été.

(Jean Tardieu)

 

Recueil: Jean Tardieu Un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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