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Poésie

Posts Tagged ‘nouer’

Délié des doigts de l’air (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024



Illustration: Zinovy Shersher
    
Délié des doigts de l’air l’élan
Le vase d’or d’un baiser

La gorge lourde et lente
Par mille gerbes balancée
Arrive aux fêtes de ses fleurs

Elle donne soif et faim

Son corps est un amoureux nu
Il s’échappe de ses yeux
Et la lumière noue la nuit la chair la terre
La lumière sans fond d’un corps abandonné
Et de deux yeux qui se répètent

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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CHOSES NOUÉES (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




Illustration: Johann Melchior Georg Schmidtner
    
CHOSES NOUÉES
Excursion

La mer à Skaramangas est nouée,
compacte. Les pétroliers dégagent
une fumée noire d’immobilité.
Mettons que tu existes.

Le parcours se dilate suspendu au regard.
Un nuage sale tache les routes là-haut,
en bas l’âme pure est reportée encore.
Mettons que tu existes.

La bride du cheval restera nouée à l’arbre.
Dans ma cervelle, beaucoup de pareils noeuds,
beaucoup de pareils liens.
Mettons que tu existes.

Dans le rétroviseur se regarde
un puits à sec.
La terre ici et là fraîchement creusée.
Le même soin
pour les morts et les graines.
La terre frémit.
Mettons que tu existes.

À Mycènes exclamations et tombeaux.
Pierre tourmentée par la célébrité.
Passions de bonne famille, dignes de mémoire.
Nos passions à nous
n’auront pas le moindre visiteur,
l’oubli les attend, affamé toujours.
Mettons que tu existes.

À Nauplie encore un bateau blanc.
pas tout à fait bateau et pas tout à fait blanc.
Mettons que tu existes.

Laissant les équivoques
nous sommes entrés dans les roseaux
les citronniers les cyprès.
Image fruitière — je t’arrose.
Mettons que tu existes.

Au loin dans la montée
halète un petit train noir.
Comme une délivrance à bout de forces.
Mettons que tu existes.
Comme l’eau coulant dans des régions désertes,
comme une balle dans le coeur d’un oiseau empaillé.
Superflus.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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Accolés l’un à l’autre… (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 29 janvier 2024



    

Accolés l’un à l’autre…

Accolés l’un à l’autre
soudés par tant de glus
hasardeuses
que figea l’ombre entre leurs chairs
calleuses

des abîmes
ignorés
les séparent

Mais ailleurs
l’un de l’autre si loin
séparés par de telles distances
visibles

un flux les noue
à l’impalpable corps
de l’espace

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Editions: Gallimard

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L’ÉPOUVANTE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



Illustration: Edouard Vuillard    
    
L’ÉPOUVANTE

Bon appétit, cher vieux et chère vieille !
Nous voici tous les trois rompant le même pain,
À table, assis en paix. Chers vieux, avez-vous faim ?
Qu’est-ce que notre vie hier, ce soir, demain ?
Une chose longue et toujours pareille.

Nos jours sur nos jours dorment sans bouger.
Nos yeux n’attendent rien en regardant la porte.
La servante va, vient, apporte un plat, l’emporte,
C’est tout… Quel froid aigu me perce de la sorte ?
Emportez tout ! Je ne peux plus manger.

Un soir, ainsi, la table sera mise
À la même lueur des mêmes chandeliers,
L’horloge hachera l’heure à coups réguliers,
Et moi, seule, entre tous nos objets familiers,
J’aurai le coeur plein de brusque surprise.

Je chercherai longtemps autour de moi,
À ma gauche, toi, père, et toi, mère, à ma droite ;
J’écouterai respirer la maison étroite,
Stupéfaite, perdue et l’âme maladroite
Se heurtant partout sans savoir pourquoi.

J’essayerai d’y voir, de tout reconnaître,
Les carreaux effrités et la tenture à fleurs,
Cherchant dans les dessins du marbre, ses couleurs,
Noue passé comme une trace de voleurs,
Tel un chien qui suit l’odeur de son maître.

Et chaque profil du temps ancien,
Je le retrouverai, les yeux béants, stupide,
Considérant, le coeur trahi par chaque guide,
Tous les objets présents et la demeure vide…
— Mère, laissez-moi, je ne veux plus rien.

Mère, toi, mère à ma droite attablée,
Tu sortiras dehors par cette porte un jour.
Les gens endimanchés t’attendront dans la cour.
Passant au milieu d’eux, tout droit et sans retour,
Tu conduiras ta dernière assemblée.

Ô père, un soir, comme ces étrangers
Qu’on chasse dans la nuit, un soir de sombre alerte,
T’arrachant de ton lit, chose d’un drap couverte,
On te jettera hors de ta maison ouverte…
C’est vrai… c’est sûr… Et pourtant vous mangez.

Vous irez errants parmi des ténèbres,
— Je ne sais pas quelles ténèbres, — dans un trou,
— Je ne sais pas lequel… — Je ne saurai pas où
Vous rejoindre et vaguant çà et là comme un fou,
Je me perdrai sur des routes funèbres.

Et vous mangez ! Tranquilles, vous portez
La gaîté des fruits mûrs à votre lèvre blême !
Laissez-moi vous toucher, je vous ai, je vous aime…
(Pardon, je suis parfois maladroite à l’extrême
Et sans le vouloir je vous ai heurtés).

Êtes-vous là ? Je vous vois et j’en doute.
Je vous touche, chers vieux, êtes-vous encor là ?
Cette table, ce pain, ces vases, tout cela,
N’est-ce qu’un songe, une forme qui s’envola ?
Une vapeur déjà dissoute ?

Ah ! sauvons-nous vite, n’emportons rien.
D’un seul pas devançant l’heure qui nous menace,
Sans regarder derrière nous, tant qu’en l’espace
Nos pieds épouvantés trouveront de la place,
Cachons-nous bien, vite, cachons-nous bien !

Que n’est-il un lieu sûr, secret des hommes,
De quoi tenir tous trois dans un pli de la nuit,
Fût-ce un cachot, où conserver le temps qui fuit !
Hélas ! le ciel nous voit, la terre nous poursuit
Partout, la mort est partout où nous sommes.

Petite minute obscure du jour,
Ni bonne, ni mauvaise, incolore, sans gloire,
Minute, vague odeur de manger et de boire,
Tintement de vaisselle et bruit vil de mâchoire,
Minute sans ciel, sans fleur, sans amour ;

Instant mort-né dont le néant accouche ;
Place informe du temps où tous trois nous voici
Arrivés, les yeux pleins d’horizon rétréci,
Mâchant un peu de viande et de pain, sans souci
Que de parfois nous essuyer la bouche ;

Petite minute, ah ! si tu pouvais,
Toujours la même en ton ennui paralysée.
Durer encor, durer toujours, jamais usée,
Et prolonger sans fin, sans fin éternisée,
Notre geste étroit de manger en paix !

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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RENDEZ-VOUS (Abdul-Aziz Jassim)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023


 

Illustration: Leon Santiago

RENDEZ-VOUS

Hier à la première demande
après des années d’absence elle m’a à nouveau accompagné
m’a enlacé passionnément devant les gardes
a retiré ses doigts et s’est enfuie.

Je l’ai suivie. Sur un pont élevé
elle a noué ses cheveux courts et a sauté.
Ma vie s’est élancée après elle,
comme la larme d’un capitaine
qui voit disparaître son bateau
et ne fait rien, seulement fixer les yeux
sur ses jambes mutilées.

(Abdul-Aziz Jassim)

– UAE

Traduction de l’anglais de Germain Droogenbroodt y Elisabeth Gerlache

de “La lezom le” 1995

Autres langues:

Anglais: https://www.point-editions.com/en/774-tryst
Espagnol: https://www.point-editions.com/es/774-tryst
Néerlandais: https://www.point-editions.com/nl/774-tryst
Autres: https://www.point-editions.com/ww/774-tryst

Recueil: ITHACA 774
Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

FRIENDS ITHACA
Holland: https://boekenplan.nl
Poland: http://www.poetrybridges.com.pl
France: https://arbrealettres.wordpress.com
Poland: http://www.poetrybridges.com.pl
Romania: http://www.logossiagape.ro; http://la-gamba.net/ro; http://climate.literare.ro; http://www.curteadelaarges.ro.; https://cetatealuibucur.wordpress.com
Spain: https://www.point-editions.com; https://www.luzcultural.com
India: https://nvsr.wordpress.com; https://ourpoetryarchive.blogspot.com>
USA-Romania: http://www.iwj-magazine.com/journal02

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ÉCHARPE INDIENNE (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
ÉCHARPE INDIENNE

Par inadvertance,
recours réflexe ou inconscient
à des douceurs anciennes,

j’ai noué autour de mon cou
une écharpe indienne à la trame si ténue
qu’on lui voit au travers,

aussitôt Manali, Bénarès, Jaisalmer,
confins tant cajolés du ressouvenir,
sont venus m’effleurer dans notre confinement

d’une étreinte si affectueuse, si légère,
que terre et ciel soudain n’étaient plus
qu’un bel embarcadère.

(André Velter)

Recueil: Séduire l’univers précédé de à contre peur
Editions: Gallimard

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Rondes plumes rond soleil (Valentine Penrose)

Posted by arbrealettres sur 22 juin 2023




    
Rondes plumes rond soleil
la boule du feu de joie
je m’étrangle de ma joie.
Douce femme douce au lac
l’air si tendre à ce satin.

Au milieu de moi tu bats
ô toi qui me noues au jour.

(Valentine Penrose)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Banlieue (Joseph-Paul Schneider)

Posted by arbrealettres sur 27 avril 2023




    
Banlieue

Le poing noué d’un saule secoue l’argent de ses feuilles
la rivière gonflée de pluies déborde sur la patience des prés
dans l’herbe haute une couleuvre file
à l’approche du gamin venu repêcher un ballon

Le vent bouscule les nuages
vers les cités grises de la banlieue

demain
le béton recouvrira
d’une chappe de silence glacé
l’herbe et la couleuvre
le saule et la rivière

(Joseph-Paul Schneider)

Recueil: Jean Orizet: Les plus beaux poèmes pour les enfants

Editions: Le Cherche Midi

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RETOUCHE AU SÉDUCTEUR (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2023



 

Vladimir Dunjic 2-The last veil [1280x768]

RETOUCHE AU SÉDUCTEUR

Celle qui l’a le plus aimé
il ne l’a point vue
toujours à coudre son pourpoint
à nouer ses lettres de différentes faveurs
à sortir les chiens
à respirer toute la nuit
la rue par laquelle il a fui

(Daniel Boulanger)

Illustration: Vladimir Dunjic

 

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Arbres (Adonis)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2023


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Arbres –
écharpes nouées aux hanches de l’horizon
et les bourgeons tels des seins

(Adonis)

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