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Poésie

Posts Tagged ‘délier’

Je ne comprends pas la distance (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Je ne comprends pas la distance.

Comment comprendre l’espace qui me sépare de l’arbre,
si son écorce dessine les lignes qui manquent à ma pensée ?

Comment comprendre la parenthèse
qui va du nuage à mes yeux,
si les figures du vent
délient le temps serré de ma petite histoire ?

Comment comprendre le cri pétrifié
qui gèle toutes les paroles du monde,

si de même qu’il n’est qu’un seul silence
il n’est au fond qu’une seule parole?

Je ne comprends pas la distance.
L’ultime preuve en est l’espace absurde
qui sépare en deux vies ton existence et la mienne.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Délié des doigts de l’air (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024



Illustration: Zinovy Shersher
    
Délié des doigts de l’air l’élan
Le vase d’or d’un baiser

La gorge lourde et lente
Par mille gerbes balancée
Arrive aux fêtes de ses fleurs

Elle donne soif et faim

Son corps est un amoureux nu
Il s’échappe de ses yeux
Et la lumière noue la nuit la chair la terre
La lumière sans fond d’un corps abandonné
Et de deux yeux qui se répètent

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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L’éclair me tient (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2023



Illustration:Ana Cruz 
    
L’éclair me tient

Je me déchiffre dans les marées
le va-et-vient des ombres

Je me nomme du
nom des noyés
Tout s’écarte
Les sables rongent

Puis d’un signe
Je me délie

Je suis lauriers et certitude

Le chant plane
L’éclair me tient.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Je, d’un accident ou d’amour (Loïc Demey)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023



    

Je, d’un accident ou d’amour
(extrait)

Soir premier
On se chez moi, on s’appréhension.
Elle se cheveux déliés, je me chemise légèrement
déboutonnée. On se distance respectable pour le moment,
on se musique de chambre sans danse de salon.
La pendule se tic-tac, je me tactique : je la cil et voeu
en frôlement de joue. Elle me sourire puis se soupirs.
On ne se mensonges pas. Elle et Martin, Delphine
et je. Mais nous, ici et uniquement. On se silencieusement,
on se délices de l’instant.
Elle se saphir dans le regard, paupières précieuses
et clignements.
Je la lèvres. Enfin.

[…]

(Loïc Demey)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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MATINALE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2023



Illustration: Alice de Miramon    
    
MATINALE

Le jour cherche son chemin,
hésitant au fond du noir,
plus timide que la main
caresseuse au creux du soir.

Il entre par la fenêtre
glissant entre les amants
délie les corps que pénètre
sa tiédeur nonchalamment.

L’ange sage du mensonge
à la dormeuse à demi
livre le début d’un songe encore
embrouillé de nuit.

Si, trompeuse, la clarté
dessine un chiffre d’amour
avec les corps enlacés
sur le drap plus blanc que jour

c’est pour qu’un oiseau perdu
s’il entre par la croisée
garde très longuement tu
le secret qui reposait

dans les bras le sein la joue
le doux ventre clair-nacré
de l’enfant sur qui se joue
un rayon aventuré.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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Les biches (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 17 septembre 2023



Illustration: Diane de Bournazel
    
Les biches aux jambes comme de grands yeux
parcourent les bois qui sont l’expression
de leur délicatesse infinie mais furieuse
dans leur agilité elles semblent peindre
le gracile au sein du fouillis
trouver le fragile au milieu des forêts
et délier tout le délire des arbres
du craquement de la branche cassée
elles tirent le grand voile du craquement
dont elles saisissent les coins de leurs dents décisives
et qu’elles emmènent jusqu’aux orées
travailleuses infatigables du mystère
ravaudeuses de beauté
elles réparent les bruits inquiétants
dont elles font le souffle de leur passage.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Fabulaux
Editions: AL MANAR

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Les seins (Yi Pyông-Ki)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2023


maman

Le jour où elle se coucha pour la dernière fois
Reposant sa tête sur mon giron
Elle ne pouvait supporter la douleur dans sa poitrine
Elle délia le noeud de sa blouse
Laissa apparaître ses seins

Ses têtons étaient bleu foncés
Comme jadis
Moi et huit ou neuf de mes frères et soeurs
S’étaient nourris à ces seins

(Yi Pyông-Ki)

Illustration

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Les parfums (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2023



Illustration: Maureen Wingrove alias Diglee
    
Les parfums

Mon coeur est un palais plein de parfums flottants
Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire,
Et le brusque réveil de leurs bouquets latents
– Sachets glissés au coin de la profonde armoire –

Soulève le linceul de mes plaisirs défunts
Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes…
Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums,
Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes !

Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons,
Odeur du premier feu dans les chambres humides,
Arômes épandus dans les vieilles maisons
Et pâmés au velours des tentures rigides ;

Apaisante saveur qui s’échappe du four,
Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures,
Souvenir effacé de notre jeune amour
Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ;

Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal,
Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie,
Arôme jubilant de l’azur matinal,
Parfums exaspérés de la terre amollie ;

Souffle des mers chargés de varech et de sel,
Tiède enveloppement de la grange bondée,
Torpeur claustrale éparse aux pages du missel,
Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ;

Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers,
Enivrante fraîcheur qui coule des lessives,
Baumes vivifiants aux parfums familiers,
Vapeur du thé qui chante en montant aux solives !

– J’ai dans mon coeur un parc où s’égarent mes maux,
Des vases transparents où le lilas se fane,
Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux,
Des flacons de poison et d’essence profane.

Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement
En un coin retiré sur des nattes de paille,
Et l’arôme subtil de leur avortement
Se dégage au travers d’une invisible entaille…

– Et mon fixe regard qui veille dans la nuit
Sait un caveau secret que la myrrhe parfume,
Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit,
Est un amas de cendre encor chaude qui fume.

– Je vais buvant l’haleine et les fluidités
Des odorants frissons que le vent éparpille,
Et j’ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés,
Un vase d’Orient où brûle une pastille.

(Anna de Noailles)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Dans les prisons de Nantes (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2023




    
Dans les prisons de Nantes

Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier

Personne ne vint le « vouère »
Que la fille du geôlier

Un jour il lui demande
Et que dit-on de « moué » ?

On dit de vous en ville
Que demain vous mourrez

Mais s’il faut que je meure
Déliez-moi les pieds

La fille était jeunette
Les pieds lui a délié

Le prisonnier alerte
Dans la Loire s’est jeté

Dès qu’il fût sur les rives
Il se prit à chanter

Je chante pour les belles
Surtout celle du geôlier

Si je reviens à Nantes
Oui je l’épouserai

Dans les prisons de Nantes
Y avait un prisonnier

(Anonyme)

 

Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette

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Le frisson dans les bruyères (Jean-Pierre Siméon)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2022




    
Le frisson dans les bruyères qu’étonne
l’aile de l’oiseau

l’infini lavis rose que laisse le soleil le soir
après l’averse

une parcelle de silence entre les bruits

ou la voix jaillie d’un commencement

il est ainsi de ces beautés infimes
qui touchent au centre parfait du jour

et les perçoit l’âme ajustée au simple
comme un chemin par elles vers elle-même

alors nous habitons
réellement
nous n’attendons plus de réponse

alors une joie avance en nous
fleur profonde
déliée de la grande mort

nous voilà savants
comme avant la parole

(Jean-Pierre Siméon)

 

Recueil: Là où dansent les Éphémères 108 poètes d’aujourd’hui
Traduction:
Editions: Le Castor Astral

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