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Poésie

Posts Tagged ‘fragile’

Errant asile (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024




Le vent se délie et rassemble le feuillage,
la nation des nuages se disperse.

Fragile est le réel et inconstant;
et aussi, sa loi le changement, infatigable :

tourne la roue des apparences
sur l’axe du temps, sa fixité.

La lumière dessine tout et tout enflamme,
elle plante dans la mer des poignards qui sont des torches,

elle fait du monde un bûcher de reflets :
nous autres ne sommes que moutonnements.

Elle n’est pas la lumière de Plotin, mais lumière terrestre,
lumière d’ici, mais lumière intelligente.

Elle me réconcilie avec mon exil :
patrie est sa vacuité, errant asile.

(Octavio Paz)

Illustration: ArbreaPhotos
 

 

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Il est un chagrin vague (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Illustration: Guy Baron
    
Il est un chagrin vague
Dans le fond de mon coeur…
Semblable à un bruit d’eau
Dans une solitude…
Un fragile bruit d’eau…

Je pense à ce qui, mort,
Persiste à vivre en moi…
J’y pense, et je m’enfouis
Dans un rêve sans fin,
Stérile et qui m’enfouit.

Me suffit-elle enfin
La vie vécue en vain ?
Allons, que rien ne sorte
Hors de sa solitude…
De moi que je ne sorte !

Je ne sais pas. J’endure les à-coups
Du chagrin dans mon être…
Je médite, et en moi résonne le couchant
De tout ce que j’ai voulu vivre
— Toujours seulement le couchant.

(Fernando Pessoa)

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Perfection du style (Hubert Haddad)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024



Illustration: Keith Haring
    

Perfection du style
cette fragile nuance
d’inachèvement

(Hubert Haddad)

Recueil: Les Haïkus du peintre d’éventail
Editions: Zulma

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PAS UN CADEAU (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
PAS UN CADEAU

Quel délice que la vie à cause d’elle
et de quelle abnégation font preuve
les rêves la religion et autres inventions
tombant dans leur non-vie écumante
pour sauver le pénible.

Routes miséreuses et routes royales
se bousculent dans une même fuite
poursuivies par le même souvenir
de notre mortalité.
L’oubli, cachette plus fragile qu’une ombre.
L’homme se fait aisément connaître par son destin
dans des circonstances, comme les promettent les psaumes,
exceptionnelles; là, point de douleur.

Ô soulagement inhabité.
Ainsi donc elle nous quitte, la tristesse,
il se tait, cet hymne
national de notre existence?
Et le soupir, ce faux brave, s’évade?
Il s’en va donc, ce petit nuage des poumons
ce ventilateur du silence?
Le soupir

prénom du soulagement nom de l’asphyxie
funiculaire de notre poids abrupt
masque respiratoire de nos tourments et
océan dans une goutte comme nous-même.

Vraiment, tout cela se perd?
Alors, quels couverts, quel goût
pour nous empiffrer de toutes
ces circonstances exceptionnelles?

Quelle cosmédie quelle cosmédie.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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CHANSON DE LA MÉLANCOLIE (Paul Fort)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2024



Illustration
    
CHANSON DE LA MÉLANCOLIE

Aimer et rire ont perdu ma jeunesse.
J’aimais l’amour dans sa délicatesse
et la gaîté fragile du printemps.
L’orage éclate et brise ma jeunesse
avec tes fleurs, jardin de mes parents!
Et j’ai pleuré sur de grands dahlias.

Vie trop sévère! Est-on bien fait pour ça?

Aimer encore et songer
m’ont perdu la fleur de l’âme,
aux temps où je m’en fus
rêvant un rêve inconnu de la femme :
j’adorai ciel et terre et fus perdu!
J’ai tout donné, j’ai tout donné mon âme.
Et je pleurais par ces rues que voilà.

Vie trop sévère! Est-on bien fait pour ça?

Aimer toujours et pleurer jusqu’à mort?
— J’ai fait revivre et l’esprit et le corps,
dès que j’en vins à moquer la douleur,
et l’amour même et la vie et la mort!
Voir et savoir ont bien perdu mon coeur.
Je ris de tout à présent, triste et las.

Vie trop sévère! Est-on donc fait pour ça?

J’entends ce soir — quel bonheur est dans l’air?
— j’entends ce soir chanter douze oiseaux clairs,
par le ciel rose et couleur de lilas.
O jeune fille, ô tes cheveux dans l’air
flottant sous un vol de pigeons… là-bas…
Dernier amour, tu ne me réponds pas?

Vie trop sévère! Est-on bien fait pour ça?

(Paul Fort)

Recueil: Ballades du beau hasard
Editions: Flammarion

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ILLUSIONS (Iuliana Pasca)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2024



Illustration: Michelle Mackie
    
ILLUSIONS

dans les coulisses d’un grand théâtre
un univers sans âme a bloqué les animateurs
avec l’indifférence d’un dieu

dans la nuit infinie
régnait un chaos stérile
les dernières émotions
qui telles de fragiles franges de glace
pendent aux ficelles d’une marionnette

à travers les doigts de mains noueuses
des yeux pleins de rêves contemplent
l’espérance.

(Iuliana Pasca)

(Roumanie)

Traduction Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache

Autres langues:

Anglais: https://www.point-editions.com/en/778-illusions
Espagnol: https://www.point-editions.com/es/778-illusions
Néerlandais: https://www.point-editions.com/nl/778-illusions
Autres: https://www.point-editions.com/ww/778-illusions

Recueil: ITHACA 778
Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

FRIENDS ITHACA
Holland: https://boekenplan.nl
Poland: http://www.poetrybridges.com.pl
France: https://arbrealettres.wordpress.com
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Romania: http://www.logossiagape.ro; http://la-gamba.net/ro; http://climate.literare.ro; http://www.curteadelaarges.ro.; https://cetatealuibucur.wordpress.com
Spain: https://www.point-editions.com; https://www.luzcultural.com
India: https://nvsr.wordpress.com; https://ourpoetryarchive.blogspot.com>
USA-Romania: http://www.iwj-magazine.com/journal02

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LA MATIÈRE (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 16 février 2024




    
LA MATIÈRE

Sur la matière
plane un rêve
mais esclave
chez un maître infâme
le vase de verre
porte une rose sombre l’or rutile
et le fer rouge
fait hurler la beauté
fragile et nue
dans la nuit de l’être.
Réduites aux choses
des fourrures mortes
pendent au mur blême.

(Jean Follain)

Recueil: Exister suivi de Territoires
Editions: Gallimard

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Sur la mort d’une rose (Raymond Radiguet)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024




    
Sur la mort d’une rose

Cette rose qui meurt dans un vase d’argile
Attriste mon regard,
Elle paraît souffrir et son fardeau fragile
Sera bientôt épars.

Les pétales tombés dessinent sur la table
Une couronne d’or,
Et pourtant un parfum subtil et palpable
Vient me troubler encor.

J’admire avec ferveur tous les êtres qui donnent
Ce qu’ils ont de plus beau
Et qui, devant la Mort s’inclinent et pardonnent
Aux auteurs de leurs maux,

Et c’est pourquoi penché sur cette rose molle
Qui se fane pour moi,
J’embrasse doucement l’odorante corolle
Une dernière fois.

(Raymond Radiguet)

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J’en appelle … (Mélanie Leblanc)

Posted by arbrealettres sur 9 février 2024




    
j’en appelle à l’animal
– araignée, enseigne-moi
comment relier la terre au ciel
les mondes aux mondes
tendre le fil de la voix
scintiller sous la pluie
rendre visible
l’harmonie secrète et fragile

écrire comme on tisse

*

j’en appelle au végétal
– fleur sauvage, enseigne-moi
comment exhaler son odeur
témoigner de la beauté
être là être libre
offrir les mots les plus précieux
puis dans un soupir
partir

écrire comme on fleurit

*

j’en appelle au minéral
— galet, enseigne-moi
comment faire des ricochets
choisir avec attention puis
jeter les mots-cailloux
rompre les lois
faire voler ce qui pèse
marcher sur l’eau

écrire comme on joue

(Mélanie Leblanc)

Recueil: Soleils vivaces vibrent dans nos mains
Editions: Le Castor Astral

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Ciel fendu (Marie-Claire Bancquart)

Posted by arbrealettres sur 1 février 2024




    
Ciel fendu

Les mots s’autodétruisent
dans l’odeur surie des bibliothèques
on lève son regard vers la fragilité des nuages.

Plus fragile, pourtant,
le ciel fendu par des écroulements

chairs pissant leurs liquides

massacres attentats

ils ne suriront pas, eux
ils bombillent sur le sang, bourdonnant l’opéra de la mort totale.

Eh, la parole, tu t’es enfuie
sur les ailes de ces mouches à merde ?

Mais non, tu restes
cette place de sève où la vie continue
dans la tige qu’on croyait gâtée pour toujours.

On s’accorde avec un espoir minuscule
en pot sur le balcon.

Notre précieux rien.
Notre indéfectible amour, à deux, à d’autres au milieu du monde presque défait.
Notre évidence.

(Marie-Claire Bancquart)

Recueil: Anthologie Poèmes ouverts
Editions: POINTS

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