Cette rose qui meurt dans un vase d’argile
Attriste mon regard,
Elle paraît souffrir et son fardeau fragile
Sera bientôt épars.
Les pétales tombés dessinent sur la table
Une couronne d’or,
Et pourtant un parfum subtil et palpable
Vient me troubler encor.
J’admire avec ferveur tous les êtres qui donnent
Ce qu’ils ont de plus beau
Et qui, devant la Mort s’inclinent et pardonnent
Aux auteurs de leurs maux,
Et c’est pourquoi penché sur cette rose molle
Qui se fane pour moi,
J’embrasse doucement l’odorante corolle
Une dernière fois.
Quand le plaisir brille en tes yeux
Pleins de douceur et d’espérance,
Quand le charme de l’existence
Embellit tes traits gracieux,
Bien souvent alors je soupire
En songeant que l’amer chagrin,
Aujourd’hui loin de toi, peut t’atteindre demain,
Et de ta bouche aimable effacer le sourire
Car le Temps, tu le sais, entraîne sur ses pas
Les illusions dissipées,
Et les yeux refroidis, et les amis ingrats,
Et les espérances trompées.
Mais crois-moi, mon amour! tous ces charmes naissants
Que je contemple avec ivresse,
S’ils s’évanouissaient sous mes bras caressants,
Tu conserverais ma tendresse!
Si tes attraits étaient flétris,
Si tu perdais ton doux sourire,
La grâce de tes traits chéris
Et tout ce qu’en toi on admire,
Va, mon cœur n’est pas incertain:
De sa sincérité tu pourrais tout attendre.
Et mon amour, vainqueur du Temps et du Destin,
S’enlacerait à toi, plus ardent et plus tendre!
Jeune beauté faite pour nos désirs
A la gaité joignez la volupté.
C’est la divinité
Qui soutient votre empire
Dans les bras d’un amant.
Que son cœur est charmant.
Qu’en pensez-vous ?
Bon je vous vois sourire.
2
Pour vos appas Lucie mon cœur soupire.
Laissez moi voir
Par dessous ce mouchoir
Ah le beau reposoir.
Souffrez que l’on admire.
Je voudrais que ma main
Y commette un larcin.
Qu’en pensez-vous ? (bis)
3
Quoi, vous boudez !
Lucie je me retire
J’irai plus bas chercher d’autres appas.
Si je fais du fracas
Vous n’aurez rien à dire ;
Si je donne du désir
Et aussi du plaisir
Qu’en pensez-vous ? (bis)
4
Il ne faut pas
Mourir vierge martyre.
Faisons un tour au palais de l’amour.
Des secrets de sa cour
Je vais vous instruire.
Son trône est un sofa,
Son sceptre le voilà
Qu’en pensez-vous ? (bis)
5
Suivez mes pas
Je suis un vaillant sire :
Cinq à six fois
C’est le moins de mes exploits
Cet ouvrage je crois,
C’est vous qui me l’inspirez.
Demain je reviendrai, je recommencerai
Qu’en pensez-vous ? (bis)
6
Fanchette, hé bien
Ne voulez-vous rien dire ?
Répondez donc si cela est ou non.
Vous savez qu’un garçon
Demande à se produire.
Son plus cher agrément
Est celui d’être amant
Qu’en pensez-vous (bis).
7
Qu’en pensez-vous
Plus belle que l’aurore ?
Vos yeux riant me rendront-ils content ?
Ne tardez pas longtemps
Tendre objet que j’adore.
Rendez-moi mon cœur joyeux.
Faites un amant heureux
Qu’en pensez vous ? (bis)
8
Qu’en pensez-vous ?
Ah daignez donc m’instruire.
Vos sentiments me semblent surprenants.
Un silence aussi grand !
Faites que mon cœur soupire.
Apprenez moi enfin
Quel sera mon destin.
Qu’en pensez-vous ? (bis)
9
Laissez charmer votre cœur Zémire
Pourquoi tarder
Puisqu’il faut s’engager.
Le temps est précieux
Quand le cœur le désire.
Comblerez-vous mes vœux ?
Oui, je lis dans vos yeux.
Qu’en pensez-vous ? (bis)
10
Oui cher Tircis votre amour j’accepte
Mais un amant doit agir prudemment.
Si je fus si longtemps
A demeurer muette,
C’est pour mieux sentir
Le charme du plaisir
Qu’en pensez-vous ?
Bon je vous vois sourire.
En un verger sous la fleur d’aubépine
La Dame tient près d’elle son ami.
Le guetteur crie que le soleil se lève.
Mon Dieu, mon Dieu comme l’aube vient tôt !
Qu’il plaise à Dieu que la nuit s’éternise,
Que mon ami ne s’éloigne de moi
Que le guetteur ne voie poindre le jour.
Mon Dieu, mon Dieu comme l’aube vient tôt !
Beau doux ami embrassons-nous encore
Au fond du pré où chante la feuillée
Fais-moi du bien, au diable le jaloux !
Mon Dieu, mon Dieu comme l’aube vient tôt !
Beau doux ami faisons un jeu nouveau,
Dans ce jardin où chantent les oiseaux,
Tant que le guet ne joue de son pipeau !
Mon Dieu mon Dieu comme l’aube vient tôt !
Dans l’air léger qui me vient du lointain
De mon amant fringant et tendre et gai
J’ai bu d’un trait le souffle délicieux.
Mon Dieu mon Dieu comme l’aube vient tôt !
Gracieuse elle est cette dame, et plaisante.
Pour sa beauté l’admirent maintes gens,
Et son coeur sait ce qu’est amour loyal.
Mon Dieu mon Dieu comme l’aube vient tôt !
(Anonyme)
Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points
Venez que je vous parle, ô jeune enchanteresse!
Dante vous eût faite ange et Virgile déesse.
Vous avez le front haut, le pied vif et charmant,
Une bouche qu’entrouvre un bel air d’enjouement,
Et vous pourriez porter, fière entre les plus fières,
La cuirasse d’azur des antiques guerrières.
Tout essaim de beautés, gynécée ou sérail,
Madame, admirerait vos lèvres de corail.
Cellini sourirait à votre grâce pure,
Et, dans un vase grec sculptant votre figure,
Il vous ferait sortir d’un beau calice d’or,
D’un lys qui devient femme en restant lys encor,
Ou d’un de ces lotus qui lui doivent la vie,
Etranges fleurs de l’art que la nature envie!
Venez que je vous parle, ô belle aux yeux divins,
Pour la première fois quand près de vous je vins,
Ce fut un jour doré. Ce souvenir, madame,
A-t-il comme en mon coeur son rayon dans votre âme?
Vous souriez. Mettez votre main dans ma main,
Venez. Le printemps rit, l’ombre est sur le chemin,
L’air est tiède, et là-bas, dans les forêts prochaines,
La mousse épaisse et verte abonde au pied des chênes.
Mon cheval est surpris
Je le retiens par la bride, regarde en bas
Ainsi que des brocarts et soieries
Les monts sont renversés dans la rivière
Ne t’étonne pas, cheval,
Moi-aussi je les admire
Depuis trois jours sévit une ardente canicule,
La vie dans la capitale est insupportable.
En allant au travail, je rencontre un colporteur,
De ma poche, je tire une pièce et lui achète une pêche.
Je la mords à pleines dents, en savoure la douceur
Et admire sa couleur enchanteresse.
Le pêcher en avait donné trois livres,
Hélas, la charrette a déjà franchi le pont de la porte de Ji.
(Laoshu)
Recueil: Un monde simple et tranquille
Traduction: du chinois par Jean-Claude Pastor
Editions: Philippe Picquier