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POUR LES PETITS-FILS DE LA TERRE (Joy Harjo)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024




    
POUR LES PETITS-FILS DE LA TERRE

Tenez-vous droit, qu’importe votre taille,
la teinte de votre peau
Votre esprit n’est que couleurs au-dedans
Vous êtes faits de la plus exquise lumière
De l’amour irisé qui forma vos mères, vos pères,
Vos grands-parents jusqu’à l’origine sur la route en spirale
Il n’y a pas de fin à cet amour
Il a formé vos corps
Nourrit vos esprits vifs
Et quoi qu’il arrive en ces temps de rupture —
Qu’importe les dictateurs, les sans-coeur, les menteurs
Qu’importe — vous êtes issus de ceux
Qui entretinrent la flamme des braises cérémoniales entre leurs mains
Pendant la longue route de l’exil implacable
Qui chantèrent le chemin traversant le massacre
Sans cesse, jusqu’à l’aube
Vous vous en sortirez —

***

FOR EARTH’S GRANDSONS

Stand tall, no matter your height, how dark your skin
Your spirit is all colors within
You are made of the finest woven light
From the iridescent love that formed your mothers, fathers
Your grandparents all the way back on the spiral road—
There is no end to this love
It has formed your bodies
Feeds your bright spirits
And no matter what happens in these times of breaking—
No matter dictators, the heartless, and liars
No matter—you are born of those
Who kept ceremonial embers burning in their hands
All through the miles of relentless exile
Those who sang the path through massacre
All the way to sunrise
You will make it through

(Joy Harjo)

Recueil: L’aube américaine
Traduction: de l’anglais (Etats Unis) par Héloïse Esquié
Editions: Globe

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LA CHANSON D’UNE PLINTHE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024



    

LA CHANSON D’UNE PLINTHE

Il était une fois une modeste plinthe
(Modeste pour la plinthe est très-pléonastique
Qu’elle soit composée de bois ou de plastique)
Trop modeste en tout cas pour s’être jamais plainte.

Elle avait bien son lot d’accumulés moutons
Qui provoquaient bientôt de vifs coups de balai
Qui lui tombaient dessus lui pleuvant tout le long.
Ce dont elle souffrait davantage encor c’est

Que nul événement dans sa vie ne survienne:
Uniquement des murs, des couloirs, des jours mornes
Où elle poursuivait sa triste vie de chienne,

N’ayant d’autre horizon que celui qu’elle borne.
Ah! quelle perspective entrevoir pour la plinthe ?
Quelle expérience avoir? Offrons-lui la complainte.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Lettre à l’inconnue d’en face (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024



    

Lettre à l’inconnue d’en face

1
Rideaux, tentures, voilages, non rien, Madame,
pour dérober à votre oeil de cyclope
dans l’ombre qui m’épie ce long corps nu
de faux gisant recru d’intempérances,
et qui se pâme aussi devant votre balcon
où sèche toute une lingerie de nonne aux abois —
fleurs vénéneuses pour le solitaire
que la mort affole dresse démoelle dans la nuit,
rivé à vos blanches cuisses.

2
Si peu de lumière sur ma table,
si peu que les mots comme fleurs rabougrissent
— et ma chair, si vous n’y portez remède par saoules salives,
si votre ventre fougueusement ne l’enroule,
ma chair vive et veuve livrée nue chaque nuit à votre délectation
s’en ira elle aussi pétale à pétale avant que nous n’ayons trouvé,
belle inconnue, cette bête qui voyage beaucoup.

3
Reconnaissez Madame
que mourir hors du dérèglement de tous les sens
est triste et sans aucun profit
(présent gâché que la vertu, la nuit vient vite
et la plus belle rose est du fumier).
Ouvrez vos ombres votre giron vos lèvres :
le clou du spectacle est en bas dans la rue où,
preste comme une main sous les robes,
le vent réveille les beaux orages qui nous étaient promis.

(Guy Goffette)

Recueil: Un manteau de fourrures suivi de L’adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne
Editions: POINTS

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Bris des brisures (Hubert Haddad)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024



Illustration
    
Bris des brisures
qui sans fin va se brisant –
cristal des eaux vives

(Hubert Haddad)

Recueil: Les Haïkus du peintre d’éventail
Editions: Zulma

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L’OR ET L’EAU FROIDE (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024



Illustration: Wendy Anziska
    
L’OR ET L’EAU FROIDE

Sous les bandeaux des bras des lèvres
Reste immobile vérité
Racines sources sont amies.
Les couleurs vives des baisers
Te fermeront les yeux franchise.

*

Solitude beau miel absent
Solitude beau miel amer
Solitude trésor brûlant.

*

Soûlé lassé dépris défait
L’homme retourne au fond du puits

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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La fièvre aux tempes (Frankétienne)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2024



Illustration: Salvador Dali
    
La fièvre aux tempes, le corps entransé de désirs,
je me couche dans le vif de ma lampe,
j’apprends à dormir au centre de ma flamme.
Et je prépare mon réveil aux éclats de mes songes.

Par effraction, je m’installe au plus profond du mystère
à la recherche de mes noeuds.
Je brûle mes livres mes images mes parasites mes vermines
et mes yeux pour la permanence du refus,
le bourgeonnement du cri, la germination du sang
et la résonance de mes gouffres.

Masque et métamorphose.
D’avoir marché
D’avoir tant vu
D’avoir trop lu
D’avoir trop dit
D’avoir changé
D’avoir dansé
Et d’avoir trébuché si souvent
Nous nous méfions des grimaces de nos ombres.

Une lueur de sang creuse la passion du voyeur
enfiévré par la lumière du massacre
La phrase du crime assassine le sommeil du témoin
Tympan crevé en héritage
La surdité du ciel
La solitude du pouvoir

(Frankétienne)

Recueil: Anthologie secrète
Editions: Mémoire d’encrier

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CANZONE DE L’ÉTREINTE OU LA VRAIE CANZONE DES CANZONES (Paul Fort)

Posted by arbrealettres sur 19 février 2024




    
CANZONE DE L’ÉTREINTE OU LA VRAIE CANZONE DES CANZONES
A ma Tourangelle bien-aimée.

partageons, lèvres jointes, et à cils rapprochés,
le soleil recherché des lianes en étreinte,

des fleurs sous la rosée, des prairies sous l’autan
échangeant leurs pensées, échangeant tout autant

violettes embaumées, oiseaux cherchant ramées, fils de la Vierge…
attends!… Et Dieu s’il a le temps;

tièdes ou chauds rayons, mais dont le coeur frissonne,
soyez nous en personnes, lorsque nous partageons

le soleil du Printemps ou (qui peu nous étonne,
amant, amante, amants!) le soleil de l’Automne,

lorsque l’orage tonne. — Partageons, lèvres jointes,
et à coeurs se touchant, un soleil recherchant

deux lianes en étreinte.
Aimons-nous en aimant le soleil d’un Moment

vif éternellement !

(Paul Fort)

Recueil: Ballades du beau hasard
Editions: Flammarion

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Au loin disparu (Su Wu)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024



Illustration
    
Au loin disparu

Le cygne déploie ses ailes agiles et laisse le vent le porter au loin.
Un air vif le rappelle au souci et il tourne la tête, incertain.
Un cheval livre ses pas lourds à la steppe désertée — les siens sont partis.
Son coeur s’enlise dans des pensées interdites comme ses sabots dans la glaise meuble.

Le destin s’abat sans pitié sur deux dragons que leurs ailes opposent.
Il reste pourtant les chants qui savent révéler les amours secrets.
À l’ami qui s’en va, je joins les mots du ruisseau où coulent mes larmes.
L’écho des tambours exalte les vertus mâles et déchire les coeurs des compagnons vaincus.

La solitude des vers alimente le brasier du souvenir
Et plombe mon âme, mon âme brisée dans l’horizon des peines.
J’aimerais pouvoir entonner encore les airs de l’enfance,
Ton pays est loin désormais — il t’ignore jusqu’au trépas.

Le mal me dévisage et il pleut sur les joues des filets d’amertume.
Les cygnes volent leur vie entière deux à deux
Mais pour nous, hommes, qui ne pouvons nous envoler ensemble
Il n’y a que routes mornes aux destins séparés.

(Su Wu)

(140-60 av. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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Ô les peines si vaines (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2024



Illustration: Flo DS
    
Ô les peines si vaines
qui ne furent que miennes
à force de m’y voir

Ô les joies échangées
autant qu’il m’en souvienne
aux rives du miroir

Ô la vive mémoire
des douleurs partagées
dans le fleuve et le noir

seul bien qui m’appartienne
avant le Grand Congé

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Editions: Gallimard

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Je sais bien que je les immortaliserai (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 30 janvier 2024




    
Je sais bien que je les immortaliserai,
ces moments cruellement mortels.
Tananarive.

Les aiguillons de l’horloge en mon flanc
comme ils sont prompts ou lents Ah!
L’heure me blesse, trop vite tardive,
de ses épines vives.
Quand sonnera l’heure que rien ne tend
dans la suite du temps
l’heure dont les armes ne tourneront
qu’au fond d’un piège rond
d’où nous serons l’un loin de l’autre absents
alors de ce présent
qui me vise et m’écorche et me dépèce
je ferai la caresse
du passé.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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