Si vous m’aviez connu
Du temps des matins souples
Quand je marchais sur l’eau
Dans Venise la trouble
Si vous m’aviez connu
Sur ces scènes indicibles
Je lançais des couteaux
Sur de graciles cibles
Si vous m’aviez connu
Madame toute nue
Sans vouloir me vanter
Vous auriez apposé
Sur mes paupières closes
Vos lèvres parfumées
De cistes et de rosée
Et de bien d’autres choses
Si vous m’aviez connu
Dans ce fringant costume
Quand je fondais de l’or
Pour en faire des plumes
Si vous m’aviez connu
Quand j’étais Matador
Tout déchiré dedans
Tout recousu dehors
Si vous m’aviez connu
Madame toute nue
Pendant que je mourais
Auriez Vous déposé
Sur mes paupières closes
Vos larmes parfumées
De cistes et de rosée
Et du chagrin des choses
Si vous m’aviez connu
Du temps des rêves d’or
Quand je dormais encore
Est-ce que vous m’auriez cru ?
Si vous m’aviez connu
Madame toute nue
Sans vouloir me vanter
Auriez-vous apposé
Sur mes paupières closes
Vos rêves parfumés
De cistes et de rosée
Et du regret des choses
Enfants venez, le monde est la fortune.
Nous tricherons pour être heureux ici.
Avec des fleurs nous construirons des huttes.
Venez le temps d’opposer un défi
A ce qui meurt chaque nuit sous la lune.
[…]
parmi la brousse, ô kangourous sans âge,
poussant vers l’ouest un ruisseau d’astres verts,
Nous brouterons d’étranges univers
Et sauterons parmi toutes nos larmes.
On a des envies de revenir, d’aimer, de ne pas s’absenter,
et on a des envies de mourir, combattu par deux
eaux opposées qui jamais ne vont isthmer.
On a des envies d’un grand baiser qui ensevelisse la Vie,
qui finit en l’afrique d’une agonie ardente,
suicidaire!
On a des envies… de n’avoir pas d’envie, Seigneur;
toi je te désigne d’un doigt déicide :
on a des envies de n’avoir pas eu de coeur.
Le printemps revient, revient et s’en ira. Et Dieu,
telle une courbe de temps, se répète et passe, passe
portant sur son dos l’épine dorsale de l’Univers.
Quand les tempes battent leur lugubre tambour,
quand me blesse le songe gravé sur un poignard,
on a des envies de rester planté là dans ce vers!
Beaux yeux que j’aime tant, hé quelle est votre essence,
Car l’on vous pense feux à mon embrasement,
Puis l’on vous juge cieux par votre mouvement,
Mais non, vous êtes Dieux selon votre puissance.
Ces yeux n’ont que des feux toujours en influence,
Comme s’ils n’étaient faits que de cet élément :
Mais ces yeux étant dieux, leur branlant règlement
N’a que leur volonté pour toute intelligence.
Feux germains et gémeaux qui me donnez le jour,
Tandis que vous luirez dedans le ciel d’amour,
En tout temps et tout lieu je veux cueillir la rose.
Et quoi que le Démon avec ses appareils,
De rage et de noirceur à mes beaux jours oppose,
Je ne crains point l’éclipse avecque deux soleils.
Dans la nuit déchirée
avec les lucarnes et les murs inquiets
qui pénètre notre infirmité
A la boue aux lèvres tachées
opposer l’eau du ciel
les salives terrestres
D’une architecture de brindilles
et de poussière l’oiseau
Apprivoise ses saisons
prend appui sur le vent
Porte bienfaisance
dans le feu lucide
des os et des pierres