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Poésie

Posts Tagged ‘jurer’

Lieu. Maison. Foyer. (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024



Illustration: Salavat Fidai
    
Lieu. Maison. Foyer.

Je marche dans une ville
qui a cessé de m’habiter.

Je la touche décousue,
des
fourmis
sortent
des briques des murs,
des alarmes s’élèvent
et plus aucune sirène ne répond
— il se peut qu’il y ait des fourmilières
dans tous les jardins —.

Je jurerais que tout a changé.
Je jurerais qu’avant, ici,
il y avait une mer.
Ou un ciel.

Je jurerais que j’ai survolé cette ville
avec plus d’ailes
que d’années.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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BALLADE POUR UN VIEUX CAPITAINE (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024



Jacques Higelin
    
BALLADE POUR UN VIEUX CAPITAINE

Surgissant du fond des nuits
assoiffé de lumière

Entravé du lourd boulet
des croyances éteintes

Ballottant au gré des vents
mes passions incertaines

J’écumais les marécages
où l’on côtoie la mort

Où le souffle des ombres
vous étrangle le coeur

Où les esprits gluants
vous plongent dans les fosses

Équilibriste en feu
sur l’arête des abîmes

J’avais traqué la peur
et juré par ma mère

Lié aux épaves
quand un cyclone décochant

Une lame m’a cloué
sur le bord du rivage

Et j’ai pleuré,
hurlé en implorant du Diable

Une trêve,
tant le temps était lourd

Et le Jour
enfoui sous la ténèbre

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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Ce qui est bouleversant (Christiane Singer)

Posted by arbrealettres sur 10 février 2024




    
Ce qui est bouleversant, c’est que quant tout est détruit,
il n y a pas la mort et le vide comme on le croirait,
pas du tout.

Je vous le jure.
Quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’Amour.
Il n’y a plus que l’Amour.
Tous les barrages craquent.
C’est la noyade, l’immersion.

L’amour n’est pas un sentiment.
C’est la substance même de la création…

Je croyais jusqu’alors que l’amour était reliance,
qu’il nous reliait les uns aus autres.
Mais cela va beaucoup plus loin !
Nous n’avons pas même à être reliés :
nous sommes à l’intérieur les uns des autres.

C’est cela le plus grand vertige…
de l’autre côté du pire t’attend l’Amour.
Il n’y a en vérité rien à craindre.
Oui, c’est la bonne nouvelle que je vous apporte..

(Christiane Singer)

Recueil: Derniers fragments d’un long voyage
Editions: Albin Michel

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Le chat et les rats (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



Illustration: Grandville
    
Le chat et les rats

Un angora que sa maîtresse
Nourrissait de mets délicats
Ne faisait plus la guerre aux rats ;
Et les rats, connaissant sa bonté, sa paresse,
Allaient, trottaient partout, et ne se gênaient pas.

Un jour, dans un grenier retiré, solitaire,
Où notre chat dormait après un bon festin,
Plusieurs rats viennent dans le grain
Prendre leur repas ordinaire.

L’angora ne bougeait. Alors mes étourdis
Pensent qu’ils lui font peur ; l’orateur de la troupe
Parle des chats avec mépris.
On applaudit fort, on s’attroupe,

On le proclame général.
Grimpé sur un boisseau qui sert de tribunal :
Braves amis, dit-il, courons à la vengeance.
De ce grain désormais nous devons être las,
Jurons de ne manger désormais que des chats :
On les dit excellents, nous en ferons bombance.

À ces mots, partageant son belliqueux transport,
Chaque nouveau guerrier sur l’angora s’élance,
Et réveille le chat qui dort.
Celui-ci, comme on croit, dans sa juste colère,
Couche bientôt sur la poussière
Général, tribuns et soldats.
Il ne s’échappa que deux rats

Qui disaient, en fuyant bien vite à leur tanière :
Il ne faut point pousser à bout
L’ennemi le plus débonnaire ;
On perd ce que l’on tient quand on veut gagner tout.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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L’oubli (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2023




    
L’oubli

Il y a un grand trou noir au fond de mon jardin
Où je jette les pierres qui encombrent ma route

Il y a un grand trou noir au creux de ma mémoire
Où se jettent les visages à qui j’avais juré
Rempart contre l’oubli

Il y a un grand trou noir dans la tête du monde
Où je m’engloutirai
Moi tout baigné de vie
Avec mon sang et mes cheveux
Avec mes pas qui résonnent
Avec ma grande tourmente d’homme

Il y a un grand trou noir dans la tête du monde
Où je m’engloutirai.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Marie, levez-vous, ma jeune paresseuse (Pierre de Ronsard)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2023



Illustration: Serge Marshennikov
    
Marie, levez-vous, ma jeune paresseuse

Marie, levez-vous, ma jeune paresseuse :
Jà la gaie alouette au ciel a fredonné,
Et jà le rossignol doucement jargonné,
Dessus l’épine assis, sa complainte amoureuse.

Sus ! debout ! allons voir l’herbelette perleuse,
Et votre beau rosier de boutons couronné,
Et vos oeillets mignons auxquels aviez donné,
Hier au soir de l’eau, d’une main si soigneuse.

Harsoir en vous couchant vous jurâtes vos yeux
D’être plus tôt que moi ce matin éveillée :
Mais le dormir de l’Aube, aux filles gracieux,

Vous tient d’un doux sommeil encor les yeux sillée.
Çà ! çà ! que je les baise et votre beau tétin,
Cent fois, pour vous apprendre à vous lever matin.

(Pierre de Ronsard)

Recueil: Max-Pol Fouchet La poésie française Anthologie thématique
Editions: Seghers

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Mon cœur s’ébat en odorant la rose (Jean Froissart)

Posted by arbrealettres sur 2 novembre 2023




    
Mon cœur s’ébat en odorant la rose
Et s’éjouit en regardant ma dame :
Trop mieux ne vaut l’une que l’autre chose.
Mon cœur s’ébat en odorant la rose
L’odeur m’est bon, mais du regard je n’ose
Jouer trop fort, je vous le jure par m’âme,
Mon cœur s’ébat en odorant la rose
Et s’éjouit en regardant ma dame.

(Jean Froissart)

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HYMNE AUX CONFINS MAGNÉTIQUES (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
HYMNE AUX CONFINS MAGNÉTIQUES

Soudain c’est ainsi
Je te connais au premier regard
Horizon à même la peau

Au rythme premier aussi je te connais
Et au souffle premier
Je te sais énergie sans repos

Que tu sois prodige
Métamorphose ou chaos
En tête-à-tête je te connais

*

Je te rejoins en ardente solitude
Je t’invente un nom de sanyasin
Au vrai de son silence je t’invente

Je te rejoins à pas démesurés
Sur mon honneur
Je te prédis l’ivresse de banquets faméliques

Je te rejoins par-delà les frontières
Je te bâtis un abandon
À l’étiage du lac Birendra

*

Parti où tu es
L’invincible est à ne pas croire
Une épée au bord des lèvres

Je te rejoins de cause à effet
Et plus jamais de regrets
Je garde la colère

Et plus jamais de remords
Je réveille l’insouciance
À midi c’est juré

*

Je te soulève à contre-pente
L’allégresse vient de faire escale
Aux confins magnétiques

Tout s’est inversé
L’orage au matin calme
La brume dans les flammes

Je te soulève plus haut qu’il n’est possible
Plus inouï qu’il se peut d’aimer
D’hymne pour te diviniser

*

Te voici hors d’atteinte
Je te cherche à l’orée du temps
Rien n’est inachevé

(André Velter)

Recueil: Séduire l’univers précédé de à contre peur
Editions: Gallimard

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Bergeries (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 9 octobre 2023




    
Bergeries
(extrait)

Suppose

Que pour moi l’étendue
Soit de l’ordre du cri

Et que je te demande
De ramener son règne

À la plainte habitant
le creux des coquillages.

Suppose

Que la mer ait envie
De nous voir de plus près

Et que je te demande
D’aller lui répéter

Que nous ne pouvons pas
L’empêcher d’être seule.

Suppose

Que près de nous la mer
Se mette à grommeler

Et que je te demande
De n’avoir d’autre peur

Que celle que nous donne
Son silence étranglé

Suppose

Qu’il n’y ait que le vent
À rencontrer sur terre

Et que je te demande
De souffler à sa place

Et d’agir avec moi
Comme avec un trois-mâts.

Suppose

Que je me laisse un jour
Marcher sur l’océan

Et que je te demande
De m’appeler pour voir

Si ton cri peut changer
Mes rapports avec l’eau.

Suppose

Que la vague et le sable
Jurent de te dissoudre

Et que je te demande
De m’étreindre à ce point

Qu’on ne puisse te prendre
Et me laisser un corps.

Suppose

Que la nuit me rejette
Quand je suis sans refuge

Et que je te demande
De me garder à toi

Pour affronter le noir
Sans redouter sa haine.

(Eugène Guillevic)

Recueil: Bergeries
Editions: Gallimard

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Pastourelle (Marcabru)

Posted by arbrealettres sur 19 septembre 2023




    
Pastourelle

L’autre jour près d’une haie
Je vis bergère ambiguë,
Joyeuse, pleine d’esprit,
Vêtue comme à la campagne
Coiffe, cape, houppelande
Chausses de laine, souliers,
Et chemise de treillis.
Je m’approchai par la plaine
Et lui dis : — fille jolie
Je crains que le vent vous pique !

— Seigneur me répondit-elle
Grâce à ma mère et à Dieu
Qu’importe s’il m’échevèle
Je me porte on ne peut mieux !

— Fillette à l’humeur si douce
J’ai quitté le droit chemin
Pour vous tenir compagnie.
Une jeune villageoise
Comme vous ne peut garder
Tant de bétail en ce lieu,
Seule, sans plaisant ami.

— Je sais bien, qui que je sois,
Distinguer sens et folie,
Dit la belle villageoise.
Réservez votre amitié
à celles qui s’en contentent
Car les crédules, à mon sens,
N’en auront pas de profit.

— Fillette de noble race,
Sûrement, d’un chevalier
Votre mère vous conçut
Villageoise mais courtoise.
De plus en plus je vous aime
Et votre joie m’illumine
Si vous m’étiez plus humaine !

— Sire, dit la jeune fille,
À la bêche et à l’araire
Ma famille fut tracée.
Mais pour ce qui vous concerne
Tel qui se dit chevalier
Devrait l’être assurément
Les sept jours de la semaine !

— Fillette, une aimable fée
Au berceau vous fit cadeau
D’une beauté qui surpasse
Celle des gens de chez nous.
Vous seriez doublement belle
Si je pouvais, une fois,
Vous voir dessous, moi dessus !

— Seigneur, dit la paysanne,
Vous m’avez si fort flattée
Que toutes vont m’envier.
Du rang où vous me hissez
Voici pour vous ce salaire :
Reprends tes airs ébaubis,
Tu perds ton temps, pauvre fou!

— Fillette, un coeur dur, sauvage,
S’apprivoise par l’usage.
À vous voir il m’apparaît
Qu’avec une villageoise
Comme vous peut se lier
Une amitié de bon coeur
Si l’un ne trompe pas l’autre.

— Sire, dit la paysanne
L’homme encombré de folie
Jure, promet et s’engage
Mais de semblables hommages
Ne donnent pas droit d’entrée
Je garde mon pucelage
Nul ne me dira putain !

— Fillette, les créatures
Vont toujours à leur nature.
Apprêtons-nous, vous et moi,
À nous accoler ensemble
À l’abri, le long du pré.
Vous y serez à votre aise
Pour faire la chose aimée.

— Allons, seigneur, on sait bien
Que le fou cherche folie,
Le courtois belle aventure
Et le paysan sa mie.
Comme disent les anciens :
« Défaut de juste mesure
Fait la mine du bon sens. »

— Belle, je n’ai jamais vu
Plus friponne de figure
Et plus traîtresse de coeur !

— Seigneur écoutez la chouette.
Elle dit: « l’un baye aux corneilles
Et l’autre espère profit ! »

(Marcabru)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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